Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 16 septembre 2015 à 14h30
Modernisation de notre système de santé — Article 5 sexies

Marisol Touraine, ministre :

La cigarette électronique a donné lieu – c’est un peu moins vrai aujourd'hui – à de grands débats et à de grandes interrogations sur son utilité, son intérêt et l’opportunité d’encourager son utilisation.

La position que j’ai défendue depuis le début n’a pas varié ; elle est d’ailleurs confortée par toutes les études existantes.

Oui, la cigarette électronique peut aider au sevrage ; oui, la cigarette électronique est préférable à la cigarette traditionnelle en matière de santé publique. Mais, pour ceux qui ne fument pas encore – je pense en particulier aux jeunes –, il vaut mieux éviter la tentation de la cigarette électronique, que l’on présente comme ne comportant pas de caractère nocif et qui a toute l’allure et tous les attraits que peut avoir une cigarette classique – la façon de la tenir est la même. Ils pourraient effectivement estimer que la cigarette électronique leur permettra d’avoir les avantages de la cigarette ordinaire sans les inconvénients sur le plan de la santé publique.

En réalité, il faut encourager les fumeurs de tabac à utiliser la cigarette électronique – et, surtout, à arrêter de fumer –, tout en décourageant ceux qui ne fument pas encore de s’intéresser de trop près à cette cigarette électronique.

Tenir ce difficile équilibre, c’est tout l’enjeu de la démarche qui est la mienne et c’est pourquoi je ne suis pas favorable à la publicité pour la cigarette électronique. D'ailleurs, la directive européenne dite « anti-tabac » prévoit qu’il faut interdire la publicité sur ce que certains appellent la « vaporette », parce que celle-ci a des aspects attractifs.

J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements qui, sous une forme ou sous une autre, visent à permettre la publicité pour la cigarette électronique.

L’un des amendements en discussion a pour objet de revenir sur l’interdiction de la publicité pour le tabac dans les bureaux de tabac – à ce sujet, je remercie Mme la rapporteur de la position qu’elle a exprimée et sur laquelle je reviendrai dans un instant.

Cette interdiction est prévue non par la directive, mais par la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé que j’évoquais à l’instant en réponse à Mme Génisson et qui comporte également des dispositions pour lutter contre le commerce illicite des produits du tabac. On ne peut pas retenir que les aspects de la convention-cadre qui nous arrangent !

La situation a pu évoluer. L’environnement publicitaire n’est pas satisfaisant, y compris dans les bureaux de tabac. Comme l’expliquait Mme la rapporteur, pour quelqu'un qui, depuis vingt ans, achète le même paquet de la même marque, l’absence ou l’existence d’une publicité dans le bureau de tabac ne changera absolument rien à son acte d’achat. Mais, pour une personne qui entre dans un bureau de tabac pour acheter autre chose que du tabac, la publicité joue un rôle attractif. C’est un facteur négatif et je ne suis donc pas favorable à ce que l’on permette la publicité dans les bureaux de tabac.

Je termine en vous remerciant, madame la rapporteur, des propos que vous avez tenus sur l’avenir des buralistes. Vous avez dit que, si nous pensons tous que les enjeux de santé publique doivent nous amener à faire baisser la consommation de tabac, il est mensonger de prétendre que nous pouvons y parvenir en maintenant le niveau des ventes de tabac dans les bureaux de tabac. C’est une évidence, même si cela ne sonne pas ainsi aux oreilles de tout le monde. Par conséquent, la question est de savoir non pas si l’on maintient la vente de tabac dans les bureaux de tabac, mais comment nous faisons évoluer l’activité des buralistes pour faire subsister ces commerces de proximité dans nos territoires, urbains comme ruraux.

Dans ma démarche, je ne me positionne pas vis-à-vis des buralistes. Toutefois, je suis obligée de le constater, tout en recherchant un objectif de santé publique, je dois, dans le même temps, et même si cela ne relève pas de ma responsabilité ministérielle, m’interroger sur les produits autres que les buralistes pourront vendre. C’est tout le sens de la mission qui a été confiée au député Frédéric Barbier, qui travaille sur la rémunération des buralistes, sur la diversification de leur activité, sur la sécurité des commerces, sur la lutte contre la contrebande.

Je voulais insister sur ce point, car je constate que certains imaginent que l’on pourrait trouver la pierre philosophale qui permettrait de faire reculer la consommation de tabac dans notre pays tout en maintenant le niveau des ventes des bureaux de tabac. Il est évident que, si l’on souhaite que nos concitoyens fument moins, nous devons nous interroger sur l’avenir des activités des buralistes.

Aussi, madame la rapporteur, au-delà des positionnements que la commission a pris sur tel ou tel amendement relatif au tabac, je vous remercie d’avoir exprimé de façon très simple qu’il n’y a pas lieu, sur ce sujet, de faire preuve ni d’agressivité, ni de passion excessive, ni de violence. Nous sommes confrontés là à une contradiction, mais nous devons savoir si nous voulons effectivement diminuer la consommation de tabac pour réduire les méfaits de celui-ci en matière de santé publique dans notre pays.

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