L’article 6 est malheureusement le seul de ce projet de loi qui porte exclusivement sur la santé au travail, ce qui nous paraît en soi inquiétant.
Au-delà, la médecine du travail est malmenée depuis plusieurs années et condamnée, si rien n’est fait, à disparaître à plus ou moins long terme en raison de la faiblesse de sa démographie.
Lors d’une récente conférence, un éminent médecin du travail évoquait un seuil critique de 3 500 médecins du travail, en deçà duquel le système se gripperait. Or nous n’en sommes plus très loin. Dans les cinq à huit ans qui viennent, 60 % des médecins du travail partiront à la retraite. Dans les faits, la médecine du travail atteindra donc le seuil critique en 2020.
Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation inquiétante : le manque d’attractivité d’une spécialité qui nécessite les plus longues études de médecine, le numerus clausus restrictif depuis plusieurs années, l’insécurité législative quant aux futures évolutions dumétier.Ainsi, alors que toutes les spécialités médicales sont affectées par une démographie enberne, les effectifs de la médecine du travail, réputée ingrate, sont en chute constante.
Pour que cette spécialité puisse survivre, il faudrait que le nombre des installations égale au moins celui des départs à laretraite ou des cessations d’activité. Il faudrait former au moins 500 médecins du travail par an, mais le petit nombre actuel de médecins du travail en exercice est en soi un frein. En effet, dans notre système universitaire, les médecins sont formés par leurs pairs.
Cependant, un effort significatif des pouvoirs publics pourrait changer la donne, en assurant un cadre de travail pérenne aux équipes de santé au travail et en créant des passerelles entre les spécialités médicales. L’article 6 n’est pas intrinsèquement mauvais ou bon ; il est simplement en deçà des besoins.
La médecine du travail n’est pas un gadget hérité du XXe siècle, dont l’objet serait aujourd’hui caduc. Il ne s’agit pas non plus d’une contrainte, comme cela a pu être dit, notamment, dans certains milieux patronaux. C’est au contraire l’une des clefs les plus efficaces de la prévention en matière de santé au travail.
Nous voterons donc cet article 6, tel qu’il est rédigé, tout en exigeant de véritables réponses et de vraies garanties pour assurer la pérennité d’une médecine du travail axée sur la prévention, accompagnant vraiment les salariés et incitant les employeurs à adapter les postes de travail plutôt que de licencier des salariés en souffrance.