Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 28 septembre 2015 à 10h00
Modernisation de notre système de santé — Articles additionnels après l'article 28

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Tout le monde a en tête les scandales médicaux de ces dernières années. Même l’homme de la rue connaît le Mediator, grâce à Irène Frachon et non, hélas, grâce à notre système de pharmacovigilance. Mais, dans une époque de tweets et de Snapchat où un clou chasse l’autre dans la minute, nous avons déjà oublié les précédents.

Pourtant, la liste est impressionnante. Avant même le Mediator, ses 2 000 morts et les dizaines de milliers de vies brisées en France, Servier avait déjà produit l’Isoméride ; depuis, entre autres, le Protelos. Merck est à l’origine du Vioxx, qui a occasionné 35 000 morts et des centaines de milliers d’accidents cardiaques aux États-Unis. En France, ses victimes sont proportionnellement aussi nombreuses, mais on a étouffé l’affaire. Rappelons encore les centaines de milliers de victimes dans le monde du Prozac, du Deroxat et des autres antidépresseurs, sans oublier l’Opren, le Strattera, l’hormone de croissance, l’Avandia, l’Actos et les pilules contraceptives de troisième génération. Je pourrais réciter la liste complète, mais il me faudrait beaucoup de temps.

Lisez les estimations de vos propres agences, madame la secrétaire d’État : 20 000 morts et 150 000 hospitalisations annuelles sont dues à la iatrogénie, rien qu’en France. Étant donné les énormes lacunes de notre pharmacovigilance, on peut doubler les chiffres sans crainte de se tromper. Pourtant, on met chaque jour sur le marché un peu plus de médicaments dont le rapport bénéfices-risques est mauvais.

Lisez dans la revue Prescrire, qui est l’honneur de notre profession, la liste des dizaines de produits dont elle demande le retrait et qui seront les scandales de demain !

Comment cela arrive-t-il ? La réponse mène à mon amendement. Il faut tout d’abord mentionner les essais cliniques biaisés, truqués ou cachés lorsqu’ils sont négatifs. Ensuite, il y a dans le monde quelques centaines d’hospitalo-universitaires complices, dont quelques dizaines en France : chacun signe avec l’industrie trente contrats de recherche par an, alors qu’un essai clinique prend au minimum six mois à un an…

Par ailleurs, la presse médicale dépend désormais presque intégralement des laboratoires pour son financement et se contente donc de recopier ce qu’ils lui dictent. Enfin, en raison de l’abdication de l’État que j’ai expliquée précédemment, les firmes sont comme chez elles dans la formation médicale continue.

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de prendre cet amendement en considération et de vous en remettre à la sagesse de cette assemblée. Je voudrais dire à Mme la rapporteur que j’ai entendu son avis ; néanmoins, cet amendement n’est pas satisfait par la loi actuelle en ce qui concerne l’enseignement, mais constitue plutôt le minimum du minimum.

En effet, si la loi du 4 mars 2002 a institué l’obligation de déclaration des liens d’intérêt des professionnels de santé, et que d’autres lois ont poursuivi la démarche entreprise, elles ont toutefois oublié de l’imposer dans le cadre de l’enseignement et de la formation médicale continue, comme vous venez vous-même de le rappeler. Il faut réparer cet oubli.

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