Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici la cinquième tentative en vingt ans de réforme de la formation médicale continue : ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, dite « ordonnance Juppé », loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » et, aujourd’hui, l’article 28 du présent projet de loi.
La multiplication des réformes prouve en elle-même que le système ne fonctionne pas. Vous le savez d’ailleurs mieux que quiconque, madame la secrétaire d’État, puisque vous disposez depuis un an du rapport de l’IGAS commandé par Marisol Touraine, qui explique pourquoi la loi ne réglera pas le problème. Ce rapport indique notamment que les crédits inscrits au budget de l’organisme gestionnaire du développement professionnel continu, l’OGDPC, « ne sont pas à la hauteur d’une formation continue dispensée à l’ensemble des personnels de santé du pays ».
L’IGAS chiffre ainsi à 565 millions d’euros le coût d’une formation généralisée ; or les ressources actuelles s’élèvent à 150 millions d’euros environ. La dotation de l’État a disparu depuis 2013 et la contribution de l’industrie pharmaceutique, de 120 millions d’euros environ, n’est plus versée à l’OGDPC, mais à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, qui opère une ponction avant reversement. Les syndicats médicaux sont d’ailleurs en colère et parlent de « hold-up ».
Ce n’est donc pas par un tour de passe-passe sémantique, consistant à renommer l’OGDPC « agence nationale du développement professionnel continu », ou ANDPC, que vous résoudrez le problème. Par conséquent, l’échec du DPC perdurera, à moins que vous ne nous annonciez la seule mesure susceptible d’y porter remède : les moyens d’un budget adéquat.
Autre conséquence : ici comme ailleurs, les firmes pharmaceutiques s’engouffrent et mettent la main sur le système – à travers les contrats d’orateurs, les cadeaux, les salles mises à disposition, les restaurants étoilés ou les congrès à Marrakech – pour promouvoir, hier, leur Vioxx, leur Mediator ou leur Isoméride et, aujourd’hui, la multitude de statines, d’antiagrégants hors de prix ou de nouveaux anticoagulants sans antidotes.
Tous ces produits sont promus par de soi-disant experts, véritables baudets à contrats et à conflits d’intérêts avec l’industrie. Mais pourquoi se gêneraient-ils, puisque vos propres services donnent l’exemple ? En effet, 39 % des vingt-huit membres du conseil de surveillance de l’OGDPC n’ont pas rempli leur déclaration publique d’intérêts obligatoire…
Puis-je vous suggérer une solution, madame la secrétaire d’État ? D’abord, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, reversez à l’ANDPC l’intégralité de la contribution qui lui est due au titre de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale. Ensuite, augmentez cette contribution pour doter suffisamment cet organisme. Pour finir, interdisez à l’industrie d’intervenir dans le DPC ; on y parlera enfin de médecine et de science et non plus de boîtes de comprimés à écouler.
Je sais que je rêve… Néanmoins, en attendant de telles mesures, madame la secrétaire d’État, remettons ensemble un peu de dignité dans ce mécanisme de la formation médicale continue. Ainsi, donnez un avis favorable sur mon amendement, bien modéré, visant à demander aux intervenants de fournir aux étudiants et aux médecins auxquels ils conseillent des traitements leur déclaration publique d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique.