Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 15 septembre 2015 à 21h30
Modernisation de notre système de santé — Article 5, amendement 1034

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Je voudrais tout d’abord dire quelques mots sur l’esprit de cette disposition et sur son contour, tel que nous le concevons actuellement.

L’enjeu est de donner une meilleure information aux consommateurs. Le surpoids constitue un enjeu de santé publique. En France, environ 17 % de la population adulte est obèse. C’est moins que dans d’autres pays, notamment anglo-saxons, grâce à une politique résolue engagée voilà maintenant treize ans, en 2002, avec le premier programme national nutrition santé, et poursuivie sans discontinuer depuis lors.

Cette politique a permis d’enregistrer des résultats, mais, si nous voulons poursuivre sur cette voie, nous devons être attentifs à prévenir aussi l’apparition de maladies, car le surpoids et l’obésité constituent des facteurs de risque pour de nombreuses pathologies, notamment le diabète, qui, aujourd’hui, selon les spécialistes, fait l’objet d’une véritable « épidémie » dans les pays développés, le nombre de personnes diabétiques augmentant de façon extrêmement rapide et préoccupante.

Dès lors, l’objectif de cet étiquetage nutritionnel, auquel de nombreux autres pays ont réfléchi, est d’apporter une information aux consommateurs.

On parle bien ici de produits transformés, et non de produits du terroir ou directement issus de la production de proximité. Mesdames, messieurs les sénateurs, prenez un paquet d’un produit quelconque : les informations nutritionnelles qui y figurent sont très nombreuses. Néanmoins, la plupart d’entre nous, qui n’avons pas de compétences particulières en matière de médecine ou de nutrition, ne sont pas capables de faire la synthèse d’informations concernant le sel, le sucre, le gras, etc. L’idée est donc d’apporter une vision globale de la qualité nutritionnelle du produit.

Nous proposons que cet étiquetage soit simple à comprendre et à appliquer, unique, global et immédiatement compréhensible, afin de permettre des comparaisons entre plusieurs produits.

Le dispositif que nous avons conçu est facultatif – je réponds ainsi par avance aux auteurs de certains amendements –, ce qui rend inutile la conduite d’expérimentations. Les industriels qui le souhaiteront s’engageront dans cette démarche, à condition que le dispositif qu’ils appliquent soit celui qui aura été homologué par la puissance publique, afin que l’on puisse comparer les produits les uns avec les autres.

Avant l’été, une revue bien connue, Que choisir ?, a évalué 500 produits sur le marché à partir de l’un des dispositifs d’étiquetage nutritionnels envisagés, qui comprend plusieurs couleurs et qui est sans doute l’un des plus simples et des plus faciles à reconnaître.

Or les résultats de cette étude sont très surprenants : par exemple, certaines lasagnes industrielles affichaient une très bonne couleur, tandis que d’autres ne présentaient pas la même qualité nutritionnelle. Certains goûters pour enfants sont plus recommandables que d’autres. Des poissons avec des légumes, théoriquement très légers, recevaient une étiquette très défavorable, parce que ces plats comprenaient quantité d’additifs qui en rendaient la qualité nutritionnelle beaucoup moins positive.

On va ainsi de surprise en surprise – je vous avoue très sincèrement que cela a été mon cas – pour des produits très connus, de marques très célèbres… Je me suis moi-même aperçue que, depuis des années, je consommais certains produits en pensant qu’ils étaient formidables, alors qu’ils ne l’étaient pas autant que cela, tandis que je m’étais privée pendant des années d’autres produits que je croyais beaucoup moins formidables et qui en réalité auraient été meilleurs. Je me suis donc dit : « Si j’avais su, je ne me serais pas privée de ces produits-là, qui, en théorie, n’étaient pas recommandés, alors qu’ils étaient recommandables en pratique ! »

Afin d’avancer dans cette direction, nous avons mis en place un groupe de réflexion. L’ANSES proposera un dispositif. Des consultations sont menées, auxquelles les consommateurs sont associés. Des intérêts contradictoires se font naturellement entendre ; je crois qu’il est aussi important que les consommateurs, les industriels, évidemment, et les distributeurs soient associés. C’est donc dans cette direction que nous travaillons.

Pour les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 575 et 830 rectifié bis. En effet, il s’agit bien d’une mesure de santé publique et non simplement d’une mesure de consommation. Il faut guider nos concitoyens vers des choix favorables à leur santé.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 1034, dans la mesure où nous voulons que la démarche soit volontaire, afin que ce dispositif se diffuse progressivement et fasse ses preuves.

Pour la même raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 706.

Le Gouvernement émet de nouveau un avis défavorable sur les amendements identiques n° 146 rectifié et 1036. En effet, leurs auteurs proposent de déterminer immédiatement quel sera le type d’étiquetage nutritionnel.

Je dois dire que je suis personnellement assez sensible aux atouts du dispositif de couleurs. Cependant, encore une fois, il faut le décliner précisément et être capable de dire quels seront les produits concernés. Par exemple, monsieur Raison, il existe aujourd’hui un débat à l’ANSES sur le fromage, pour savoir si celui-ci doit faire l’objet d’un étiquetage spécifique, comme on l’envisage.

Ensuite, le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements identiques n° 861 rectifié et 1158 rectifié bis. Je l’ai dit : un groupe de travail dont l’industrie alimentaire est partie prenante avec d’autres acteurs se réunit. L’ensemble des acteurs, experts, médecins – aussi bien nutritionnistes que non-nutritionnistes –, industriels, distributeurs, consommateurs, sont consultés.

Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 562. En effet, dès lors que le dispositif n’est pas obligatoire, il n’est pas nécessaire de procéder à des expérimentations.

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