Intervention de Nicolas Revel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 juin 2015 à 9h06
Fonds cmu — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) :

La CNAMTS consacre aujourd'hui environ 1 350 équivalents temps pleins (ETP) à la gestion de la CMU-C et de l'ACS. Ceci démontre l'importance que nous attachons à ce sujet, à la fois dans une logique de contrôle et de vérification des droits, mais aussi dans un objectif d'accès aux droits grâce à une politique efficace.

La procédure d'instruction des dossiers repose essentiellement sur des documents en version papier. Elle nécessite de produire beaucoup de pièces justificatives, ceux qui n'entrent pas dans la CMU-C par le RSA devant justifier de leurs ressources sur les douze derniers mois glissants. Il est possible à n'importe quel moment de l'année de demander la CMU-C. Au moment où l'on dépose une demande, il faut pouvoir justifier de la composition du foyer et de la totalité des ressources prises en compte au titre des douze mois précédents. Ce travail est donc assez lourd. Le plus souvent, un assuré a en moyenne trois contacts avec la CPAM pour aller au bout de l'instruction de son dossier et de la production des pièces permettant de boucler cette demande, dans un délai moyen inférieur à un mois et qui se situe aux alentours de vingt-huit jours.

La CNAMTS a conçu un système informatique venant en appui de nos techniciens pour essayer d'automatiser davantage l'enregistrement des dossiers et les calculs de la base des ressources. Ce projet s'intitule « Indigo » et connaîtra une mise en oeuvre en deux paliers, le premier fin 2016, et le second fin 2017.

Ces deux paliers permettront de disposer à la fois d'un outil d'intégration et de calcul des ressources, d'acquérir directement des éléments de ressources réglées par l'assurance maladie (au titre de l'invalidité, des indemnités journalières ou des rentes) et également, fin 2016, de réduire le volume des pièces justificatives demandées aux assurés, notamment concernant la production de photocopies des pièces d'identité. Il s'agit d'éviter toutes redondances dans la production de pièces justificatives. Le second palier, fin 2017, permettra à l'assuré de saisir une demande en ligne de CMU-C et d'y intégrer ses pièces justificatives.

C'est un chantier qui n'a pas pu aboutir aussi vite qu'il aurait fallu, mais la CNAMTS a par ailleurs un portefeuille de projets informatiques considérables ; ses moyens pour les conduire sont par définition limités. Des arbitrages sont parfois rendus et le projet « Indigo » fait aujourd'hui partie de nos priorités, dans le cadre du nouveau schéma directeur des systèmes d'information 2014-2017.

L'accès aux droits constitue une politique sur laquelle l'assurance maladie s'engage fortement depuis deux ans, qui a conduit à mobiliser l'ensemble des CPAM. Dans un premier temps, les démarches ont été laissées à l'initiative des caisses, parce que nous considérons que celles-ci peuvent avoir des idées et mener des actions locales pertinentes pour aller chercher les assurés. Mais nous avons constaté qu'il était difficile d'augmenter le taux d'accès.

Le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a raison de souligner que l'hypothèse de 100 % de taux de recours est très conventionnelle. À titre d'illustration, nous écrivons chaque année à environ 335 000 personnes dont nous considérons qu'elles sont potentiellement éligibles à la CMU-C. Il s'ensuit un pourcentage de dépôt de demandes inférieur à 5 %.

Il faut donc essayer de diversifier les méthodes pour faire en sorte que ceux qui détiennent un droit puissent l'exercer. Il y a, en matière de CMU-C, un enjeu considérable si l'on calcule ce que représente le renoncement aux soins. Celui-ci reste en effet important, même lorsqu'on bénéficie de la CMU-C.

Des études de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) démontrent que 20 % à 30 % des bénéficiaires de la CMU-C peuvent renoncer à certains types de soins. Pour ceux qui n'ont pas d'assurance complémentaire santé, cette proportion est supérieure de vingt-deux points. Au terme de la remontée des initiatives des caisses primaires, nous allons déployer, à compter d'octobre prochain, un plan local d'accompagnement du non-recours, des incompréhensions et des ruptures (PLANIR).

Notre seconde priorité est de faire en sorte que tous ceux qui ont droit à la CMU-C puissent y accéder, et que tous ceux qui y accèdent respectent bien les conditions pour en bénéficier. Nous nous livrons pour cela à une vérification approfondie des conditions de ressources des bénéficiaires.

Nous nous appuyons sur des contrôles de premier niveau qui permettent d'identifier un pourcentage récurrent de 4 % à 5 % de dossiers sur lesquels il peut y avoir un doute au moment de l'instruction. Il s'agit là d'un premier filtre. Nous nous appuyons également depuis peu sur une disposition votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui permet aux organismes sociaux de pouvoir exercer leur droit de communication bancaire. Ceci nous permet de vérifier, sur la base des comptes que les banques nous transmettent, que les ressources déclarées sont cohérentes avec les ressources figurant sur ces comptes bancaires. Il y a en effet souvent plusieurs comptes pour un même assuré.

Nous avons pour la première fois, au début de l'année 2014, demandé, de manière expérimentale, à quatre organismes d'exercer ce droit sur un nombre total de mille dossiers. Ces mille dossiers ont fait apparaître un pourcentage élevé d'anomalies, sans toutefois pouvoir être considéré comme représentatif, compte tenu de l'étroitesse de l'échantillon. Le pourcentage de dossiers dépassant le plafond de ressources de la CMU-C, comme l'a dit Antoine Durrleman, s'élève à un peu plus de 24 %. Quant à la part des dossiers dépassant le plafond de ressources de l'ACS, elle s'élève à 13 %. Les niveaux de dépassement de l'ACS sont variables, les plus importants étant heureusement rares, et caractérisant un comportement frauduleux.

Beaucoup d'éléments interviennent dans les causes de sous-déclaration de ressources. Certaines activités sont parfois non déclarées, mais il existe également des soutiens financiers familiaux. Beaucoup de bénéficiaires de la CMU-C reçoivent en effet de la part de proches des aides ponctuelles pour vivre. Or, la réglementation prévoit que ces revenus doivent être déclarés et intégrés dans le calcul du plafond de ressources. Il faut donc aussi les prendre en compte.

Nous considérons néanmoins que cet échantillon de contrôles ne saurait représenter une réalité nationale. Notre responsabilité étant d'étendre ce contrôle à l'ensemble des caisses primaires de tous les départements, nous allons progressivement contrôler 10 % des demandes d'accès à la CMU-C, grâce au droit de communication bancaire, qu'il s'agisse de primo demandes ou de renouvellements.

C'est un volume très important. D'ici la fin de l'année, nous aurons contrôlé environ 40 000 dossiers. Le rythme annuel sera ensuite bien supérieur, de l'ordre de 400 000 contrôles chaque année. Je suggère d'attendre les résultats de ces contrôles à grande échelle pour quantifier le phénomène. Il faudra ensuite les analyser plus finement afin de distinguer l'anomalie de la fraude. À ce stade, certains éléments justifient le plan national de contrôle que nous sommes en train d'engager, mais ils ne permettent pas d'en tirer de conclusions quantitatives.

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