Intervention de Alain Joyandet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 septembre 2015 à 9h30
Approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la fédération de russie relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet :

Sur le fond, je partage entièrement l'avis de M. Cambon. Ne refaisons pas l'histoire : l'affaire a été négociée à des conditions particulièrement avantageuses grâce à la relation de confiance que nous entretenions avec la Russie. C'était une opération gagnant-gagnant. J'observe également que les Russes étaient de très bons clients, puisqu'ils avaient payé la quasi-totalité de la commande au moment de l'annulation.

Dans cette affaire, il y a trois parties : la Russie, la France et l'entreprise DCNS. Côté russe, on est satisfait : au fond, ils n'ont pas besoin de ces bateaux et pourront utiliser plus opportunément l'argent qui leur est remboursé. Côté français, c'est une erreur stratégique. Le Président de la République semble préparer, petit à petit, un changement d'orientation de notre politique étrangère, car nous avons besoin de la Russie en Syrie. Pour ma part, je reste convaincu que si nous n'avions pas agi dans la précipitation, nous n'aurions peut-être pas bloqué la vente.

Au point de vue juridique, qui est le propriétaire actuel des navires ? En d'autres termes, qui constatera la perte si nous les vendons à un prix inférieur ? Le programme budgétaire, l'entreprise, la Coface ? Je crains qu'en dernière instance l'État ne paie la note. De son côté, l'entreprise perd la marge associée au contrat ; or toutes les entreprises qui travaillent sans dégager de marge finissent par déposer le bilan.

En somme, l'affaire a été gérée en dépit du bon sens ; je ne vise aucunement M. Louis Gautier, qui a bien mené les négociations sur la base d'une mauvaise décision du chef de l'État. Le préjudice est important, non pour nos relations avec la Russie - l'opération a été isolée des autres dossiers en cours - mais pour notre pays et pour l'entreprise.

Sur la forme, nous avons agi dans la précipitation. Je ne reviens pas sur la pratique, désormais courante, qui consiste à demander l'avis du Parlement sur un accord déjà conclu, mais la décision a été prise sans en évaluer les conséquences financières et diplomatiques.

Enfin, je tiens à féliciter le rapporteur pour un exercice difficile. Notre groupe n'a pas encore arrêté sa position ; pour ma part, je m'abstiendrai moi aussi, sans préjuger de mon vote en séance.

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