Mon propos s’inscrit dans la continuité de ceux de ma collègue Laurence Cohen.
Pour illustrer la réalité du terrain, permettez-moi d’évoquer la situation de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, dont mon ami et collègue Guy Fisher a soutenu avec force les luttes.
Le Vinatier, situé dans la banlieue lyonnaise, est le plus important hôpital psychiatrique de France. Cet hôpital a malheureusement défrayé la chronique au début de l’année : un infirmier du Vinatier a été poignardé par un patient à la fin du mois de janvier ; deux patients se sont ensuite donné la mort, puis ce fut le cas d’un infirmier huit jours plus tard. En juin dernier, une jeune femme a été agressée sexuellement par un autre patient au sein des urgences. Il est à noter que ce patient était présent aux urgences depuis plus de dix jours, ce qui donne un premier aperçu des dysfonctionnements existant dans cet hôpital.
Comme l’indique l’ancienne médecin-chef des urgences, si les professionnels de la psychiatrie ont l’habitude de canaliser la violence, ils se trouvent dans un tel climat de saturation au Vinatier qu’il ne leur est plus possible d’éviter tous les accidents.
En effet, le personnel consacre une grande part de son énergie à trouver des lits, à faire face au manque de places et de moyens, si bien que la prise en charge curative passe au second plan.
Cette situation trouve son origine en 2013, quand quarante lits ont été fermés dans les services de cet hôpital. Résultat, les patients restent et s’entassent aux urgences, ce qui est loin de concourir à leur rétablissement. Le contrôleur général des lieux de privation des libertés ainsi que le bâtonnier ont rendu des rapports accablants : suroccupation chronique, conditions d’exercice des soins « susceptibles d’être à l’origine de violences non maîtrisées », etc.
Alertés, l’agence régionale de santé et le ministère des affaires sociales ont finalement accepté d’ouvrir une unité d’hospitalisation de très courte durée et d’expérimenter des urgences départementales. Or ces projets semblent être davantage politiques que médicaux, et servent de vitrine au directeur, par ailleurs fortement critiqué.
En effet, au-delà de la question des moyens, la situation de l’hôpital du Vinatier serait due, selon l’ensemble des acteurs, à l’impossibilité de dialoguer avec la direction. Ainsi, il faudrait créer des systèmes permettant de contrecarrer les pouvoirs des directeurs ou directrices d’établissement et de prendre davantage en compte l’avis des professionnels, et ce afin de garantir des soins de qualité aux patients.