Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 16 septembre 2015 à 14h30
Modernisation de notre système de santé — Chapitre ier bis

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque Mme la rapporteur vient d’exposer l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales a travaillé, ce dont je la remercie, je vous présenterai en quelques minutes la manière dont le Gouvernement et moi-même avons travaillé sur le présent projet de loi, afin de répondre au défi que représente la lutte contre le tabac. Cela me permettra ensuite, lors de l’examen des amendements, d’expliquer plus rapidement ma position.

Au fond, il y a là un enjeu de santé publique majeur.

Hier, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la façon dont j’avais conçu l’architecture de ce projet de loi et sur les priorités de santé publique que j’avais voulu définir. En effet, à trop multiplier les priorités, on finit par n’en avoir plus aucune.

J’ai fait de la lutte contre le tabagisme ma priorité absolue, qui ne résulte pas d’une décision aléatoire, mais qui s’appuie sur des données épidémiologiques et sur une réalité qui vient d’être confirmée par une série d’études : chaque année, 78 000 personnes meurent à cause du tabac. Plus préoccupant encore, ce nombre est en augmentation.

Le chiffre de 78 000 morts par an correspond à la dernière estimation dont nous disposons. Celle qui précédait faisait état de « seulement » 73 000 morts. Cela signifie que, à rebours de ce que l’on peut constater dans d’autres pays européens, en particulier en Grande-Bretagne, mais aussi aux États-Unis et en Australie, où le tabagisme recule, en France, la consommation de tabac et le nombre de fumeurs augmentent.

Dans notre pays, depuis la fin des années 2000 et le début de la décennie 2010, on assiste à un mouvement très préoccupant d’augmentation systématique et régulière du tabagisme. De ce fait, on compte plus de 30 % de fumeurs dans la population française adulte. Or, en Grande-Bretagne, cette proportion est inférieure à 20 % de la population totale, et en Australie, grâce à un effort particulier fourni au cours des dernières années – je pense notamment à l’instauration du paquet neutre –, le nombre de fumeurs représente moins de 13 % de la population.

Il faut donc affronter cette situation de façon résolue.

Les mesures prises jusqu’à présent ne suffisent pas. Depuis le début de cette année, nous constatons, outre une augmentation du nombre de fumeurs, une hausse significative – entre 2 % et 6 % à 7 %, selon les catégories de produits du tabac – des achats réalisés chez les buralistes, alors qu’ils étaient en diminution lors des années précédentes. C’est un véritable sujet de préoccupation, auquel nous devons nous atteler.

Le Gouvernement a fait le choix de présenter un plan national de réduction du tabagisme comportant des mesures d’information, via des campagnes de communication, et des mesures d’accompagnement au sevrage à destination de fumeurs de longue date qui ont besoin d’être soutenus dans cet effort que représente l’arrêt du tabac. Je citerai aussi la multiplication par trois de la prise en charge par la sécurité sociale du sevrage tabagique à l’égard de certaines catégories de fumeurs qui présentent un risque particulier.

Enfin, et c’est ma priorité, il est nécessaire d’éviter que des jeunes, voire des très jeunes, ne commencent à fumer. C’est à eux que s’adressent les dispositions relatives aux arômes, au packaging et au paquet neutre. Cette dernière mesure, que la commission des affaires sociales du Sénat a supprimée, est évidemment une composante importante du dispositif.

Nous savons en effet que les jeunes en particulier – mais aussi les moins jeunes – sont très sensibles aux communications diffusées par les marques. Or les paquets de tabac délivrent en quelque sorte des messages attractifs, en donnant l’impression que telle cigarette, par exemple, est plus agréable, ou féminine, ou jeune, et conférant même à celui qui la consomme un sentiment d’appartenance.

Le Gouvernement a donc fait le choix de jouer un rôle moteur dans la lutte contre le tabac, de transposer et d’appliquer la directive européenne, mais aussi d’aller au-delà, dans le respect des dispositions de ladite directive. Celle-ci autorise ainsi le paquet neutre et d’autres mesures que nous appliquons, et permet de ne pas en rester strictement à la démarche initiale. C’est cet équilibre d’ensemble que je souhaite présenter.

Je veux également insister, comme j’ai pu le faire en d’autres occasions, sur le fait que nous ne pouvons pas rester inertes face aux dégâts causés par le tabac. Car c’est une véritable hécatombe à laquelle nous assistons ! Nous nous inquiétons et nous nous effrayons eu égard au chiffre des morts sur les routes. Or, en quinze jours, le tabac tue autant de personnes que les accidents de la route en une année !

Alors que nous nous mobilisons pour lutter contre les accidents de la circulation, nous donnons parfois le sentiment qu’il ne serait pas nécessaire de prendre des mesures contre le tabagisme. Pour ma part, je veux appeler, au nom du Gouvernement, au lancement d’une politique volontariste, parce qu’il n’y a pas de fatalité à ce que des dizaines de milliers de personnes meurent chaque année dans notre pays à cause du tabac.

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