Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 septembre 2015 à 9h30
Ratification de l'accord de partenariat économique d'étape entre la côte d'ivoire d'une part et la communauté européenne et ses état membres d'autre part — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, rapporteur :

Inutile de vous rappeler l'intérêt de renforcer nos liens économiques avec l'Afrique, continent désormais intégré à la mondialisation et qui compte parmi les acteurs de la croissance mondiale, avec son évolution démographique, ses ressources considérables et l'essor de ses entreprises. Depuis 2012 et la sortie des années de crise politique, la Côte d'Ivoire a renoué avec une forte croissance : 9,8 % en 2012, 8,7 % en 2013, 8,0 % en 2014. Cela devrait perdurer, car la croissance repose sur un secteur agricole exportateur performant - premier producteur de cacao, la Côte d'Ivoire compte aussi parmi les tout premiers producteurs de café et de caoutchouc - et des investissements publics dynamiques. Les investisseurs étrangers sont de retour, on compte 641 entreprises françaises.

Les relations commerciales entre l'Union européenne et les pays Afrique Caraïbe Pacifique (ACP), dont fait partie la Côte d'Ivoire, ont été gouvernées entre 1975 et 2000 par un régime de préférences commerciales non réciproques, découlant des conventions de Lomé. Or les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), signés en 1994, excluent toute discrimination au sein du groupe des pays en développement (PED). C'est dans ce contexte que l'accord de Cotonou du 23 juin 2000 a prévu la conclusion de nouveaux accords de libre-échange, dénommés accords de partenariat économique (APE), en vue d'autoriser l'accès au marché européen en franchise de droits et de quotas de tous les produits des pays ACP, à l'exclusion de produits dits sensibles, en contrepartie de l'ouverture de leurs marchés aux produits européens à hauteur de 80 % dans un délai de quinze ans.

En 2001, l'Union européenne et les pays ACP ont obtenu à Doha une dérogation aux accords de l'OMC leur permettant de maintenir le système des préférences commerciales non réciproque pendant la négociation et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2007. À cette date, seules les Caraïbes avaient signé un accord complet ; la Commission a alors proposé des APE bilatéraux d'étape, limités à l'accès au marché des biens, aux pays souhaitant continuer à bénéficier du régime préférentiel dans l'attente de la conclusion des accords complets.

La Côte d'Ivoire - qui ne relève pas du régime « Tout sauf les armes» offrant, depuis 2008, aux pays les moins avancés (PMA) un accès au marché européen en franchise de droits et sans contingent pour tous les produits sauf les armes - a paraphé l'APE d'étape. Ayant ainsi obtenu une application anticipée du régime commercial APE, la Côte d'Ivoire n'a pas poursuivi la procédure jusqu'à la ratification, empêchant l'accord intérimaire d'entrer en vigueur. L'APE complet d'Afrique de l'Ouest, signé le 12 décembre 2014 par les 28 États membres et les États africains concernés à l'exception du Nigéria, du Togo, de la Gambie et de la Mauritanie, devrait venir le remplacer.

Cet accord intérimaire est conçu comme un accord de libre-échange mais aussi de développement visant, selon le titre I, à « éviter une perturbation du commerce entre la Côte d'Ivoire et la Communauté européenne à l'expiration du régime transitoire de l'accord de Cotonou (...) en attendant la conclusion d'un APE global » et à « établir les bases pour la négociation d'un APE qui contribue à la réduction de la pauvreté, promeuve l'intégration régionale, la coopération économique et la bonne gouvernance en Afrique de l'Ouest, en matière de politique commerciale et sur les questions liées au commerce ».

Selon le régime commercial prévu au titre III, les produits originaires de Côte d'Ivoire, à l'exception des armes et des munitions, sont importés dans la Communauté européenne sans droits de douane ni contingents, avec des régimes transitoires pour certains produits sensibles comme le sucre, le riz et la banane : au-delà d'un certain niveau d'importations, les tarifs douaniers de la nation la plus favorisée s'appliqueront automatiquement. Les importations de bananes ivoiriennes et de sucre par les régions ultrapériphériques ne seront libéralisées qu'après une période de dix ans, qui sera prolongée d'autant, sauf décision contraire des parties. Des mesures de sauvegarde permettent en outre aux parties de réintroduire des contingents ou des droits de douane pour protéger les secteurs économiques fragiles. En contrepartie, l'ouverture du marché ivoirien se fera progressivement pour atteindre 81 % des exportations de l'Union européenne sur quinze ans ; elle concernera essentiellement des produits industriels qui ne font pas concurrence à la production ivoirienne.

Le titre II prévoit une coopération pour le développement, qui peut prendre des formes financières ou non. Le financement de l'Union européenne s'effectue dans le cadre de l'accord de Cotonou, notamment des programmes d'aide au développement du Fonds européen de développement (FED). Le onzième FED (2014-2020) attribue une enveloppe de 273 millions d'euros. Sur cette période, l'aide bilatérale française devrait s'élever à 1,05 million d'euros. La création d'un fonds régional APE est également évoquée.

Sous le bénéfice de ces observations, je recommande l'adoption de ce projet de loi qui manifeste l'intérêt de la France pour le partenaire qu'est la Côte d'Ivoire. Plus complet, l'APE de l'Afrique de l'Ouest, signé en décembre 2014, rendra caduc cet accord d'étape, qu'il importe toutefois de ratifier.

L'examen en séance publique est fixé au 8 octobre 2015. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée. Je vous propose, quant à moi, un rapport publié en forme synthétique.

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