Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’urgence de la situation place l’Europe au pied du mur.
La réponse humanitaire que l’Union européenne pourra apporter en accueillant des réfugiés sur son sol, aussi humaine et digne soit-elle, ne s’attaque pas aux causes de l’exode massif.
Seuls un règlement politique des crises syrienne et irakienne et la disparition de Daech constitueront une solution pérenne et permettront aux millions de Syriens ayant fui vers le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Égypte, l’Irak et l’Europe de retourner dans leur pays.
Comme l’a rappelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans son discours sur l’état de l’Union, l’heure n’est plus aux atermoiements face à l’urgence et aux dangers. Nous parlons d’êtres humains. Il s’agit de sauver des vies.
La crise résulte d’un contexte international d’une gravité exceptionnelle. Elle appelle une réaction internationale d’ampleur. La communauté internationale doit agir avec fermeté pour éradiquer Daech, afin de pacifier et de reconstruire cette région du monde, et organiser la coalition nécessaire pour atteindre rapidement cet objectif.
Indépendamment de ces conflits, nous sommes aussi appelés à traiter avec humanité les migrations provoquées par la pauvreté et le réchauffement climatique en Afrique.
Certes, la principale cause de l’exode actuel est bien évidemment le conflit dont nous débattons ce soir. Il ne faut toutefois pas occulter le fait que les réfugiés économiques ou climatiques viendront vite grossir les rangs des candidats à l’immigration sur le continent européen si nous ne sommes pas capables de mener une véritable politique de codéveloppement, à l’instar de celle que propose la fondation de Jean-Louis Borloo pour l’électrification du continent africain.
Je rappelle que l’Afrique compte 2 milliards d’habitants. Comment pourraient-ils ne pas songer à venir un jour chez nous s’ils ne sont pas capables de subvenir à leur propre développement ? Accompagnons-les dans le cadre d’un partenariat qui constituerait à tous points de vue une richesse ! D’une part, ce serait valorisant et gratifiant humainement pour les habitants de l’Union européenne. D’autre part, cela favoriserait des échanges économiques entre nous et un continent qui ne demande qu’à se développer ; encore faut-il lui en donner les moyens de façon pérenne.
Un fonds de 1, 8 milliard d’euros existe, mais ce n’est pas de cela dont nous avons besoin. Il nous faut plutôt une véritable stratégie qui s’inscrive dans la durée, avec des axes très précis. Il convient d’aller bien plus loin que nous ne le faisons aujourd'hui. À défaut, nous ne parviendrons pas à résoudre les difficultés qui se présenteront très vite à nous demain. Bien sûr, nous le savons tous, nous devrons mettre l’accent sur l’énergie durable, faire attention aux enjeux climatiques et veiller à la protection de l’environnement. Accompagner l’Afrique dans cette voie nous permettra peut-être d’éviter le deuxième écueil qui se trouve devant nous.
Pour ce faire, notre horizon ne peut être seulement national. C’est en étant tous unis et dans l’Europe, et non au sein d’une Europe qui se disloquerait, que nous parviendrons à construire les nouveaux équilibres de la planète et à gérer les crises qui nous attendent.
L’afflux de réfugiés est un test majeur pour les pays européens, qui révèle une fois de plus les fractures d’une Europe divisée, à l’inverse de ce qu’elle devrait être. Comment mettre en place une politique européenne d’accueil des réfugiés quand 85 % des demandes se concentrent sur cinq pays ?
Le 9 septembre dernier, le président de la Commission européenne a évoqué des pistes intéressantes dans son discours sur l’état de l’Union. Il est indispensable d’établir une liste commune de pays d’origine sûrs à l’échelon européen afin d’unifier les politiques d’asile et de clairement distinguer les pays dont les ressortissants ont besoin d’une protection des autres, qui, eux, doivent repartir. Une telle initiative permettrait également de faire le point sur l’immigration en provenance de certains pays des Balkans, car la plupart des demandes ne relèvent pas de l’asile.
Le mécanisme de relocalisation permanent et contraignant est quant à lui soutenu par l’Allemagne et par la France. Que chacun des pays d’Europe prenne sa part dans l’accueil des réfugiés est une mesure d’équité et de raison. Pour être acceptable par nos concitoyens, l’effort doit être partagé par tous. Une nouvelle réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures » est programmée après l’échec de celle du 14 septembre dernier. Espérons qu’un accord pourra rapidement être trouvé, car il est seul à même de conforter la solidarité européenne.
Le groupe UDI-UC soutient la proposition franco-allemande de créer des centres d’enregistrement, ou hot spots, installés dans les pays d’arrivé – en particulier en Grèce, en Italie, en Hongrie – afin de contrôler l’identité et le statut des migrants, de distinguer dès leur entrée dans l’Union européenne les immigrés économiques des personnes à protéger, et de répartir les contingents de réfugiés entre tous les pays de l’Union.
Cette proposition pourrait être une partie de la solution, à condition de ne pas transformer ces centres en zones de non-droit et de reproduire ce qui s’est passé à Calais. Il faudra intervenir très rapidement – à cet égard, l’OFPRA, ou d’autres, me paraît un outil adapté – afin d’empêcher des embouteillages, lesquels ne manqueraient pas, très vite, de créer des conditions inhumaines et d’entraîner des débordements susceptibles de faire exploser l’initiative.
Les pistes énumérées par l’Europe démontrent, s’il le fallait, combien il est important d’harmoniser la politique d’asile à l’échelon européen. Si nous ne sommes pas prêts à confier les rênes de cette politique à une agence européenne, du moins faudra-t-il que nous révisions le contenu du règlement de Dublin sur le premier accueil et que nous renforcions activement nos actions en matière de politique étrangère, ainsi que notre aide en direction des pays les plus touchés par les conflits.
Pour nous, centristes, la solution ne peut passer que par plus d’Europe et par une solidarité partagée entre tous les pays. C’est la deuxième étape.
Troisième et dernière étape : c’est au niveau national que la solidarité avec les réfugiés doit s’organiser. Aujourd'hui, nous sommes prêts à faire la preuve dans cette crise que le cœur et la raison peuvent cohabiter.
La nouvelle loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile nous donne des moyens nouveaux et permettra de réduire les délais d’examen des demandes. L’OFPRA peut désormais statuer en priorité sur les demandes manifestement fondées, et de manière accélérée pour écarter les demandes injustifiées. Par ailleurs, cette loi permet de lutter contre les filières grâce à l’orientation directive des demandeurs, d’accorder de meilleures garanties aux personnes accueillies et de prévoir une répartition des demandeurs d’asile.
Il revient maintenant à l’État de faire en sorte que la loi puisse être appliquée rapidement, fermement et avec efficacité, car notre dispositif est actuellement « embolisé » par des demandes qui ne relèvent pas de l’asile. Notre capacité à accueillir des réfugiés serait bien plus importante si les personnes déboutées du droit d’asile étaient effectivement reconduites aux frontières – vous l’avez rappelé comme nous tous, monsieur le ministre. Cette année encore, sur 65 000 demandeurs d’asile – soit le volume moyen annuel –, seules 20 000 personnes ont obtenu le statut de réfugié. Au total, 40 000 demandes ont donc été rejetées.
Puisque la France accueillera 24 000 réfugiés de plus, l’État doit prendre à bras-le-corps le problème du raccompagnement aux frontières des 40 000 personnes déboutées du droit d’asile chaque année. Celles-ci n’ont pas obtenu de statut, mais elles restent très majoritairement sur le territoire national, où elles s’agrègent d’année en année. Or elles ne sont ni menacées ni persécutées dans leur pays d’origine. Ce n’est pas que nous n’en voulons pas, ce n’est pas que nous sommes inhumains, mais de vrais réfugiés attendent.
J’insiste d’autant plus sur ce point qu’il ne faudrait pas non plus que les Français qui souffrent s’opposent à l’accompagnement et à l’accueil des réfugiés. Il est essentiel que nous puissions montrer à tous les Français que notre pays est aujourd'hui capable d’accompagner ceux d’entre eux qui ont des difficultés en matière d’emploi ou de logement grâce à des politiques de solidarité. On peut faire notre devoir et accueillir des réfugiés, à condition que la loi soit appliquée.
Nous savons qu’il sera difficile de raccompagner aux frontières tous ceux qui sont présents sur le territoire national depuis quelques années, mais nous devons essayer. Il est primordial que nous arrivions à mettre en œuvre des dispositifs tels que le centre dédié d’accompagnement vers le retour, qui fait ses preuves dans l’Est où il est expérimenté, et que nous répartissions sur l’ensemble des territoires régionaux les outils permettant de mieux accompagner les réfugiés et d’accélérer l’instruction des dossiers des personnes devant retourner dans leur pays. Il est en effet plus simple de dire tout de suite à une famille, quand son dossier est instruit en trois mois grâce à la procédure accélérée, qu’on va lui donner les moyens de rentrer dans son pays d’origine que de le faire trois ans après !
Bref, l’OFPRA ne doit pas être concentré à Paris, il doit être régionalisé dans les territoires. Quand l’OFPRA va à Lyon ou à Metz, il parvient à traiter 500 à 600 dossiers en quinze jours alors qu’il lui faudrait sans doute deux ans pour le faire en restant à Paris.