Cette disposition a été introduite dans le cadre de la loi relative à la consommation de 2014, texte à propos duquel notre commission avait d’ailleurs regretté qu’il contienne des mesures ayant davantage leur place dans une loi de santé. Son objet était de permettre aux assurés d’acheter des lunettes en dehors du réseau des opticiens, notamment sur internet, où elles sont souvent moins chères.
Alors qu’il nous est proposé de revenir sur une telle mesure, le législateur se trouve en quelque sorte face à une aporie. Deux instances indépendantes, dont la qualité des travaux est bien connue, ont en effet émis des recommandations radicalement opposées sur cette question.
La Cour des comptes, tout d’abord, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2013, notait que « certaines modalités de vente [des équipements optiques] moins coûteuses pour les assurés ne sont guère diffusées en France. L’absence de mention obligatoire sur les ordonnances des ophtalmologues de l’écart pupillaire constitue à cet égard une difficulté souvent évoquée.
« C’est particulièrement le cas pour la vente de lunettes sur internet, qui est plus élevée dans plusieurs pays comparables, sans problème majeur, et en a fait chuter le prix. »
À l’opposé de cette position, la recommandation n° 22 du très récent rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, sur la restructuration de la filière visuelle défend l’abrogation de l’obligation de mentionner l’écart interpupillaire sur l’ordonnance.
Cette recommandation est justifiée de la façon suivante : « Les ophtalmologistes se sont [...] émus de l’obligation qui leur est faite d’indiquer sur l’ordonnance la mesure de l’écart interpupillaire, à la demande des opticiens en ligne. Ils font remarquer à juste titre que cette mesure est chronophage, qu’elle est réalisée systématiquement par l’opticien-lunetier, qu’elle est inadéquate et qu’elle sert en fait, tout comme le ferait une règle graduée placée sur le front, à l’étalonnage des clichés pris en ligne. »
Dans cette situation, l’amendement n° 1188 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, tend à proposer une solution de compromis : il s’agirait de ne plus prévoir la mention de l’écart interpupillaire de manière obligatoire, mais seulement en tant que de besoin.
Il me semble que nous pouvons accepter ce compromis. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, auquel nous préférons la solution présentée dans l’amendement n° 1188 rectifié bis.