Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 septembre 2015 à 9h30
Accord avec l'afrique du sud sur le commerce le développement et la coopération — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, rapporteur :

Depuis la fin de l'apartheid, plusieurs accords sont venus concrétiser l'ambition d'intensifier les relations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud : l'accord sur le commerce, le développement et la coopération signé le 11 octobre 1999 ; le partenariat stratégique conclu en 2007 qui a renforcé la cohérence et la dimension politique de la relation bilatérale ; l'accord signé le 11 septembre 2009, objet du présent projet de loi. Ces accords traduisent le poids économique et politique de l'Afrique du Sud et le rôle qu'elle entend jouer, tant sur le continent africain que sur la scène internationale, notamment comme seul membre africain du G20.

Le dernier sommet Union européenne-Afrique du Sud, qui s'est tenu à Pretoria le 18 juillet 2013, a révélé des convergences plus fortes qu'auparavant en matière de politique internationale, notamment sur le Zimbabwe, le Sahel et le Proche-Orient. L'Afrique du Sud n'est pas pour autant un interlocuteur facile, souvent méfiante vis-à-vis de l'action des Européens sur les questions africaines.

Si puissante soit-elle à l'échelle du continent, l'Afrique du Sud n'en reste pas moins fragile, plus de vingt ans après la fin de l'apartheid. En dépit de ses atouts - qualité du système financier, grandes entreprises de taille mondiale, solidité d'une partie de l'enseignement supérieur, potentiel minier exceptionnel - l'économie traverse une conjoncture difficile. Elle est confrontée à une crise énergétique structurelle qui a conduit à réviser les prévisions de croissance pour 2015 et dont elle ne pourra sortir sans développer de grands projets d'infrastructures à l'échelle régionale. La situation financière dégradée, les ingérences politiques dans la gestion de nombreuses entreprises publiques, les mauvaises performances du système éducatif constituent des freins qui empêchent le pays d'atteindre les 5 % de croissance nécessaires à la résorption des inégalités et d'un chômage massif qui touche un actif sur quatre. Après des années de hausses de salaires sans rapport avec l'évolution de la productivité, la crise de la compétitivité sud-africaine se traduit par un fort déficit commercial (2,5 % du PIB en 2014). La résorption du déficit budgétaire (4,1 % du PIB) se heurte à l'étroitesse de la base fiscale, reflet des fortes inégalités sociales. Enfin, la piètre qualité du dialogue social, marqué par de multiples grèves, traduit une situation sociale très tendue. Les accords de coopération et de partenariat que l'Union européenne conclut avec l'Afrique du Sud n'en sont que plus justifiés.

Le bilan des accords de 1999 et 2007 est globalement positif. Le dialogue politique s'est structuré, les échanges commerciaux entre les parties se sont accrus de plus de 50%. L'Union européenne est devenue le principal partenaire commercial de l'Afrique du Sud, malgré l'érosion sensible et régulière de sa part de marché au profit des pays émergents dont la Chine, devenue en 2009 le premier fournisseur et client de l'Afrique du Sud. Bien que ne représentant que le 39ème débouché à l'exportation pour la France, elle reste un partenaire de premier plan constituant le onzième excédent commercial au plan mondial avec un solde supérieur à 1 milliard d'euros. Les pays européens figurent également en bonne place en termes d'investissements directs, même si leur part diminue.

L'Afrique du Sud est le premier bénéficiaire de l'aide communautaire sur le continent : la Commission et les États membres apportent près de 70 % du total des ressources fournies par les bailleurs, soit environ 1,3 % du budget de l'État et 0,3 % de son PIB. L'aide française sur la période 2014-2020 devrait représenter 1,758 milliard d'euros.

La révision de l'accord, processus classique de mise à jour, est caractérisée par un renforcement de la coopération dans le domaine de la sécurité et par l'absence de dispositions concernant les relations commerciales.

Si l'accord de 1999 ne mentionnait que la lutte contre la drogue et le blanchiment de capitaux comme axe de coopération, celui de 2009 a considérablement étoffé ce volet, avec huit nouveaux articles : lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, lutte contre le terrorisme, lutte contre les trafics d'armes légères et de petits calibres, prévention des activités des mercenaires, lutte contre la criminalité organisée, soutien à la Cour pénale internationale, coopération en matière d'immigration. Sur ces thèmes, les points de vue convergent, les parties ayant une approche similaire du système multilatéral et du rôle du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité. Il fallait renforcer le dialogue sur ces questions et définir des actions concrètes pour développer une coopération efficace. Elle permettra de conforter les progrès réalisés par l'Afrique du Sud dans la lutte contre la drogue et le blanchiment, mais aussi de l'engager plus fortement en matière de lutte contre le terrorisme, domaine où la coopération dispose de marges de progression certaines...

L'accord de modification ne comporte aucune disposition relative au commerce, volet majeur de l'accord de 1999, car ces questions ont été traitées dans le cadre des négociations d'un accord de partenariat économique (APE) entre l'Union européenne et les pays d'Afrique australe qui se sont achevées le 15 juillet 2014. L'Afrique du Sud y occupe une place particulière : tandis que les autres pays bénéficient d'un accès au marché européen sans droit ni quota, les produits sud-africains sont soumis à certaines restrictions. Une partie des stipulations de cet APE relevant de la compétence des États membres, il sera examiné par le Parlement français dans les prochains mois. L'accord comporte une clause de rendez-vous consacrée à l'investissement et aux services. Les premières discussions auront lieu après le toilettage juridique du texte.

L'accord de 2009 concrétise le partenariat conclu depuis la fin de l'apartheid. Il en renforce certains axes et ouvre de nouveaux champs à la relation bilatérale. Je vous inviterai donc à proposer au Sénat d'en autoriser la ratification.

Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fonctionnement de l'exécutif.

Négocié entre le 29 mars et le 10 octobre 2007, l'accord révisé a été signé par les deux parties le 11 septembre 2009. L'Afrique du Sud l'a ratifié le 3 décembre 2010, l'Union européenne le 15 février 2011 ; au 1er septembre 2015, dix-huit États membres de l'Union l'avaient ratifié. Or, le projet de loi de ratification n'a été déposé à l'Assemblée nationale que le 10 juillet 2013 par le ministère des affaires étrangères.

Il aura donc fallu quatre années pour rédiger une page d'exposé des motifs et cinq pages d'étude d'impact ! La consultation interministérielle serait-elle postérieure à la signature des accords ? Au total, il aura fallu six années à la France pour autoriser la ratification d'un accord international - nouvel exemple des dysfonctionnements constatés dans son rapport d'information de décembre 2014 par le président Raffarin et confirmés par M. Henri Plagnol dans son rapport remis en juin 2015 au ministre des affaires étrangères. Notre Commission a arrêté un dispositif pour faciliter l'examen des projets de loi autorisant ou approuvant ces accords ; elle attend désormais du gouvernement des propositions pour accélérer la procédure d'examen et réduire les délais de présentation des textes aux assemblées parlementaires. Sans doute faudrait-il le rappeler au ministre afin que nos voix conjuguées ne se perdent pas dans le désert...

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