Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 16 septembre 2015 à 21h30
Accueil des réfugiés en france et en europe — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bernard Cazeneuve :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord l’ensemble des orateurs de la contribution très utile qu’ils viennent d’apporter à ce débat et du caractère respectueux de leurs propos face à ce problème humain. Je partage d’ailleurs la remarque de M. Karoutchi : non, il n’y a pas ceux qui ont du cœur et ceux qui n’en ont pas. Je ne l’ai jamais pensé et j’ai même toujours nourri une certaine prévention à l’encontre de ceux qui, lorsque les situations sont extrêmes et les difficultés humaines très grandes, considèrent que l’exercice parfois narcissisant de la démonstration des sentiments suffit à faire une bonne politique.

La situation est plus complexe et il ne faut effectivement pas dire qu’il faut accueillir des réfugiés si on n’est pas en mesure de le faire. Le devoir moral et politique doit même nous conduire, plutôt que d’exhiber des sentiments ou d’administrer des ordonnances en forme de leçons, à essayer de créer les conditions de la « soutenabilité » de ce que nous proposons et à organiser l’accueil. Tel est bien l’objectif du Gouvernement aujourd’hui. Il ne s’agit pas pour lui de donner des leçons d’humanité, ni de douter des capacités de l’opposition à démontrer son humanité.

Ce n’est pas la capacité des uns ou des autres à faire un geste humanitaire lorsque des situations tragiques surviennent que je conteste. Je conteste les solutions qui sont mises sur la table pour régler le problème.

Je souhaite revenir au fond de l’affaire. Le drame humanitaire est tellement grand, la crise européenne tellement vaste, les problèmes mondiaux à l’origine de cette crise sont tellement complexes que des solutions politiques sont nécessaires.

À l’échelon international, européen, national, la France est dans l’action. On peut contester telle ou telle orientation de sa politique, mais on ne peut pas contester qu’elle cherche des solutions.

Tout à l’heure, monsieur Karoutchi, vous avez affirmé que nous accueillerons 20 000 réfugiés après avoir pris la décision d’en accueillir 6 752. Vous avez souligné l’inquiétude des Français et vous vous êtes interrogé sur la volonté du Gouvernement de répondre à cette question : jusqu’où cela ira-t-il ?

Vous avez raison, la situation sera inquiétante aussi longtemps que l’on ne traitera pas le problème dans sa globalité. Si aucune solution politique ne se dégage en Libye, si la mission de Bernardino León n’aboutit pas à un dispositif qui permette à l’État libyen de jouer son rôle, les mêmes organisations internationales du crime continueront d’agir en Libye et poursuivront leur œuvre funeste en incitant des migrants de plus en plus nombreux à emprunter le chemin de la mort, c’est-à-dire à se diriger vers l’Union européenne.

Il faut donc une solution politique en Libye, comme il en faut une en Syrie. Pendant que nous procédons à ces vols de surveillance, pendant que, comme l’a indiqué le Président de la République, nous frappons les terroristes de Daech, nous devons continuer à travailler pour qu’une solution politique se dégage en Syrie, qui associe les dirigeants actuels les plus modérés et l’opposition modérée pour sortir de cette crise, mais pas Bachar al-Assad.

Des dispositifs européens sont nécessaires pour y parvenir. Il faut un dialogue avec les pays de provenance et la mise en place de centres de maintien et de retour. Cela suppose une approche globale. C’est en agissant sur tous les aspects du problème, en intervenant sur chaque front que nous parviendrons à des solutions permettant de maîtriser le flux. Telle est bien la politique de la France.

Par ailleurs, il nous faut être en mesure de fournir une solution d’accueil à ceux que nous prétendons recevoir. C’est un problème de fond. Valérie Létard, Roger Karoutchi, Éliane Assassi et même Didier Guillaume – alors qu’il soutient le Gouvernement – ont formulé un certain nombre d’interrogations sur notre capacité à faire face.

Je serai extrêmement précis sur ce point : nous n’avons aucune chance d’y parvenir si nous n’organisons pas l’administration de l’État à cette fin. C’était l’objet de la loi relative à la réforme de l’asile. Avant même que ce texte ne soit voté, c’est-à-dire avant le mois de juillet dernier, nous avons mis en place, dans cette optique, un certain nombre de dispositifs au sein de l’administration.

Nous avons ainsi significativement augmenté les moyens de l’OFPRA. Près de soixante emplois ont été créés en deux ans, contre à peine quarante en cinq ans, alors que la demande d’asile – je ne le dis pas pour faire polémique, ce sont des éléments objectifs – a doublé entre 2007 et 2012, comme cela a été à maintes reprises souligné lors de l’examen de la loi relative à la réforme de l’asile.

Monsieur Karoutchi, l’an dernier, la demande d’asile en France a diminué de 34 % ; les chiffres sont incontestables. Elle est étale depuis le début de l’année, mais elle augmentera significativement en 2015 si nous mettons en place des dispositifs de relocalisation. Il nous faut nous y préparer.

Les décisions annoncées par le Premier ministre cet après-midi permettront de créer à l’OFII, à l’OFPRA et dans les préfectures près de 250 emplois, en incluant ceux qui ont déjà été créés. Nous serons ainsi en mesure de mettre en place le guichet unique ou, tout simplement, comme le suggérait tout à l’heure Valérie Létard, d’appliquer la loi, en réduisant substantiellement la durée de traitement des dossiers de demande d’asile.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, ces actions ne suffiraient pas sans création de nouvelles places d’hébergement. À cet égard, nous avons décidé de remettre à niveau les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

C’est ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons créé et budgété, depuis le début du quinquennat, 13 500 places en CADA, quand on n’en avait créé que 2 000 au cours de la précédente législature.

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