Intervention de Francis Delon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 septembre 2015 à 9h00
Audition de M. Francis delOn candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de la commission nationale de contrôle des techniques du renseignement

Francis Delon, candidat proposé par le président de la République comme président de la CNTR :

Après avoir été proposé par le vice-président du Conseil d'État pour siéger au sein de la CNCTR, j'ai été pressenti par le président de la République pour en exercer la présidence.

La CNCTR est une création de la loi du 24 juillet 2015, fruit d'une longue maturation à laquelle le Parlement a apporté une contribution décisive. Comme vous en êtes les co-auteurs, je me bornerai à en énoncer les lignes de force. La loi affirme que les services de renseignement exercent une mission de service public, ce qui renforce leur légitimité et leurs capacités d'action. Elle fixe soigneusement un cadre juridique afin de concilier la réponse aux défis en matière de sécurité et l'exigence de respect de la vie privée. Enfin, elle renforce le contrôle sur l'action des services de renseignement en créant la CNCTR, qui succède à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) avec des pouvoirs accrus, notamment par la possibilité de saisir le Conseil d'État. Ce contrôle est destiné à vérifier que l'atteinte au respect de la vie privée est strictement proportionnée aux finalités définies par la loi qui peuvent seules justifier l'intervention des services de renseignement : il s'agit d'une loi de protection des libertés publiques, dans laquelle la CNCTR a vocation à jouer un rôle éminent.

Suis-je qualifié pour la présider ? Nommé en 1979 au Conseil d'État, j'y ai exercé pendant une durée totale de quinze ans des fonctions juridictionnelles, à la section du contentieux, comme rapporteur, commissaire du Gouvernement puis comme président d'une sous-section. J'y ai aussi assuré des fonctions consultatives au sein de la section des finances puis de celle de l'intérieur, où je siège actuellement. J'ai également assumé au ministère des affaires étrangères les fonctions qu'a rappelées M. Bas. Au ministère de l'éducation nationale, j'ai exercé la direction des affaires générales, internationales et de la coopération avant de diriger le cabinet du ministre, à l'époque M. François Bayrou. Enfin, j'ai été à la tête du SGDN, devenu par la suite le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN).

Je m'estime préparé à prendre la présidence de la CNCTR ; mon parcours juridictionnel m'a donné l'expérience de la collégialité, du contrôle de proportionnalité et de l'exigence d'indépendance et d'impartialité ; mes fonctions administratives m'ont donné une bonne connaissance des enjeux de la sécurité nationale, du fonctionnement des services de renseignement et de la dimension technologique désormais déterminante de leur travail. En tant que secrétaire général de la défense nationale, j'avais autorité sur l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) ; j'en ai gardé une solide connaissance des enjeux de sécurité nationale et une appréhension des technologies du cyberespace.

Je n'ignore pas les doutes qui ont été soulevés sur mon indépendance. Connaissance n'est pas complaisance, ni connivence ; et la nécessaire loyauté d'un secrétaire général de la défense nationale à l'égard du Président de la République et du Premier ministre ne s'étendait naturellement pas aux services de renseignement. Au sein du Conseil d'État, j'ai également exercé mes fonctions en toute indépendance - c'est la marque de cette institution qui peut annuler un acte du Gouvernement ou émettre des avis défavorables sur des projets de loi ou de règlement. Indépendance, impartialité, recherche constante de l'équilibre entre les libertés publiques et la sécurité : voilà les principes qui me guideront.

Mon projet est à la fois ambitieux et pragmatique. Ambitieux parce qu'il s'agit, dès l'installation de la Commission, de relever le défi d'exercer des compétences renforcées dans un champ de plus en plus étendu, avec un flux de demandes en substantielle augmentation. Le président de la CNCIS, Jean-Marie Delarue, auquel je rends hommage, avait anticipé cette montée en puissance en obtenant une hausse des effectifs et des moyens ; ma première tâche sera de m'assurer de l'attribution effective de ces moyens, de vérifier s'ils sont adaptés, de recruter en conséquence et d'organiser le travail en commun.

Ambitieux parce qu'il faudra tirer parti des compétences réunies et de faire de la collégialité un élément d'efficacité, d'autant plus que le collège sera sollicité dès ses premiers mois d'existence pour rendre des avis et prendre parti sur l'organisation du contrôle, et enfin pour bâtir la jurisprudence de la CNCTR.

Ambitieux parce qu'il s'agira de développer le dialogue avec les services, en particulier à travers les auditions des chefs de service et nos visites sur place. Pour éclairer nos avis, chacun de nos membres doit connaître le fonctionnement des services de renseignement et les défis qu'ils doivent relever ; réciproquement, ces services doivent connaître notre commission, afin de mieux comprendre ses raisonnements et la logique de ses avis.

Enfin, il est ambitieux dans la mesure où nous devons bâtir la confiance du public vis-à-vis du contrôle. Nous serons particulièrement vigilants sur le contrôle des algorithmes, en nous appuyant sur les compétences de la personnalité qualifiée désignée par le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ainsi que sur les ingénieurs de haut niveau qui renforceront nos effectifs ; nous développerons également une action pédagogique sur nos missions.

Mon projet est pragmatique parce que si nos capacités doivent augmenter, nos structures doivent rester légères. Je commencerai par concentrer nos moyens sur le contrôle a priori qui doit s'exercer sans discontinuité puis, au gré de notre montée en puissance, je renforcerai le contrôle a posteriori. Dans cette perspective, nous étudierons la possibilité du recours à des procédures dématérialisées offrant des garanties adéquates de protection du secret.

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