Intervention de Michel Magras

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Accord fiscal concernant saint-barthélemy — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et l’Union européenne visant à l’application, en ce qui concerne la collectivité de Saint-Barthélemy, de la législation de l’Union sur la fiscalité de l’épargne et la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité.

L’historique ayant déjà été rappelé, je n’y reviendrai pas. Par une délibération en date du 20 octobre 2009, la collectivité de Saint-Barthélemy avait demandé à la France l'engagement du processus de changement de statut en droit européen, conformément au souhait exprimé dès l'élaboration du statut de collectivité d'outre-mer.

J’ai eu l’occasion à maintes reprises d’exposer, devant la Haute Assemblée et la Commission européenne notamment, les raisons qui motivaient ce choix. Je rappellerai simplement que cette démarche visait tout d’abord à protéger le droit de quai, qui n’était pas conforme aux règles européennes. Pour cela, la collectivité devait, comme le prévoyait la loi organique, obtenir le statut de PTOM afin de pouvoir conserver la compétence douanière.

Parallèlement, il s'agissait de disposer de normes plus adaptées au contexte de l'île, le droit commun de l'Union européenne s'avérant souvent exorbitant pour un territoire de la taille de Saint-Barthélemy. Les liens budgétaires avec l’Europe étant quasiment inexistants, la présence européenne à Saint-Barthélemy se traduit essentiellement par des normes.

Le nouveau statut a permis non pas de s'en affranchir intégralement – le droit dérivé continue de s'appliquer dans les matières régies en droit national par l'identité législative –, mais de l’appliquer de façon plus souple. Il reste une source d'inspiration pour la fixation des règles dans les matières relevant de la compétence de la collectivité.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, du fait que les exigences de l’Europe ne s’imposent pas d’emblée à nous en raison de notre statut, la France dispose de toute latitude pour faire de notre territoire un terrain expérimental d’adaptation des règles aux réalités locales. À l’heure où il est beaucoup question d’innovation et de différenciation, une telle démarche me semblerait pertinente.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2012, Saint-Barthélemy a cessé de relever du statut de région ultrapériphérique, pour relever de celui de pays et territoire d'outre-mer, associé à l'Union européenne.

Pour autant, attachée aux piliers de l'Union européenne, la collectivité avait souhaité, de même que l’État, conserver l’euro. Un premier accord visant à maintenir cette monnaie était intervenu en 2011.

L'application de la législation européenne en matière de fiscalité et d'épargne locale découle du maintien de l'euro à Saint-Barthélemy.

En outre, l'accord que nous examinons est conforme, plus généralement, au considérant 31 de la décision 2013/755/UE du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne. Il dispose en effet que « la coopération entre l'Union et les PTOM en matière de services financiers devrait contribuer à l'instauration d'un système financier plus sûr, plus sain et plus transparent, élément essentiel pour accroître la stabilité financière mondiale et jeter les bases d'une croissance durable ».

Le chapitre 5 de la décision décline, quant à lui, les principes de la coopération dans le domaine des services financiers et de la fiscalité au titre de la relation entre l'Union européenne et les PTOM.

Ainsi, le présent accord constitue, ni plus ni moins, un prolongement du changement de statut de Saint-Barthélemy. Par ce biais, la France s'engage donc, et à travers elle Saint-Barthélemy, au respect des principes de l'Union européenne dans ces domaines.

Pour ces raisons, cet accord n’appelle pas de remarques particulières sur le fond.

Je souhaite néanmoins saisir l’occasion qui m’est offerte pour indiquer que si cet engagement est une condition, il est aussi une sécurité offerte à Saint-Barthélemy.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé que Saint-Barthélemy ne pouvait en aucun cas être considérée comme un paradis fiscal, puisque les droits bancaire, financier et monétaire relèvent de la compétence de l’État, et non de celle de la collectivité. Par conséquent, si Saint-Barthélemy devait être un paradis fiscal, la responsabilité en incomberait à l’État, et non à la collectivité.

En matière de défiscalisation, j’ai envie de dire que Saint-Barthélemy donne l’exemple, puisque nous nous sommes battus contre la défiscalisation tous azimuts, pour la restreindre aux seuls souhaits de la population. À chaque renouvellement de son conseil territorial, la collectivité dispose d’un délai de deux mois pour transmettre à l’État une délibération déterminant les secteurs dans lesquels elle accepte la défiscalisation.

Concernant le nombre élevé d’entreprises présentes sur le territoire, il doit être perçu non pas comme révélateur de l’existence d’un paradis fiscal, mais comme résultant d’une optimisation du statut d’auto-entrepreneur prévu par la législation française. Ainsi, nombre de nos entreprises n’emploient qu’une seule personne. Cela correspond au fonctionnement économique de la collectivité.

Compte tenu de ce statut fiscal particulier, dans un système financier mondialisé, une réglementation en matière de fiscalité et d'épargne qui ne serait pas liée à des accords multilatéraux serait vulnérable au risque de délinquance dans ce domaine, que Saint-Barthélemy ne souhaite ni encourager ni protéger.

En ce sens, on ne peut que voir dans cette formalisation du maintien de l'application à Saint-Barthélemy de la législation européenne visant notamment à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales une mesure de protection. C’est en tout cas ainsi qu’elle est perçue à Saint-Barthélemy.

Au rebours des nombreux clichés présentant Saint-Barthélemy comme un paradis fiscal, notre territoire est particulièrement attaché à la coopération pour assurer la transparence financière et fiscale.

Nous voterons donc en faveur de la ratification de cet accord, dont nous souhaitions la conclusion bien avant que la France ne le signe.

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