Vous m'avez interrogée sur la question de savoir ce que pouvait penser la Mutualité française de cet appel à la concurrence relatif à l'ACS. Aujourd'hui, on constate une réelle avancée, du moins en apparence. Les garanties sont améliorées. Les prix tendent à diminuer, en tout cas à garantie comparable. Nous espérons que ces avancées bénéficieront aux allocataires de l'ACS.
Il me semble important d'analyser les raisons de ce progrès. Sans doute a-t-on donné aux organismes, notamment aux mutuelles, les moyens de créer une offre efficiente. Je pense aux mécanismes de la coassurance, qui permettent de diminuer le coût du risque et de proposer des offres solides, à des tarifs plus intéressants que ceux des offres individualisées.
Il faut aussi reconnaître qu'un effort important - que l'on ne peut pas réaliser pour toutes les populations - a été opéré en matière de frais de gestion des organismes complémentaires.
Ces avancées présentent cependant des limites. En premier lieu, il ne faudrait pas commettre l'erreur de ne pas laisser « vivre » les offres correctement. Il convient donc de vérifier que les opérateurs ne vendent pas à perte. Il ne faut pas non plus que le prix soit le seul critère du choix des bénéficiaires. Des comparateurs d'offres qui ne seraient basés que sur les prix déséquilibreraient totalement les organismes complémentaires. Créer une garantie, c'est en effet créer un équilibre entre les différentes populations et classes d'âge qui en bénéficient.
Le second type de limites porte sur un problème de fond. Pardon pour cette évidence, mais on répond, avec l'ACS, uniquement aux problèmes de ceux qui en bénéficient ! De même, avec la CMU-C. Malheureusement, la liste pourrait être longue : avec des contrats d'entreprise, on répond aux besoins des personnes qui disposent de contrats d'entreprise. Cette politique n'intervient pas sur les facteurs qui ont présidé à la création de ces différents dispositifs.
La Cour des comptes indique que l'origine de ces dispositifs est le recul de la prise en charge de l'assurance maladie. Il s'agit aussi de l'une des conséquences du renchérissement des soins. Tant que l'on n'aura pas réglé ce problème, souvent illustré par la multiplication des dépassements d'horaires, on assistera à une déconnexion entre le remboursement et les prix.
Les complémentaires santé permettront bien sûr de diminuer l'écart entre le remboursement et les prix, mais sans jamais combler le reste à charge, lié aux tarifs, qui demeurent libres. Plus les complémentaires rembourseront, plus les prix seront importants.
Si on ne s'attaque pas à l'ensemble du problème, on favorisera la création d'un troisième volet de la CMU-C, et d'un second volet de l'ACS. Lorsqu'a été créée la CMU, en 1999, elle concernait 5 % de la population ; les détracteurs du système assuraient à l'époque que l'on atteindrait 10 % de la population en quelques années. Nous y sommes aujourd'hui si l'on inclut l'ACS.
L'ACS illustre bien ce problème non résolu de l'accès aux soins : la CMU-C a été créée et il y a eu besoin, dix ans plus tard environ, de créer l'ACS. Comment ne pas imaginer que, dans cinq ans, dans dix ans, il ne faudra pas à nouveau augmenter le niveau de garantie ? Le chemin vers une troisième version de la CMU n'est sans doute pas ce que nous souhaitons. Il serait difficile à soutenir financièrement !