Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 16 septembre 2015 à 21h30
Accueil des réfugiés en france et en europe — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bernard Cazeneuve :

Ce qui est plus étrange, surtout de la part d’un haut responsable politique ayant exercé les responsabilités qui sont actuellement les miennes, c’est de présenter comme totalement nouveau un dispositif qui existe depuis très longtemps et que chacun connaît, dès lors qu’on s’intéresse à ces sujets.

Je pourrais prendre un autre exemple, celui de Schengen. On propose un Schengen II. Pourquoi pas ? J’ai moi-même souvent ressenti la nécessité de faire évoluer Schengen. Ainsi, pour mieux lutter contre le terrorisme, on pourrait procéder, dans le cadre du code Schengen actuel, à des contrôles coordonnés et simultanés aux frontières de l’Union européenne. Parce que les règles l’autorisent, il ne serait ni absurde ni choquant de mettre en place de tels contrôles, à l’instar de ce que font les Allemands ou de ce que j’ai mis en place voilà quelques mois à la frontière franco-italienne.

Je me suis donc interrogé sur ce que serait un Schengen II. Plusieurs déclarations intéressantes m’ont éclairé.

Selon la première d’entre elles, Schengen II serait un Schengen I dont on respecterait les règles ! §Il est rare que des ensembles aussi complexes que l’Union européenne se dotent de règles pour ne pas les respecter. Si Schengen II, c’est Schengen I dont on respecterait les règles, nous n’aurons pas de désaccord manifeste, mesdames, messieurs les sénateurs, si ce n’est avec un ou deux sénateurs que j’aperçois en haut de l’hémicycle.

Ensuite, j’ai entendu dire que Schengen II permettrait des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, afin que ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugié ne puissent pas les franchir.

Lorsque, dans le cadre de Schengen I, on propose la création de hot spots en Italie et en Grèce, que fait-on si ce n’est assurer la protection des frontières extérieures de l’Union européenne en mettant en place des dispositifs permettant de distinguer les réfugiés de ceux qui ne le sont pas ? Par conséquent, si Schengen II prévoit que l’on pourra faire ce que nous faisons déjà dans le cadre de Schengen I, je n’ai pas vraiment de désaccord.

Une troisième proposition est apparue dans Le Figaro la semaine dernière : Schengen II prévoirait le rétablissement de frontières à l’intérieur de l’Union européenne, mais uniquement pour ceux qui ne sont pas européens. Sur ce point, il nous sera plus compliqué de trouver un accord. En effet, si nous mettions en place des frontières intérieures, c'est-à-dire entre nos pays, outre le fait qu’il faudra mettre en œuvre des moyens considérables pour les réinstaurer, à partir de quels critères et selon quelles modalités distinguera-t-on les Européens des autres ? Comment ferons-nous sans les interpeller tous, sans les bloquer tous à la frontière ?

Malgré les progrès réalisés par nos meilleures industries – Morpho, Safran et les autres –, aucun dispositif ne permet aujourd’hui de distinguer les Européens des autres aux frontières.

Ainsi, si la seule modification envisagée pour l’espace Schengen est la mise en place d’un tel dispositif, il faudra discuter longtemps dans cet hémicycle et dans d’autres, notamment au Parlement européen, pour réussir à trouver un accord, sans remettre totalement en cause le fonctionnement de l’Union européenne, y compris celui du marché intérieur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que le débat que nous aurons ce soir nous permettra de cheminer ensemble. J’ai grand espoir que ce soit le cas, mais une lueur de lucidité me conduit aussi à penser que cet objectif pourrait ne pas être atteint aujourd'hui. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait prêt à revenir la semaine prochaine !

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