Il a beaucoup été question du droit d’asile, que d’aucuns ont présenté comme un principe républicain. Or je rappelle que la Monarchie de Juillet a reçu les réfugiés polonais après la révolte de 1830 et que Napoléon III, durant le Second empire, a accueilli les Carbonari italiens avant l’unification de l’Italie ! §
Pour nous tous, l’asile est un droit imprescriptible pour les personnes qui connaissent la douleur, la souffrance, la persécution. La République ne l’a d’ailleurs pas toujours bien pratiqué, quels que soient les gouvernements et leur couleur politique. Mme Esther Benbassa a ainsi rappelé qu’en 1938 le gouvernement français avait refusé de recevoir les réfugiés juifs d’Allemagne. En 1939, c’est dans des camps d’internement que la République a accueilli les Républicains espagnols sur lesquels nous avons entendu un témoignage très émouvant. Ce n’est guère glorieux ! Nous n’avons pas été exemplaires dans le passé au point d’en tirer des leçons.
Monsieur le ministre, personne ne vous dit qu’il faut refuser l’asile aux réfugiés. Personne non plus ne nie la réalité de la guerre. Nous ne sommes ni sourds ni aveugles, nous suivons tous les informations à la radio et à la télévision.
Mais les choses ne sont pas si simples. Le Gouvernement, comme les représentants parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, sont certes en charge du droit d’asile, mais ils sont surtout en charge de la société française, de la France et des Français. L’un n’est pas exclusif de l’autre, mais la question se pose : comment préserver l’unité de la nation, le tissu et l’équilibre social sans rester non plus aveugle au drame ? Il faut satisfaire ces deux exigences, faute de quoi nous risquerions d’exclure une part de la nation…
Monsieur le ministre, il n’est pas indécent de rappeler que la situation économique et sociale de la France est plus difficile que celle de notre voisin outre-Rhin. En 2014, l’Allemagne comptait 1, 5 million d’emplois non pourvus contre 250 000 pour la France. L’Allemagne a également une natalité différente – c’est le moins que l’on puisse dire – et des ressources financières différentes. L’Allemagne ne présente pas non plus le déficit français. L’Allemagne n’est pas dans la situation sociale qui est celle de notre pays. L’Allemagne dans le passé, même si la situation est différente depuis quelques années, et le reste de l’Europe n’ont pas consenti les mêmes efforts que nous en matière d’immigration. La France a en effet reçu un certain nombre d’immigrés, qui étaient non pas des réfugiés politiques ou des réfugiés de guerre, mais simplement des immigrés économiques en provenance d’anciennes parties de l’empire et fuyant la misère ou les difficultés. Il ne s’agissait pas alors de droit d’asile.
Je suis d’accord avec ce qu’ont dit très justement plusieurs orateurs, à l’instar de mon amie Valérie Létard : il faut d’abord régler le problème de la guerre. Monsieur le ministre, vous avez été polémique à la fin de votre intervention et essayé de nous mettre en difficulté sur Schengen. À cet égard, dois-je vous rappeler les déclarations de Pierre Joxe hier ou celles d’un certain nombre de députés socialistes ? M. Malek Boutih a notamment tenu des propos qui ne vont pas exactement dans le sens du Gouvernement, preuve qu’on se pose des questions à gauche comme à droite.
Lorsque nous avons examiné la loi relative à la réforme du droit d’asile, vous nous avez annoncé que la France devrait accueillir 9 000 réfugiés en deux ans. Depuis, les choses ont changé. L’Europe nous demande aujourd’hui d’accueillir 24 000 migrants. Soyons réalistes ! Il est désormais question non plus de quotas, mais d’un « mécanisme permanent de répartition » des réfugiés. Or le vice-chancelier allemand a déclaré devant l’assemblée allemande il y a quelques jours que la répartition des 160 000 réfugiés n’était qu’un premier pas et qu’il faudrait procéder à une deuxième puis à une troisième répartition dans les six à neuf mois à venir.
Le Premier ministre a annoncé qu’il faudrait 230 millions d’euros pour accueillir 24 000 personnes. Par conséquent…