Intervention de Richard Yung

Réunion du 28 septembre 2015 à 14h30
Ressources propres de l'union européenne — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Richard YungRichard Yung :

Dans son excellent rapport, François Marc a fait le tour de la question. Je partage l’ensemble de ses observations, qui sont souvent assez critiques et montrent qu’il faut davantage aller de l’avant.

Permettez-moi de faire quelques remarques.

Comme cela a été dit, le budget de l’Union européenne reste très faible. Il s’élève structurellement, si je puis dire, à un peu plus de 1 % du revenu national brut des États membres, ce qui équivaut à 150 ou 160 milliards d’euros, quand le produit intérieur brut est de 15 000 milliards d’euros. Dans un État fédéral qui se respecte, si j’ose dire, le budget fédéral est de l’ordre de 18 % à 20 % du revenu national brut. Je ne dis pas qu’il faut se fixer cet objectif – la structure de l’Union européenne n’est pas fédérale –, mais il y a une marge.

Ce budget est en croissance très faible – et encore, la décision a été prise contre le Royaume-Uni. Or, au risque de heurter un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, permettez-moi de souligner que ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux.

En effet, il s’agit d’un budget rigidifié : 40 % des ressources sont attribuées à l’agriculture et un peu plus de 35 % à la cohésion régionale. Au total, c’est 75 % du budget qui est, en quelque sorte, structurellement figé ! Dès lors, nous n’avons pas les moyens d’allouer des budgets européens aux secteurs qui en auraient le plus besoin, tels que le numérique, les grandes infrastructures ou encore la téléphonie pour favoriser la croissance et l’emploi. Le fond du problème est là, et nous y avons notre part.

Ceux d’entre vous qui sont élus de grands départements ruraux ont, je le comprends, une approche différente de la mienne, mais il faut quand même regarder les choses comme elles sont. C’est la vérité !

En fait, le budget de l’Union européenne n’est pas efficace. Bien que 40 % du budget soit consacré à l’agriculture, nous allons de crise agricole en crise agricole. J’ignore ce qu’il faut faire pour soutenir le prix du porc, mais, visiblement, nous n’avons pas pris les bonnes décisions.

Quoi qu’il en soit, la faute n’incombe pas à la Commission européenne : une majorité – une forte majorité ! – des États membres ne veut pas un budget significatif. C’est ce que révèle l’analyse politique. Limiter le budget à 1, 24 % du revenu national brut est un message très clair.

Dans cette décision, différents éléments entrent en ligne de compte : la crainte de perdre de la souveraineté, la question des relations entre budget national et budget européen – ce n’est pas un problème simple –, ainsi que, sur le fond, des visions divergentes de ce que devrait être l’Union européenne à l’avenir. Vous le savez, nombre d’États membres envisagent plutôt une zone de libre-échange, un marché unique, avec un retour sur investissement.

Alors, pourquoi faire un budget européen ? À quoi pourrait-il servir ?

Ce budget pourrait être un outil de pilotage de la conjoncture économique, en vue de résorber les déséquilibres entre les États.

En effet, l’un des problèmes de l’union économique, mais, surtout, de la zone euro, tient au fait que la même politique monétaire s’applique dans les différents États, en dépit de situations économiques et financières divergentes. Dès lors, il faut essayer de compenser ces différences par d’autres outils. Or l’outil que constituait la politique budgétaire au niveau national a disparu. Essayons donc de nous en doter au niveau européen ou au niveau de la zone euro ! Vous le savez, le marché unique ne fonctionne pas pour ce qui concerne les capitaux.

Les pays excédentaires en épargne, comme l’Allemagne, n’envoient pas cette épargne vers les pays du Sud, qui ont besoin d’investissement. Tout est bloqué, pour diverses raisons : les législations sont différentes, les autorités nationales s’y opposent… Par exemple, la BaFin, l’autorité allemande de régulation financière, s’oppose au transfert entre une société mère allemande et ses filiales si celles-ci sont implantées dans un autre pays de l’Union. On ne peut donc pas financer les investissements là où ce serait nécessaire.

Quant aux flux privés, ils suivent en quelque sorte ce mouvement. À titre d’exemple, ils représentent, aux États-Unis, 75 % des échanges entre les États confédérés. Il nous faut donc mettre en place une Europe de transfert, ce qui ne saurait se faire sans une impulsion publique. Le cadre qui vient spontanément à l’esprit est celui de la zone euro, voire un ensemble plus restreint de pays décidés à aller de l’avant.

Comment financer un tel budget de la zone euro ?

Utilisons en priorité ce qui existe déjà, à savoir le mécanisme européen de stabilité, le MES. Créé voilà quelques années, ce mécanisme propre à la zone euro permet aujourd’hui de lever jusqu’à 700 milliards d’euros pour sauver les différentes institutions et banques privées. Il s’agit aussi d’un outil de solidarité entre les États. Or c’est précisément de solidarité dont nous avons besoin.

Le MES ne devrait pas seulement constituer un instrument d’aide au budget, il serait aussi un outil d’action en matière de politique économique et industrielle. Il pourrait utilement compléter les ressources du plan Juncker, dont l’enveloppe de 300 milliards d’euros n’est pas considérable au regard des besoins de l’Union européenne. Une action coordonnée de ces deux outils permettrait de mieux répondre aux différents besoins de financement.

J’en suis bien conscient, tout cela n’ira pas sans poser de nombreux problèmes. Il faudrait tout d’abord trouver la bonne articulation entre le budget de la zone euro et les budgets nationaux : l’éducation et la défense, par exemple, doivent rester dans la sphère nationale.

Par ailleurs, il faudra dépasser le seuil des 700 milliards d’euros. Si cette somme peut sembler importante, elle reste insuffisante pour financer l’ensemble des besoins soit de l’Union européenne soit de la zone euro. Si les États membres donnent leur garantie, nous devrions pouvoir lever davantage de fonds.

La question de la gouvernance de ce budget européen se pose aussi. Qui va gouverner le budget européen ? Différentes propositions, que je ne reprendrai pas, circulent déjà. Vous avez certainement entendu, mes chers collègues, des personnes bien plus qualifiées que moi évoquer la création, par exemple, d’un poste de commissaire européen chargé du budget de la zone euro.

Au-delà de la gouvernance, quels contrôles démocratiques mettre en place ? Faut-il créer, au sein du Parlement européen, une chambre spécialisée dans la surveillance et le contrôle du budget de la zone euro ? Faut-il créer une instance mixte, mêlant les représentants du Parlement européen et des parlements nationaux ? Notre légitimité, en effet, repose sur le vote du budget. Si nous ne le votons plus, autant aller à la pêche…si l’on est en Bretagne !

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