Je tiens tout d’abord à remercier les orateurs de leur contribution à ce débat.
François Marc m’a interrogé sur la contribution de la France et son éventuelle augmentation. Une telle décision est en effet probable, même si le chiffre exact ne sera communiqué que dans les prochains jours. Elle s’explique par un double effet.
Tout d’abord, les dépenses budgétaires de l’Union européenne ont augmenté à la suite de l’élargissement : la PAC concerne davantage de pays – nous-mêmes avons été attentifs à ce qu’elle ne diminue pas, que ce soit pour la France ou les autres pays – ; la politique de cohésion profite à davantage de « pays de l’élargissement », si je puis dire, bien qu’elle continue à jouer son rôle dans notre propre pays, et les politiques de compétitivité prennent de l’ampleur. Il s’agit, j’y ai fait référence précédemment, des politiques en faveur de la recherche, de l’innovation et des infrastructures, qui concernent majoritairement les pays de l’élargissement, mais aussi nos propres territoires.
Ensuite, la part de notre propre RNB a augmenté par rapport au RNB total de l’Union européenne. En effet, pendant la crise, le RNB d’un certain nombre de pays a littéralement plongé ; je pense aux pays de l’Europe du Sud, comme l’Espagne, mais aussi à l’Allemagne, pendant un certain temps, et à la Grande-Bretagne. Même si ces pays ont retrouvé le chemin de la croissance, la part de la France a légèrement augmenté durant cette période, les calculs se fondant sur l’année précédente. Le poids de notre pays a donc été plus important dans l’économie européenne. Bien sûr, nous souhaitons que la croissance soit plus forte. Et il le faut, pour des raisons évidentes, en particulier pour stimuler l’emploi et le dynamisme économique de notre pays. La France est la deuxième économie de l’Union européenne et donc, vous avez eu raison de la souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, le deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne.
C’est vrai, le système des rabais bénéficie aux autres pays. Nous nous retrouvons ainsi, avec l’Italie, notamment, à être les seuls contributeurs nets ne profitant d’aucun rabais. Comme l’ont souligné tous les orateurs, notamment Fabienne Keller, Jean Bizet, André Gattolin et Jean-Claude Requier, ce système n’est pas satisfaisant. Il s’est stratifié, créant de l’opacité, et il est contraire à l’esprit communautaire.
Les recettes des droits de douane constituaient auparavant une véritable ressource propre, au sens exact du terme, ainsi que l’ont rappelé Richard Yung et Fabienne Keller. Mais elles ont diminué, ce qui est en soi une bonne chose puisque cela favorise le commerce, l’ouverture de l’économie européenne sur l’extérieur et offre aux consommateurs des prix plus compétitifs. Aujourd’hui, les ressources propres proviennent en fait de réaffectations de TVA et de parts de RNB, et les négociations successives concernant les rabais ont contribué, je le répète, à rendre le système opaque, inéquitable et peu efficace. Mais il permet tout de même à l’Union européenne d’avoir un budget, monsieur Gattolin ! Nous en avons besoin pour financer la politique agricole, les fonds structurels, les politiques de recherche et d’innovation.
Cela a été dit, il existe un décalage entre les dépenses et les recettes, puisque le cadre financier européen court depuis le début de l’année 2014. Nous avons d’abord trouvé un accord concernant les dépenses. Il a ensuite fallu ajuster le mécanisme des recettes. Il convenait de modifier le régime juridique concernant les recettes, qui date du cadre financier 2007-2013. Sinon, on se serait trouvé dans une sorte de vide juridique, puisque nous sommes dans un nouveau cadre financier, celui de 2014-2020.
Si nous agissons ainsi, c’est parce que nous voulons que l’Union européenne fonctionne. Nous voulons la réformer ; nous voulons que le rapport de Mario Monti permette de mettre en évidence la nécessité de supprimer les rabais, une position que nous avons défendue, et de créer de nouvelles ressources propres. En attendant, il ne saurait être question de suspendre le fonctionnement de l’Union européenne, en ne versant plus aux régions, aux agriculteurs ni aux universités ce qu’ils perçoivent au titre du budget de l’Union européenne !
Faire preuve de responsabilité – je remercie à cet égard les orateurs de l’immense majorité des groupes qui sont intervenus en ce sens –, c’est adopter ce projet de loi, même si nous discutons fermement avec les autres États membres d’une réforme du système des ressources propres.
Notre contribution devrait être conforme à l’ordre de grandeur que vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, soit environ 22 milliards d’euros, mais le chiffre précis n’est pas tout à fait fixé. Vous le savez, cette contribution est parfois révisée en cours d’année. C’est ainsi que la Grande-Bretagne a eu la mauvaise surprise, l’an dernier, de découvrir au cours d’un Conseil européen qu’elle devait 1 milliard d’euros supplémentaires au budget de l’Union européenne, malgré le « chèque britannique ». C’était dû au fait que la croissance était repartie en Grande-Bretagne !
Notre contribution sera bien évidemment soumise au Parlement au moment où sera voté le prélèvement sur recettes. Ensuite, certains ajustements pourraient avoir lieu en cours d’année.
La plupart des interventions ont porté sur les ressources propres.
D’abord, cela a été rappelé, le Président de la République a souhaité que la part principale de la taxe sur les transactions financières soit affectée à la lutte contre le changement climatique, alors même que nous allons accueillir la vingt et unième conférence des Nations unies sur les changements climatiques.
La question posée est celle du financement de l’adaptation aux changements climatiques des pays en développement. Ces derniers sont d’accord pour émettre à l’avenir moins de CO2, tout en rappelant qu’ils ne sont pas responsables des émissions des gaz à effet de serre qui se sont produites durant l’ère industrielle. On leur demande de ne pas utiliser de charbon, de ne pas polluer. Laurent Fabius et Ségolène Royal l’ont souvent rappelé, 400 à 500 millions de personnes vivent dans la pauvreté en Inde. Ce pays a donc besoin de développement économique, de croissance, d’énergie et d’industries.
Tel est bien évidemment aussi le cas de nombreux autres pays, notamment du continent africain, qui ont besoin d’énergie. Ceux-ci sont prêts à lutter contre le réchauffement climatique, mais ils s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
La réponse de la communauté internationale est la suivante : ne faites surtout pas comme nous, ne commencez pas à utiliser les énergies fossiles, car, si vous vous mettez à produire autant de pollution par habitant que ce que nous avons fait pendant la première moitié du XXe siècle, voire la seconde d’ailleurs, c’est la planète tout entière qui sera en danger. Nous leur demandons donc d’utiliser – et nous allons les y aider – les nouvelles façons de produire et de consommer de l’énergie. Mais, bien évidemment, le développement de l’énergie solaire et des énergies renouvelables en général, ainsi que l’efficacité énergétique, suppose des transferts de technologie et des financements. Dans ce cadre, il est donc absolument décisif de trouver de nouvelles ressources.
Dans le même temps, le Conseil européen avait indiqué qu’une part de la taxe sur les transactions financières pourrait servir au financement du budget de l’Union européenne. Pour le moment, la taxe a été élaborée sur la base d’une coopération renforcée à onze États membres. À nos yeux, il s’agit d’une étape. Notre objectif est d’avoir, à terme, une taxe qui concernerait au minimum l’ensemble des pays de la zone euro et pourrait même constituer une nouvelle ressource propre du budget de l’Union européenne à vingt-huit. Cette taxe pourrait donc en partie contribuer au financement du budget communautaire.
Au demeurant, il existe d’autres ressources propres. Ainsi, la TVA participe aujourd'hui relativement peu, bien que ce ne soit pas négligeable, au budget de l’Union européenne. La Commission européenne elle-même avait proposé une contribution non pas de 0, 30 %, comme c’est le cas aujourd'hui – sans compter les rabais dont bénéficient certains pays, qui la fixent à 0, 15 % –, mais de 1 %, calculée sur la réalité de la recette TVA, ce qui élargirait l’assiette actuelle de la TVA. La part de cette taxe dans le financement du budget de l’Union européenne pourrait ainsi être beaucoup plus importante
À cela pourrait s’ajouter une part des ressources provenant de la fiscalité écologique, ainsi que je l’ai évoqué. Je pense en effet qu’il convient de mettre en place un bouquet, un mix, de recettes. Nous avons créé un marché du carbone à l’échelle européenne. Nos différentes ressources budgétaires mises en place pour lutter contre les pollutions pourraient tout à fait contribuer au budget de l’Union européenne. C’est dans cette direction que nous voulons avancer.
À cet égard, nous encourageons le président du groupe de haut niveau sur les ressources propres, Mario Monti, et la Commission européenne à continuer à formuler des propositions en ce sens.
Bien sûr, le budget de l’Union européenne – je sors là du débat portant sur les mécanismes permettant de l’alimenter – devrait être à l’avenir beaucoup plus important. D’ailleurs, le Sénat l’a souvent souligné quand l’Union européenne a été confrontée à des besoins de financement.
Toutefois, ce budget peut-il être comparé à un budget fédéral, comme celui des États-Unis ? Il s’agit là d’un autre ordre de grandeur. Alors que le budget européen représente environ 1 % du revenu national brut, il atteindrait alors 20 ou 25 %. Mais n’oublions pas que les budgets des fédérations incluent les budgets de la défense, ainsi qu’une grande partie des dépenses liées à l’éducation et à la protection sociale, ce qui est loin d’être le cas du budget européen.
Quoi qu’il en soit, pour financer les politiques communes, pour mieux répondre aux enjeux en matière d’innovation et de recherche, pour mieux financer notre action extérieure, il nous faudra augmenter le budget européen. À cet égard, je pense à la crise des migrants. Il va être nécessaire d’intervenir davantage en faveur des pays de transit, ceux qui accueillent le plus de réfugiés fuyant la guerre syrienne, tels la Jordanie, la Turquie, le Liban, ou encore des pays d’Afrique, le Niger, débordé mais prêt à coopérer, car ils constituent désormais une véritable voie de passage. C’est d’ailleurs ce que nous faisons !
Éric Bocquet a affirmé que l’Union européenne ne se donnait pas les moyens de répondre à une crise comme celle des migrants. Pourtant, vous le savez, le Conseil européen extraordinaire qui s’est tenu la semaine dernière a décidé de demander à la Commission d’affecter 1, 7 milliard d’euros pour répondre précisément à cette crise dans le cadre de la coopération avec les pays d’origine et de transit. Ce n’est pas négligeable !
Toutefois, vous avez raison de le relever, plus on regarde l’ampleur des crises et l’instabilité grandissante, plus la coopération avec la rive sud de la Méditerranée s’avère nécessaire et plus il est essentiel de disposer de moyens plus importants. Un euro dépensé pour la stabilisation et le développement de la Jordanie, du Niger ou, demain, après un accord de paix, de la Libye sera sans doute beaucoup plus efficace que dix euros dépensés dans des centres d’enregistrement, des hotspots, en Grèce ou en Sicile, même s’il faut aussi mettre en place des procédures de contrôle aux frontières. L’action la plus efficace est celle qui nous permettra d’ancrer, dans les pays d’origine et de transit, des éléments de coopération, de développement économique et de stabilité démocratique.
Évidemment, les anti-européens, ceux qui affirment que l’Europe n’est pas assez efficace, sont aussi ceux qui ne veulent pas donner de moyens à l’Europe. Or, à l’inverse, nous avons besoin d’un budget européen plus important encore, afin de développer les politiques communes.
Je remercie tous les orateurs de leurs analyses et de leurs contributions, et plus particulièrement ceux qui ont décidé d’apporter leur soutien à ce projet de loi : c’est essentiel pour permettre aujourd'hui à l’Europe de fonctionner et mettre en œuvre le cadre financier pluriannuel 2014-2020. Toutefois, nous profitons de cette occasion pour affirmer dans le même temps qu’il conviendra d’adopter un système plus transparent, plus équitable, sans rabais, reposant sur des ressources propres plus importantes.