S'agissant de la base des ressources et des questions de simplification, l'alternative est assez simple. Les bases de ressources fiscales ont le mérite de la simplicité, mais la difficulté vient de leur caractère daté, n-1, voire n-2 selon la période dans laquelle on se trouve. Avec la CMU-C et le RSA « socle », historiquement, le choix a été fait de « coller » le plus possible à la situation financière de l'assuré au moment où il fait sa déclaration pour pouvoir ouvrir un droit correspondant.
Nous avons travaillé avec l'assurance maladie pour voir si nous pouvions simplifier le dispositif. C'est une vraie question politique : assumerions-nous de ne plus tenir compte de la situation effective de la personne en un instant « t », comme pour les aides au logement, et de supprimer la déclaration de ressources des douze derniers mois ? Ceci génère en effet un nombre important de justificatifs. Nous n'avons pas franchi le cap mais nous poursuivons cette réflexion avec l'assurance maladie. Le problème est réel, car complexe pour les assurés.
S'agissant des prévisions financières, nous ne retenons pas d'hypothèse de taux de recours stable, mais une augmentation du taux de recours, et intégrons l'effet de ces mesures, auxquelles nous croyons. Cela étant, nous pensons que ces effets seront progressifs.
Par ailleurs, il est important de distinguer la CMU-C et l'ACS en matière de non-recours. Les ressorts sont très différents : quoi que nous fassions, bien que nous ayons mis énormément d'énergie dans ce dispositif d'appel à la concurrence, sur lequel nous fondons beaucoup d'espoirs, il est évident que le taux non-recours va subsister, tout simplement parce que les personnes concernées effectuent un arbitrage de court terme et qu'elles n'ont pas forcément envie de débourser de petits restes à charge. Mécaniquement, quelle que soit la qualité du travail que nous pourrons faire, et malgré le fait que les organismes complémentaires, notamment les mutuelles, jouent le jeu, il subsistera un volant structurel de non-recours.
Je rappelle qu'un certain nombre de personnes ne recourent pas à la CMU-C parce qu'elles ne le veulent pas, et considèrent, à tort ou à raison, que cette situation serait stigmatisante. C'est également le cas du RSA-socle. Un certain nombre de personnes n'éprouvent pas le besoin d'y recourir. Je rappelle que 5 % des bénéficiaires de la CMU-C ne consomment aucun soin dans l'année et estiment qu'ils n'ont pas besoin de cette couverture. Peut-être font-ils un mauvais calcul.
Le fait de demander une prestation nous semble une démarche importante. Néanmoins, dans une logique de simplification, il convient d'essayer de tendre vers l'automaticité. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, un dispositif de renouvellement automatique de l'ACS pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. C'est la direction prise pour certains champs très spécifiques.
S'agissant de la typologie des assurances complémentaires sélectionnées, elle figure dans l'arrêté publié le 10 avril 2015, et couvre le panel des mutuelles, des institutions de prévoyance et des assureurs.
Enfin, sans rouvrir un débat très général, je me permets de nuancer le terme « d'échec » employé pour qualifier la situation de l'assurance maladie obligatoire. Notre système couvre 76 % des dépenses de santé. C'est un taux extrêmement élevé comparé à d'autres systèmes européens. Il est stable sur longue période ; sur très courte période, le reste à charge des patients diminue de 0,4 % sur les deux dernières années. Ne pas augmenter le reste à charge, voire le diminuer, est un élément majeur de la politique du Gouvernement.
Les complémentaires sont historiquement un élément du paysage du système de santé de notre pays, qui remonte à 1945. Certes, sur une longue période, il est évident que la couverture de l'assurance maladie obligatoire de base a pu s'éroder ; elle reste néanmoins à des niveaux très élevés par rapport à d'autres pays européens. C'est un élément extrêmement important.
On ne peut pas considérer d'un côté des soins courants et, de l'autre, les soins lourds pris en charge à 100 %. Le système est construit dans un continuum entre les deux. Il est illusoire de compter mourir à 99 ans dans son lit. À un moment ou à un autre, chacun aura besoin de soins pris en charge à 100 %, comme c'est aujourd'hui le cas de plus de 10 % de la population. Cette déconnexion rend donc partiellement compte de la réalité actuelle du système d'assurance maladie.