Intervention de François Marc

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Ressources propres de l'union européenne — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l’approbation de la décision du Conseil de l’Union européenne du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne. Cette nouvelle décision a vocation à se substituer à la décision du Conseil du 7 juin 2007, mais elle est applicable depuis le 1er janvier 2014, quelle que soit la date de son entrée en vigueur ! Ses effets seront donc rétroactifs.

La décision dont le projet de loi vise à autoriser l’approbation fait suite à l’accord sur les perspectives financières 2014-2020 issu du Conseil européen des 7 et 8 février 2013. Elle constitue le volet relatif aux recettes du cadre financier pluriannuel.

L’autre volet, relatif aux dépenses, a été fixé par un règlement du Conseil du 2 décembre 2013. Ce règlement a par exemple arrêté, pour la période 2014-2020, les plafonds annuels de dépenses et leur composition par catégorie de dépenses, que l’on appelle dorénavant « rubrique » dans le vocabulaire de l’Union européenne.

Comment le budget de l’Union européenne est-il équilibré, puisque recettes et dépenses sont régies par deux textes différents ? En pratique, le principe d’équilibre entre recettes et dépenses conduit à une sorte d’encadrement du budget de l’Union européenne par les règles fixées par ces deux types de textes. Celui qui nous occupe aujourd’hui concerne le système de financement de l’Union européenne, sans préjuger du niveau des dépenses ou de leur répartition. Il s’agit donc d’une « tuyauterie » destinée à alimenter le budget, mais pas d’une autorisation de dépenses.

J’indique toutefois que, pour chacune des années couvertes par le cadre financier pluriannuel, le total des crédits ouverts en dépenses ne peut conduire à un taux d’appel des ressources propres supérieur à un plafond donné, soit 1, 23 % du revenu national brut des États membres.

Dans la limite de ces plafonds annuels globaux, le financement de l’Union européenne par ses ressources propres s’ajuste au niveau des dépenses votées chaque année.

Pour mémoire, les perspectives financières 2014-2020 représentent un peu plus de 1 000 milliards d’euros, soit une hausse de 11 % par rapport à la programmation 2007-2013. Il s’agit donc d’un budget annuel de l’Union européenne d’environ 150 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

Le calcul des contributions nationales se fait en appliquant une « correction » à la contribution britannique, dite « chèque » ou « rabais », qui consiste à rembourser au Royaume-Uni les deux tiers de la différence entre sa participation au budget communautaire et les retours qu’il perçoit. La charge résultant de cette correction est répartie entre les autres États membres.

Toutefois, d’autres États fortement contributeurs, comme l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas ou l’Autriche, bénéficient d’un « rabais sur le rabais » : leur participation au financement du « chèque » britannique est écrêtée de 75 %. Ils ne payent donc que 25 % du montant qu’ils devraient théoriquement acquitter. D’autres corrections sont appliquées : ces quatre États bénéficient ainsi de taux d’appel de TVA allégés et une réduction forfaitaire des contributions RNB profite aux Pays-Bas et à la Suède.

Toutes ces corrections, qui représentent autant de « manques à gagner » pour le budget européen, sont financées par la ressource RNB, ressource d’équilibre, et, par conséquent, par l’ensemble des autres États membres, au prorata de leur part relative dans le revenu national brut de l’Union européenne.

La France est aujourd’hui le deuxième pays contributeur au budget communautaire, à hauteur d’environ 17 % du total des ressources, derrière l’Allemagne. La France est également contributeur net, au sens où sa contribution au budget communautaire est supérieure aux dépenses de ce budget réalisées sur son sol. Ce solde net négatif s’élevait à 9, 4 milliards d’euros en 2013 et il ne cesse de se détériorer : il a ainsi été multiplié par près de vingt-quatre depuis 1999.

La décision du 26 mai 2014, dont il nous est ici demandé d’autoriser l’approbation, ne change pas grand-chose, et il n’est pas faux de dire que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 constitue une occasion de réforme ratée : nous aurions pu, ou dû, supprimer tous ces rabais que je viens d’énumérer, comme le demandait la France et comme l’avait du reste proposé la Commission européenne dans son projet du 29 juin 2011.

La nouvelle décision, telle qu’elle nous est proposée, maintient en effet l’essentiel du système en vigueur, voire renforce ses défauts.

Ainsi, le Danemark bénéficiera d’un nouveau rabais forfaitaire sur sa contribution RNB ; la Suède et les Pays-Bas voient leur rabais forfaitaire sur la contribution RNB augmenter ; l’Autriche a obtenu un nouveau rabais temporaire dégressif pour sa ressource RNB… Autre exemple, le « chèque déguisé » en faveur des gros importateurs, en particulier des Pays-Bas, qui concerne les frais de perception au titre des droits de douane, est maintenu, bien qu’un peu réduit. En effet, les frais de perception retenus par les États membres vont passer de 25 % à 20 %, alors que les frais réels de perception sont de l’ordre de 2 % du produit fiscal.

Au total, la France devra donc contribuer davantage au financement des différents rabais en vertu de ce compromis qui résulte du processus de négociation entamé en 2011 et qui a abouti au Conseil européen de février 2013, puis à la décision du Conseil du 26 mai 2014. Sur la période 2014-2020, la contribution de la France au budget de l’Union européenne devrait s’élever à un peu plus de 153 milliards d’euros, soit environ 22 milliards d’euros en moyenne par an.

Je tiens cependant à souligner que l’évolution des contributions des États membres au budget de l’Union européenne entre 2014 et 2020 résulte surtout de la croissance du budget communautaire, la nouvelle décision sur les ressources propres n’affectant, pour l’essentiel, que les modalités de calcul des contributions.

Il n’en reste pas moins que notre situation de contributeur net devrait probablement encore s’accentuer. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous le confirmer et disposez-vous de simulations concernant l’évolution dans les prochaines années de ce solde négatif pour notre pays ?

En 2016, la date d’entrée en vigueur de la nouvelle décision sur les ressources propres devant être le 1er janvier 2014, notre contribution augmentera de manière plus marquée, en raison d’une application rétroactive des corrections et rabais sur les années 2014 et 2015 : un montant de l’ordre de 22 milliards à 23 milliards d’euros est évoqué pour le projet de loi de finances pour 2016. Peut-être pourrez-vous nous préciser ce chiffre, monsieur le secrétaire d’État ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose d’adopter ce projet de loi, en dépit des défauts de la nouvelle DRP. Je rappelle que le mode de fonctionnement de la construction européenne impose d’aboutir à des compromis toujours imparfaits.

Je déplore bien évidemment que nous nous soyons éloignés des traités fondateurs, qui prévoyaient d’abonder le budget européen par le biais de ressources propres, et non par celui de contributions prélevées sur les budgets nationaux des États membres. Le système actuel de financement de l’Union européenne restera, de plus, dénaturé par la multiplicité des rabais et corrections. La France et l’Italie seront, d’ici à 2020, les seuls contributeurs nets à ne pas bénéficier d’un rabais spécifique !

Il faut maintenant poursuivre la réflexion sur la réforme du système des ressources propres à l’horizon de 2020, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État. Tel est l’enjeu de la création, l’année dernière, du groupe à haut niveau, présidé par Mario Monti, dont l’objectif est de procéder à un réexamen du système des ressources propres en vue de le rendre plus simple, plus transparent et plus responsable.

Dans ces conditions, il serait opportun que le Gouvernement indique au Sénat quelle position la France fera valoir et si elle compte prendre des initiatives en la matière. Dans une déclaration récente, le Président de la République a en effet annoncé qu’il souhaitait que le produit de la future taxe sur les transactions financières soit affecté à la lutte contre le changement climatique. Or le Conseil européen de février 2013 indiquait que cette taxe pourrait aussi servir de base à une nouvelle ressource propre pour le budget de l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser la position de la France sur ce point ?

Au-delà des grandes exigences relatives aux ressources propres que vous avez rappelées – rendement, stabilité, commodité technique, assiette fiable, anticipation des effets sur les agents économiques et proximité avec le RNB –, pouvez-vous nous indiquer la nature des financements que la France souhaite privilégier ?

Bien entendu, nous examinerons avec vigilance le rapport que le groupe à haut niveau rendra en 2016 et nous serons très attentifs aux évolutions indispensables du financement de l’Union européenne.

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