Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 septembre 2015 à 9h30
Approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la fédération de russie relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

Le débat est passionnant. Nous avons besoin d'une réflexion renouvelée sur la question des relations avec la Russie. Vous évoquez une absence de confiance ; je vous réponds que la politique étrangère, c'est tout sauf de la confiance ! Même nos alliés, ceux qui ont débarqué en Normandie pour nous libérer, nous ne leur faisions pas aveuglément confiance. L'intérêt prime, tout est rapport de force.

Certes, nous constatons de graves dérives en Russie ; mais prenons garde à ne pas humilier les Russes, car dans ce cas c'est Poutine qui en profite. Quand on les humilie, les pays nationalistes comme la Russie ou la Chine ont le réflexe de se rassembler autour de leur chef. Le rapprochement stratégique en cours entre ces deux pays peut conduire à une réorganisation de notre monde multipolaire. Ajoutons l'Iran, et nous nous trouverons dans une situation où les alliés de l'ancien monde feront face à un nouveau monde qui ne partagera pas nos valeurs et jouira d'une force considérable.

Je conviens avec vous que nous devons penser à l'avenir. La négociation de sortie de la vente a été bonne. Nous ne pouvons vendre d'armes sans conditions associées ; mais ne jugeons pas le passé et l'avenir tout ensemble. La question de la vente des Mistral et celle des sanctions ne sont pas liées. La décision de ne pas livrer les bateaux est un choix politique qui appartient à la France seule, pas à l'Union européenne.

La France doit-elle faire un geste à l'égard de la Russie ? Il faut en tout cas donner une dynamique et une perspective à cette relation, et éviter cette fédération des humiliations : les Russes et les Chinois n'ont peut-être pas grand-chose en commun, sauf la fierté ! Ne laissons pas les Russes penser que leur avenir est sans nous, tendons-leur la main, dans l'équilibre et dans la fermeté.

Pour ma part, je suis favorable à l'abstention, en attendant la réunion de notre groupe le 29 septembre. Cette position envoie le message qu'il s'agit d'un sujet en discussion au sein de la classe politique française - du reste, si la ratification de l'accord avait été menacée, j'aurais voté en faveur de celui-ci.

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