Intervention de Éric Doligé

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Accord fiscal concernant saint-barthélemy — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chers collègues, tour à tour espagnole, française, propriété de l’Ordre de Malte puis suédoise, l’île de Saint-Barthélemy n’est pleinement française que depuis 1878, date à laquelle elle a été rétrocédée à la France par la Suède.

Jusqu’en 2007, la collectivité était rattachée administrativement à la Guadeloupe, dont elle constituait une commune depuis la loi de départementalisation de 1946.

À la suite d’une consultation intervenue le 7 décembre 2003 et conformément aux dispositions de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, Saint-Barthélemy est devenu une collectivité d’outre-mer à compter du 15 juillet 2007. Prévu à l’article 74 de la Constitution, ce statut permet aux collectivités qui en bénéficient d’exercer des compétences élargies, en matière fiscale notamment.

Au regard du droit de l’Union européenne, en tant que collectivité d’outre-mer, Saint-Barthélemy a bénéficié du statut de région ultrapériphérique, régi par les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La collectivité de Saint-Barthélemy était considérée comme partie intégrante de l’Union européenne. Elle était, de ce fait, soumise de plein droit aux règles européennes.

Par délibération du conseil territorial du 20 octobre 2009, la collectivité a demandé à relever du statut de pays et territoire d’outre-mer visé dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, conformément à la procédure dite « clause passerelle ».

Saisi par les autorités françaises en juin 2010, le Conseil européen a accédé à la demande de l’île par décision du 29 octobre 2010. Elle est devenue un PTOM à compter du 1er janvier 2012.

En tant que PTOM, bien que rattachée à la France, la collectivité de Saint-Barthélemy ne fait plus partie de l’Union européenne, mais elle bénéficie d’un régime d’association. Plus souple, ce statut permet à Saint-Barthélemy de ne plus être soumise de plein droit aux normes européennes, dont certaines, malgré l’existence de dispositions spécifiques aux régions ultrapériphériques, n’étaient pas adaptées aux caractéristiques économiques et géographiques de l’île : éloignement de la métropole, situation en zone économique américaine, économie orientée vers le tourisme.

Surtout, la qualité de PTOM a permis à la collectivité de conserver son régime douanier de « droit de quai », qui frappe l’ensemble des marchandises entrant sur son territoire et dont le taux est fixé à 5 % de la valeur du bien.

À la demande de la France, l’accession au statut de PTOM n’a pas remis en cause le cours légal de l’euro sur l’île. En contrepartie, le Conseil européen a demandé que la France s’engage à conclure deux accords afin que le changement de statut de Saint-Barthélemy ne porte pas atteinte aux intérêts de l’Union européenne.

En matière monétaire, un premier accord devait permettre « d’assurer le maintien de l’application du droit de l’Union dans les domaines essentiels au bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire ». Cet accord a été ratifié par la loi du 28 décembre 2011 autorisant la ratification de l’accord monétaire entre la République française et l’Union européenne relatif au maintien de l’euro à Saint-Barthélemy à la suite de son changement de statut au regard de l’Union européenne.

En matière fiscale, un second accord devait faire en sorte que les mécanismes prévus par le droit de l’Union européenne en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales continuent de s’appliquer sur le territoire de Saint-Barthélemy. Signé le 17 février 2014 à Bruxelles, cet accord entre la République française et l’Union européenne doit désormais être ratifié. Tel est l’objet du présent projet de loi soumis à l’examen du Sénat.

Plus précisément, il s’agit de prévoir explicitement l’application de deux directives européennes à la collectivité de Saint-Barthélemy dans le cadre de son nouveau statut : premièrement, la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 relative à la fiscalité des revenus de l’épargne ; deuxièmement, la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

Ces deux directives constituent la base du mécanisme européen d’échange d’informations entre administrations fiscales, qui permet d’identifier les titulaires réels des comptes et les bénéficiaires réels des revenus qu’ils produisent. De nombreuses auditions réalisées par la commission des finances ont montré l’importance de ce mécanisme dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Le point essentiel de cet accord – son article 2 – prévoit que toutes les évolutions de ces deux directives s’appliquent également à Saint-Barthélemy. Or, c’est précisément ce qui vient de se produire : ces deux directives ont été modifiées en mars 2014 et en décembre 2014 afin de permettre le passage à l’échange automatique d’informations d’ici au 1er janvier 2016.

C’est un progrès considérable : jusqu’à maintenant, les échanges se faisaient « à la demande », ce qui supposait que l’administration requérante sache quelles informations demander et que l’administration requise fasse preuve de bonne volonté et de diligence dans ses réponses. Deux conditions qui n’étaient pas toujours réunies… Désormais, les États transmettront automatiquement et systématiquement les informations relatives aux comptes bancaires domiciliés chez eux, ce qui permettra une détection bien plus aisée des comptes dissimulés.

Cela dit, il s’agit là d’un progrès à l’échelle mondiale, d’ailleurs également porté par l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et le G20, et qui a fait l’objet d’un accord international signé à Berlin le 29 octobre 2014, ne concernant pas spécifiquement Saint-Barthélemy.

En effet, il faut rappeler que Saint-Barthélemy n’est pas un « paradis fiscal », contrairement à certains de ses voisins des Caraïbes considérés comme non coopératifs par l’OCDE. Certes, la collectivité jouit d’une large autonomie fiscale, qui lui permet d’accorder un traitement avantageux à ses résidents, notamment en matière d’impôt sur le revenu, mais il n’y a pas de secret bancaire : Saint-Barthélemy n’est pas un endroit où l’on dissimule son argent pour échapper à l’impôt. D’ailleurs, selon les éléments transmis par la direction générale des finances publiques, l’échange de renseignements fonctionne d’ores et déjà de manière pleinement satisfaisante avec Saint-Barthélemy, quoiqu’il trouve rarement à s’appliquer.

En d’autres termes, le présent accord consiste essentiellement en un dispositif de coordination prévoyant que le droit qui s’applique déjà continuera à s’appliquer dans les mêmes conditions, y compris s’il est amené à évoluer. En fait, l’accord supprime pour ainsi dire toute spécificité de Saint-Barthélemy s’agissant de la coopération administrative en matière fiscale.

Pour ces multiples raisons, je vous propose d’adopter le présent projet de loi de ratification sans modification, comme l’a fait la commission des finances.

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