Intervention de Philippe Yvin

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 16 septembre 2015 à 9h30
Société du grand paris — Audition de M. Philippe Yvin candidat proposé aux fonctions de président du directoire

Philippe Yvin, candidat proposé aux fonctions de président du directoire de la Société du Grand Paris :

Depuis ma prise de fonctions le 21 février 2014, la mise en oeuvre du Grand Paris Express s'est déroulée selon un rythme très soutenu. Lors des comités interministériels du 13 octobre 2014 et du 14 avril 2015, le Premier ministre a confirmé la feuille de route de la société et demandé que la desserte des aéroports et du plateau de Saclay soit avancée à 2024. Des évolutions législatives et réglementaires sont intervenues depuis : la loi Maptam du 27 janvier 2014 a prévu les modalités d'association du STIF au stade de l'approbation des dossiers d'enquête publique et des avant-projets ; l'ordonnance du 26 juin 2014, consacrée dans la loi Macron permet à la SGP de contribuer au financement du plan de mobilisation régionale. Sur un total de 2,450 milliards, elle consacrera 455 millions d'euros à la modernisation des RER et au prolongement des lignes 11 et 14 et d'Éole.

Le Parlement a également modifié le régime des tréfonds, que nous n'aurons plus l'obligation d'acheter, mais pour lesquels nous indemniserons a posteriori les propriétaires. C'est une disposition importante qui va accélérer considérablement le processus.

Vous avez enfin étendu les compétences de la SGP en lui permettant d'établir et de gérer des réseaux de communication électronique, ce qui devrait à terme générer des ressources supplémentaires significatives.

La ligne 15 Sud, entre Boulogne-Billancourt et Noisy-le-Grand-Champs-sur-Marne - 33 kilomètres et 16 gares - sera la première à être mise en service, fin 2022. Sa déclaration d'utilité publique a été prononcée par le Conseil d'État le 24 décembre 2014, et les travaux ont commencé ce printemps. Le premier permis de construire a été déposé pour la gare d'Issy-les-Moulineaux. Nous mettons en place des comités de suivi de chantier avec les villes et les riverains afin de poursuivre la concertation, ainsi que des actions de soutien aux commerçants impactés par les travaux.

La ligne 16, de 25 kilomètres, qui relie Noisy-le-Grand-Champs-sur-Marne à Saint-Denis-Pleyel, attend sa déclaration d'utilité publique pour fin 2015. Ce dossier a été approuvé par le conseil de surveillance pour plus de 3 milliards d'euros. D'une importance toute particulière dans le cadre de la candidature de la France aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, sa mise en service est prévue pour fin 2023.

La ligne 14 sera prolongée jusqu'à l'aéroport d'Orly, et traversera des territoires à très fort potentiel de développement économique. L'enquête publique n'a pas soulevé de problème particulier. La maîtrise d'ouvrage a été confiée à la RATP, qui exploite déjà la ligne. Le dossier a été approuvé le 10 juillet dernier par le Conseil de surveillance pour un peu plus de 2 milliards d'euros ; le tronçon devrait être prêt pour les Jeux olympiques en 2024.

La ligne 15 Ouest traverse les Hauts-de-Seine, entre Boulogne et Saint-Denis-Pleyel ; l'enquête publique la concernant commence le 21 septembre. Elle comptera 20 kilomètres et 11 gares ; un premier tronçon entre Pont-de-Sèvres et Nanterre sera mis en service en 2025, un second, entre Nanterre et Saint-Denis-Pleyel, en 2027. Le dossier d'investissement a été approuvé pour un peu plus de 3 milliards d'euros le 10 juillet dernier.

La ligne 18 - 35 kilomètres et 9 gares - qui traverse le plateau de Saclay, est essentielle pour la réussite du cluster de la recherche et de l'enseignement supérieur, avec la nouvelle université Paris-Saclay, ses 10 000 enseignants-chercheurs et ses 60 000 étudiants. Comme une partie du tracé sera réalisée en viaduc, ce qui nécessite une parfaite insertion paysagère, un concours international d'architecture a été lancé. Sa mise en service est prévue en 2024 pour la partie Orly-Saclay, en 2030 pour la partie Saclay-Versailles. Le coût de la ligne est d'environ 2,730 milliards d'euros, l'enquête publique aura lieu début 2016.

La ligne 17 Nord entre Le Bourget et Roissy fera aussi l'objet d'un concours d'architecture pour sa portion en viaduc ; la mise en service est prévue en 2024. Notre sentiment est qu'elle sera complémentaire du CDG Express. Une liaison directe entre le principal aéroport et le coeur de l'agglomération, comme il en existe dans toutes les métropoles mondiales, est indispensable pour la France ; elle sera réalisée par un consortium RFF-ADP et devra s'autofinancer. La ligne 17, elle, remplit trois objectifs. D'abord, assurer une desserte de l'aéroport avec des stations intermédiaires, tel le hub de Pleyel où se croiseront quatre lignes. Ensuite, permettre aux salariés de relier plus facilement leur lieu de travail, puisqu'elle desservira le quartier de Pleyel, l'aéroport du Bourget, en plein développement économique autour du secteur aérien, le triangle de Gonesse, qui sera la nouvelle zone urbanisée dans le nord de Paris, le Parc des expositions - lui aussi en pleine croissance, le secteur des salons représentant 90 000 emplois - et Roissy, qui compte de nombreuses implantations économiques. Aujourd'hui, 90 % des déplacements des salariés des deux aéroports se font en voiture, faute de desserte adaptée ; le prolongement de la ligne 14 et la ligne 17 devraient changer cela.

Enfin, la ligne 15 Est entre Saint-Denis-Pleyel et Champigny fera l'objet d'une enquête publique début 2016. Le conseil de surveillance de la SGP devrait approuver les trois derniers dossiers d'investissement en novembre, de façon à ce que l'ensemble du projet soit engagé avant la fin 2015. Toutes les enquêtes publiques auront été réalisées d'ici la fin du premier semestre 2016.

Parallèlement à ces études, nous avons consolidé le financement du projet. Nous commencerons à emprunter en 2017. Nous avons conclu un premier accord de prêt pour 4 milliards d'euros avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dont une première enveloppe d'1 milliard d'euros au titre des prêts dits « croissance verte », et un second avec la Banque européenne d'investissement (BEI), avec là aussi une première tranche d'1 milliard d'euros. Les lignes 15 Sud et 16 seront financées à parité par ces deux emprunts. La Commission européenne a par ailleurs accordé à la SGP une subvention de 31 millions d'euros au titre du Mécanisme européen d'interconnexion. Le Grand Paris Express est une opportunité pour l'environnement, l'aménagement, le développement économique et l'emploi.

Le maillage entre les lignes existantes et les futures lignes est un enjeu considérable. Toutes les gares de la ligne 15 Sud seront ainsi interconnectées avec une autre ligne de transport : le tronçon sera maillé avec l'ensemble des lignes radiales qui arrivent sur Paris. Les études de conception des gares sont réalisées en lien étroit avec les exploitants des autres réseaux, SNCF-RFF et RATP en premier lieu. Tous les Franciliens et les salariés des départements voisins utilisant le Transilien devront avoir au moins un point de correspondance avec le nouveau réseau. Il faut d'ores et déjà prévoir les adaptations nécessaires.

Les 68 nouvelles gares devront répondre à l'enjeu majeur qu'est l'intermodalité du XXIème siècle, à la fois numérique et électrique. Le voyageur de demain devra pouvoir effectuer facilement son dernier kilomètre en vélo, en véhicule électrique ou en bus, avec une tarification intégrée. Les espaces publics aux abords des gares étant essentiels, chaque projet de gare sera doté d'une enveloppe de 100 000 euros pour réaliser une étude sur ce sujet, sous l'égide des collectivités locales concernées.

Sur le plan environnemental, notre ambition est d'assurer la traçabilité de tous les déblais, de leur extraction jusqu'à leur traitement final : sur un chantier de cette ampleur, c'est une première. Les déblais seront acheminés en utilisant prioritairement les transports alternatifs à la route, voie fluviale et réseau ferré. Des négociations ont été engagées en amont avec Ports de Paris et RFF ; pour la ligne 15 Sud, deux plateformes ferroviaires sont d'ores et déjà prévues, à Issy-Vanves-Clamart et à Champigny. La Seine sera également empruntée, de même que les canaux de l'Ourcq et de Saint-Denis.

La valorisation de 43 millions de tonnes de déblais est aussi une opportunité économique, grâce au développement de filières innovantes. Des plateformes de transit seront créées pour assurer le tri, et nous travaillons avec l'Association des maires de l'Ile-de-France (AMIF) : plusieurs maires ont déjà émis le souhait d'accueillir des terres propres pour réaliser des aménagements paysagers. Il s'agit donc d'un cycle complet de valorisation et de traitement des déblais qui va bien au-delà du traditionnel stockage.

En matière énergétique, nous conjuguons plusieurs approches : de nouveaux matériels consommant 20 % de moins que les matériels actuels ; la récupération d'énergie, avec des installations de géothermie dans les gares de la ligne 15 Sud.

La SGP entend développer un projet numérique très fort. La fibre optique à très haut débit sera installée tout le long des 200 kilomètres de voies nouvelles : notre ambition est de construire le métro le plus digital du monde, d'assurer une couverture totale en téléphonie mobile et internet, et même d'implanter des data centers dans certaines gares.

La SGP est très attentive à la construction de logements. Des appels d'offres ont été lancés à Bagneux, Issy-les-Moulineaux ou à Créteil pour des programmes de logement au droit des gares ou sur notre propre foncier. Au-delà, l'enjeu est de rentabiliser au mieux cet investissement public majeur pour faire naître d'ambitieux projets urbains. En prenant un rayon de 800 mètres autour des gares - distance permettant de s'y rendre facilement à pied - ce sont 140 kilomètres carrés, soit plus que la surface de Paris intra muros, qui pourraient faire l'objet d'opérations de renouvellement urbain et de construction de logements.

Enfin, la SGP développe un projet culturel : c'est la tradition historique de tous les métros du monde, de Moscou à New York. Au-delà de la simple commande artistique dans les stations, nous souhaitons valoriser tout au long du chantier les ressources, notamment associatives : 250 équipements culturels ont été repérés à proximité des 68 gares du Grand Paris Express.

Nous voulons associer les Franciliens, et en particulier les jeunes : emplois et formations en alternance seront proposés aux jeunes pendant les travaux, avec des clauses d'insertion ambitieuses, en collaboration avec les nouveaux territoires de la métropole francilienne et les communautés d'agglomération en grande couronne.

Le Grand Paris Express sera un projet innovant. Innovation technologique, en renouvelant les méthodes constructives, en assurant un suivi des travaux souterrains grâce à l'interférométrie par satellite et à la fibre optique, en utilisant de nouveaux matériaux. Innovation environnementale, en abaissant le bilan carbone des chantiers, en optimisant les compensations écologiques et en faisant de la gestion des déblais une opportunité économique. Innovation sociale enfin, en développant la participation citoyenne, en faisant des gares des espaces de travail partagés et de création culturelle, en développant l'intermodalité électrique comme les usages et services numériques.

Ce grand projet constitue une chance majeure pour les entreprises françaises, un enjeu pour nos exportations. Le kilométrage de métros automatiques dans le monde devrait être multiplié par six dans les dix prochaines années : c'est une occasion à saisir pour proposer à l'international un modèle français de ville intelligente et durable.

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