Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet accord relatif à Saint-Barthélemy permet d’achever un processus d’autonomie qui est motivé, contrairement à ce que l’on constate pour beaucoup d’autres territoires, par des questions fiscales, et non pas identitaires.
Lorsque, en 1878, l’île nous fut rétrocédée par la Suède, qui n’y voyait qu’une charge sans intérêt, Saint-Barthélemy bénéficiait d’un statut de zone franche, que la France accepta de lui conserver, au vu de la grande pauvreté qui y régnait.
S’ensuivit un siècle de quasi-indifférence de la métropole, qui ne se décida à envoyer son premier sous-préfet à Saint-Martin, l’île voisine, qu’en 1963.
Même la départementalisation de 1946 négligea Saint-Barthélemy, qui ne fut gratifiée que d’un décret rédigé à la hâte, maintenant les régimes en vigueur pour une période supposée temporaire.
Ce consensus ambigu prévalut encore trente ans, jusqu’au début des années quatre-vingt, lorsque l’essor touristique de l’île commença à garnir son assiette fiscale, ce qui éveilla du même coup l’appétit de Bercy…
Saisi, le Conseil d’État jugea alors infondé le régime dérogatoire de Saint-Barthélemy. Peu désireux d’ouvrir ce dossier, le Premier ministre Jacques Chirac imposa en 1986 à l’administration fiscale un moratoire de fait sur les recouvrements. En 1996, Pierre Mazeaud, alors député, proposa d’exonérer très largement Saint-Barthélemy, mais la dissolution de 1997 engloutit sa loi en même temps que l’Assemblée nationale…
C’est seulement en 2007 que l’obtention par Saint-Barthélemy du statut de collectivité d’outre-mer règle enfin la question, la compétence fiscale étant confiée aux autorités locales. Le statut de pays et territoire d’outre-mer, obtenu du Conseil européen en 2012, leur délègue de plus la compétence douanière.
C’est ainsi que Saint-Barthélemy peut aujourd’hui, en toute légalité, exonérer ses résidents des impôts sur le revenu, sur la fortune, sur les successions et sur les sociétés.
S’il est vrai que le coût de la vie y est élevé, il ne faut pas oublier que l’impôt n’est pas seulement une contribution, mais aussi une redistribution.
Quelles que soient les difficultés, réelles, liées à l’insularité, l’absence de fiscalité profitera toujours davantage aux grands entrepreneurs du tourisme haut de gamme et du BTP qu’à leurs employés.
Ce choix est toutefois très majoritaire chez les résidents de l’île, et il n’est pas interdit de penser que, si l’intérêt que leur a porté la métropole avait été moins tardif, leur perception de la solidarité nationale aurait peut-être été plus aiguë.
Quoi qu’il en soit, il convient de se réjouir ici que Saint-Barthélemy ne se soit jamais tournée, comme certaines de ses voisines, vers la finance offshore.
Précisément, l’accord qui nous est soumis vise à adapter les échanges d’informations fiscales au nouveau statut de l’île, désormais extra-européenne. Parce qu’il permettra donc de consolider la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le groupe écologiste votera en faveur de sa ratification.