Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Ressources propres de l'union européenne — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord rappeler des chiffres éloquents, mentionnés par le rapporteur lors des travaux en commission : en 1999, la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne était de 400 millions d’euros ; elle est aujourd’hui de près de 10 milliards d’euros.

Cet accroissement considérable, en valeur, de notre contribution au budget européen depuis le passage à la monnaie unique s’explique principalement par l’élargissement aux pays de l’ancien bloc de l’Est, dont les économies sont pour la plupart, et c’est compréhensible, en rattrapage, et qui sont donc des bénéficiaires nets.

La France, qui bénéficie aussi des aides européennes au travers de la politique agricole commune et des fonds structurels, est donc, de loin, l’un des plus gros pays contributeurs de l’Union. Cette réalité mérite d’être rappelée pour que nous puissions aborder sans a priori, mais conscients de notre légitimité, le sujet des ressources propres.

Ce système, dit des « ressources propres de l’Union européenne », a ceci de particulier qu’il reste encore aujourd’hui en grande partie un objectif à atteindre plus qu’une réalité. En effet, l’Union européenne tire pas moins de 75 % de ses revenus de la ressource RNB, ce qui se traduit concrètement par une contribution directe de ses États membres. Pour la France, le montant de cette contribution représente 20, 74 milliards d’euros en 2015, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur au budget européen après l’Allemagne. En 2016, ce montant s’élèvera à 22, 8 milliards d’euros, soit une hausse de 10 %, en partie causée par l’application rétroactive de la décision sur les ressources propres dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation.

La ressource RNB elle-même est de plus en plus dénaturée par le rabais britannique – le fameux « chèque » de Mme Thatcher – et les nombreux « rabais sur le rabais » obtenus par d’autres pays, essentiellement d’Europe du Nord et de Scandinavie – Allemagne, Autriche, Pays Bas et Suède –, qui ne sont donc pas toujours aussi vertueux que la France et l’Italie, pays dits latins.

Alors qu’il devait supprimer ces rabais, le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 les a, au contraire, reconduits, et même renforcés. La pratique budgétaire communautaire s’écarte donc de plus en plus de ce que prévoient les traités. Cette évolution devient préoccupante, car elle mine toujours davantage le consentement des États et des peuples à poursuivre la construction européenne.

Pourtant, les pistes ne manquent pas pour remédier à cette situation.

En premier lieu, l’idée de la mise en place d’une taxe sur les transactions financière, dont le produit serait consacré au financement du budget communautaire, a été présentée ici même par le RDSE et un temps défendue par la France, mais sa concrétisation tarde à venir, compte tenu des réticences britanniques. Par ailleurs, le Président de la République souhaite désormais affecter son produit à la lutte contre le changement climatique. Monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il exactement ?

En deuxième lieu, la hausse des droits de douane aux frontières de l’Union est une autre hypothèse à envisager sans tabou. Les droits de douane prélevés par les États membres et versés au budget commun constituent l’une des ressources historiques de l’Union européenne. Il s’agissait même à l’origine de sa ressource principale, avant l’abaissement systématique de ces droits par les politiques de libéralisation menées à partir des années quatre-vingt. Les Européens, qui réalisent la majorité de leur commerce avec d’autres partenaires européens, ne devraient pas craindre d’aborder ce sujet et s’inspirer de ce que font déjà les États-Unis ou la Chine, plus conscients de leurs intérêts et surtout plus soucieux de les préserver. Loin d’entraîner un repli protectionniste, la hausse des droits de douane permettrait de financer des politiques ambitieuses d’investissement dans les secteurs et les technologies d’avenir. Gambetta disait que la politique est l’art du possible : ne nous privons donc d’aucune possibilité !

Une troisième piste, plus réaliste à court terme, passe par la réforme de la ressource TVA, qui représente 13 % du budget total de l’Union. Cette ressource pourrait contribuer beaucoup plus au financement de ce dernier si les États s’attaquaient plus sérieusement à la lutte contre la fraude à la TVA, estimée à 150 milliards d’euros, soit ni plus ni moins que le budget annuel de l’Union. La réforme de la ressource TVA permettrait aussi de relancer le débat sur l’harmonisation fiscale au niveau européen.

Enfin, l’Union doit accentuer ses efforts pour mieux taxer les activités liées aux technologies numériques, comme le e-commerce ou la consommation des biens culturels en ligne, et profiter ainsi des dividendes de la révolution numérique. Pour l’heure, la Commission européenne n’en est encore qu’aux balbutiements dans sa tentative d’instaurer un rapport de force avec les géants américains du numérique.

Vous le voyez, mes chers collègues, la décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne est profondément, intrinsèquement politique. Afin de respecter la volonté des peuples européens, toutes les évolutions futures devront associer étroitement les parlements nationaux.

Considérant que les parlementaires français doivent laisser la porte ouverte à la possibilité de réformes futures, l’ensemble des membres du RDSE, groupe historiquement et très majoritairement pro-européen, voteront en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

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