Intervention de Jean-Marie Delarue

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 16 septembre 2015 à 17h00
Audition de M. Jean-Marie delaRue président de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité cncis

Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité :

On note depuis un an un infléchissement de la politique du Premier ministre à cet égard - je vise la fonction et non la personne. Nos avis défavorables représentent à peine plus d'1 % du total. Plus du quart des demandes sont assorties de commentaires voire de réserves, par exemple le passage d'un délai de quatre à deux mois s'agissant d'un mineur. Les services n'émettent pas de demandes pour de fausses raisons. Il nous arrive de leur demander des précisions, des motivations supplémentaires. Nous les obtenons toujours, ce qui explique en partie le faible nombre d'avis défavorables. Ceux-ci sont émis lorsque les conditions légales ne sont pas remplies ou quand il existe des interrogations sur le bien-fondé de la demande, par exemple lorsque quelqu'un est présenté comme extrêmement dangereux alors que les faits sont anciens.

Jusqu'en 2014, les avis ont presque toujours été suivis. Depuis la fin 2014, un plus grand nombre d'avis défavorables n'a pas été suivi, pour des raisons de conjoncture. Le Premier ministre a par exemple jugé le dossier crédible ou, en opportunité, qu'il fallait répondre à un besoin des services. La situation est particulièrement délicate lorsque la personne suivie par la police administrative fait l'objet d'une saisine de l'autorité judiciaire : soit la demande de surveillance porte sur une affaire complètement distincte, et l'avis peut être favorable, sous réserve des compétences l'autorité judiciaire pour l'affaire dont elle est saisie, soit il s'agit de la même affaire, et l'avis est défavorable. Il arrive que cet avis ne soit pas suivi alors qu'il n'y a aucune hésitation juridique. Lorsque nous estimons que l'autorisation a été donnée contra legem, la loi de 1991 nous autorise à adresser une recommandation au Premier ministre pour lui demander d'interrompre l'interception illégale. Cette année, deux recommandations n'ont pas été suivies, ce qui n'avait jamais été le cas depuis 1991. Le Premier ministre prend des risques juridiques et politiques à passer outre ; à lui de les apprécier. Je suis un peu préoccupé par cette évolution.

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