Je remercie M. del Picchia pour son travail sur ce sujet difficile, qui a suscité des interventions très critiques de ce côté de la table. Pour ma part, je suis favorable à cet accord. L'argument de notre manque de fiabilité commerciale ne tient pas, puisque nous n'avons jamais autant vendu. Quant au supposé suivisme vis-à-vis des Américains, je rappelle que les pressions ne venaient pas tant d'eux mais de nos voisins allemands et surtout des pays d'Europe centrale - on ne prend pas toujours au sérieux les craintes de ceux-ci, mais je comprends l'agitation des Etats Baltes, après cinquante ans de férule soviétique, lorsque les autorités russes mettent en doute la légalité de leur indépendance... Et que diraient les Ukrainiens s'ils retrouvaient nos Mistral en face de Marioupol ?
Sur le fond, j'ai le sentiment que la Russie ressemble de plus en plus à l'ancienne URSS. Or je suis frappé de la tolérance, voire de la sympathie que peut susciter chez certains, même au sein de partis démocratiques comme les nôtres, un dictateur comme Vladimir Poutine, qui conduit son pays dans l'impasse économique, qui à force de gaspiller les richesses de son pays, est en train de le transformer en un nouveau Nigeria...
Un bref rappel de ce qui se passe en Russie depuis dix ans : intervention militaire en Géorgie ; soutien aux sécessions de l'Ossétie du Sud, de l'Abkhazie, du Nagorno-Karabakh, de la Transnistrie ; annexion de la Crimée ; invasion ouverte de l'est de l'Ukraine ; pressions sur la Moldavie et les pays baltes ; violation des espaces aériens norvégien, finlandais, portugais ; envoi de sous-marins dans les eaux territoriales suédoises, de navires de guerre dans les Caraïbes ; menaces contre des navires danois ; affirmation publique que l'utilisation d'armes nucléaires tactiques a été envisagée ; hausse de 30 % du budget militaire ; dénonciation maladive de l'Otan, propagande anti-occidentale et chasse aux ONG de défense des droits de l'homme ; destruction du Boeing de Malaysia Airlines ; emprisonnement d'Alexeï Navalny et de tant d'autres ; exil forcé de Mikhaïl Khodorkovski, de Garry Kasparov et de tant d'autres ; assassinats d'Anna Politkovskaïa, d'Alexandre Litvinenko, de Stanislas Markelov, d'Anastasia Babourova, de Sergeï Magnitski, de Boris Berezovski, de Boris Nemtsov... Je ne parle même pas des récentes élections régionales, à la soviétique, où l'opposition n'a pu présenter plus d'un candidat par circonscription. La Russie de Poutine devient un pays néo-impérialiste, paranoïaque et dangereux.
M. Cambon a raison de dire que la Russie est un interlocuteur obligé, mais c'est aussi un interlocuteur en lequel nous ne pouvons avoir confiance, et avec lequel nous devons discuter en position de force et d'indépendance.
Enfin, aux arguments commerciaux j'oppose ces propos du général de Gaulle : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ».
Je voterai en faveur du rapport.