Intervention de André Gattolin

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Ressources propres de l'union européenne — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en prélude au marathon budgétaire qui nous attend à partir de novembre, nous voilà aujourd’hui réunis pour discuter du financement de l’Union européenne.

Pour un Européen convaincu comme moi, débattre d’un tel sujet constitue a priori une véritable aubaine. La question des ressources propres est en effet tout simplement primordiale, car c’est du budget de l’Union et de ses ressources, ainsi que de son contrôle démocratique, que dépend aujourd’hui en grande partie la relance économique et politique de l’Europe.

La décision du Conseil du 26 mai 2014 dont nous débattons est le fruit de longues négociations, qui ont débuté en 2011. À l’origine, les propositions de la Commission étaient fort audacieuses. Hélas, nous constatons aujourd’hui que les résultats sont bien maigres, pour ne pas dire franchement décevants !

Vous le savez, mes chers collègues, je tente le plus souvent de faire preuve de pondération dans mes propos, mais je ne vois pas comment je pourrais ne pas parler de supercherie à propos du mécanisme actuel de financement de l’Union européenne !

Nous sommes en effet devant une décision qui perpétue – François Marc l’a très bien rappelé tout à l’heure – un système contraire à la volonté des pères fondateurs de l’Europe et n’ayant de « ressources propres » que le nom.

La part des ressources propres dites « traditionnelles » dans le budget de l’Union, à savoir les droits de douane, les prélèvements agricoles et les cotisations sur le sucre, n’a cessé de diminuer au fil des ans, pour se stabiliser à un niveau marginal.

En outre, ces dernières années, l’Union a multiplié les accords commerciaux et bilatéraux. Cette libéralisation des échanges a alors eu pour conséquence un abaissement drastique des droits de douane à l’entrée de l’Union sans qu’on ne leur substitue de véritables nouvelles ressources directes.

À titre d’illustration, dans le cadre des négociations sur l’accord économique et commercial global, le CETA, hier, et du traité transatlantique de commerce et d’investissement, le TTIP, aujourd’hui, j’ai à maintes reprises demandé, notamment aux commissaires européens, des études d’impact, pays par pays, sur les retombées économiques de ces accords, mais également des analyses précises de l’incidence de l’abaissement des droits de douane qui en découlerait sur le financement du budget de l’Union européenne.

Aujourd’hui, il semblerait que nous ne disposerons pas de telles études avant 2016, avant l’aboutissement espéré des négociations sur le TTIP. Quelle en sera alors l’utilité ?

Quant à la ressource TVA, elle a continûment diminué depuis vingt ans : elle représentait 13 % des ressources propres en 2013, contre 57 % en 1984.

Or, loin de marquer un changement, la présente décision renforce des mécanismes qui contribuent au déséquilibre et à l’opacité d’un système de financement déjà largement inéquitable. Je pense ici aux pratiques bien regrettables des corrections concédées à certains États membres pour le calcul de leur contribution. Elles complexifient le système et font peser sur les autres États une charge financière supplémentaire.

Évidemment, je ne vous apprends rien en vous disant cela. Les problèmes sont depuis longtemps identifiés et connus de tous. Notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond, à qui je rends hommage, en faisait déjà état dans son excellent rapport de février 2012 sur les ressources propres de l’Union.

Cet épineux dossier est en débat depuis les années quatre-vingt-dix, mais rien n’a vraiment changé depuis. Le sujet a toujours été traité avec frilosité, pour les raisons que nous connaissons bien. Pour aboutir, toute réforme fiscale requiert d’être adoptée à l’unanimité, ce qui suppose que chacun dépasse ses intérêts nationaux.

À cela s’ajoute une procédure budgétaire déséquilibrée, le Parlement national et le Parlement européen ne pouvant qu’avaliser ou rejeter le texte qu’il leur est demandé d’examiner, sans avoir de réel pouvoir budgétaire.

En dépit de tout, et dans ce contexte, je mettrai cependant en exergue une petite note positive.

En février 2014, à la suite de longues négociations et en raison de la pression de nos collègues du Parlement européen, un groupe d’experts présidé par Mario Monti a été créé. Il a pour mission de réexaminer le système de financement de l’Union.

Dans leur évaluation préliminaire de février dernier, les experts de ce groupe, loin d’être tendres, ont pointé du doigt la dépendance actuelle du budget de l’Union européenne aux intérêts de ses États membres, sur laquelle ils se sont montrés très critiques.

Je regrette cependant que ce groupe, plutôt que de prôner une réforme globale se borne d’ores et déjà à des propositions d’adaptation, même si je sais que l’unanimité oblige fatalement à restreindre toute volonté réformatrice et à se satisfaire d’un compromis.

J’espère néanmoins que ces travaux se poursuivront sans tabou, car plusieurs équilibres doivent être rétablis. De simples aménagements ne suffiront pas !

Tout d’abord, il faut, sans délai, doter l’Union européenne d’un budget important, qui soit de nature à créer des effets d’investissement et de redistribution en son sein.

Il faut également que ce budget repose majoritairement sur des ressources réellement propres.

Les réponses se trouvent certainement dans l’instauration d’une taxe – ambitieuse ! – sur les transactions financières – mais nous en sommes loin ! –, une convergence fiscale de l’impôt sur les sociétés ou encore une taxe carbone.

En effet, sans budget, on ne fait guère de politique et, sans procédure budgétaire fondée sur des ressources propres, on ne fait pas de vrai budget !

Pour élargir la problématique, je rappelle qu’une réflexion sur un budget propre à la zone euro a été entamée voilà deux ans. Il serait peut-être temps de mettre tout cela en corrélation : avec un tel budget, il faudra éviter les avanies et les avatars du budget global. Surtout, il ne faudrait pas que cela, si tant est que l’on y parvienne, nous interdise toute réforme du budget global de l’Union européenne.

Pour conclure, en l’état actuel, le groupe écologiste a choisi de s’abstenir sur ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion