C'est là un vaste sujet !
Il est toutefois inexact de dire qu'il existe un recul en valeur absolue de l'assurance maladie obligatoire. Il y a, en revanche, une augmentation significative de la dépense de soins globale. Pour certains types de soins, comme les frais dentaires, sur la longue période, la dépense en valeur absolue de l'assurance maladie obligatoire continue de progresser, bien qu'elle augmente moins que celle des complémentaires. Comme Thomas Fatome, je relativiserais donc la formule utilisée par la Cour des comptes dans son rapport.
Je voudrais revenir sur le risque inflationniste, ainsi que sur le risque lié au programme de contrôle que nous engageons.
S'agissant du risque inflationniste, l'augmentation du taux de recours est une politique et un objectif que nous assumons. Nous nous sommes fixés des hypothèses intégrées dans les projections financières. Pour autant, même si nous allons déployer beaucoup d'efforts, il faut être lucide et reconnaître qu'il s'agit d'un travail ardu. Le jour où nous serons à 95 % de taux de recours pour ces deux dispositifs n'est pas encore arrivé, d'autant qu'il existe des différences entre la CMU-C et l'ACS.
En effet, beaucoup des bénéficiaires de l'ACS ont déjà une assurance complémentaire santé. Elle n'est pas forcément de bonne qualité et peut être chère. L'intérêt de cet appel à la concurrence est de faire émerger une offre bien plus lisible, dont le rapport qualité-prix sera mieux perçu. Nous espérons que le taux de recours progressera, mais l'assurance complémentaire de santé de certains ménages ne peut être résiliée qu'à des moments très précis du contrat, et tout cela ajoute de la complexité à la complexité.
Pour ce qui est du risque de surconsommation, aucune étude ne prouve aujourd'hui que celui-ci existe. Certes, nous n'avons pas administré la preuve qu'il n'y en ait pas, mais encore faut-il administrer la preuve qu'il y en ait un ! Nous évoquerons ce sujet dans le rapport sur les charges et produits de l'assurance maladie qui sera adressé au Parlement cet été. Nous communiquerons sur la consommation de soins remboursables, plus élevée que pour la moyenne du régime général, les bénéficiaires de l'ACS et de la CMU-C. Parmi les bénéficiaires de l'ACS, il y a en effet une part très importante d'allocataires de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) pour laquelle la consommation de soins est plus importante que celle des bénéficiaires de la CMU-C. Vincent Beaugrand l'a dit, en matière de CMU-C, comme d'ACS, les risques relatifs à certaines pathologies sont très supérieurs à ce qu'ils sont pour les autres assurés du régime général.
Faut-il engager des actions de gestion du risque ciblant des publics d'assurés particuliers ? Nous ne l'avons pas prévu. Nous avons parlé de stigmatisation : je pense que, si nous lancions de telles actions, ce terme serait utilisé à bon droit. Nous avons un programme de contrôle à spectre large qui, nous l'espérons, permettra de dégager des économies sur la maîtrise médicalisée des dépenses, et qui permettraient de compenser les coûts supplémentaires liés au développement de la CMU-C. Je préfère faire des économies sur des dépenses de soins non justifiées, facturées à des prix trop importants, travailler sur la durée des indemnités journalières par exemple, et dégager des moyens budgétaires permettant d'accompagner une augmentation du recours à la CMU-C. C'est un enjeu qui est inscrit dans le cadre du pacte social français, qui veut que, quelle que soit la condition des uns et des autres, les dépenses de santé de chacun peuvent être prises en charge.
En contrepartie, nous devons contrôler que tous ceux qui entrent dans un dispositif n'ont pas dissimulé des ressources qui, si elles avaient été connues, les en auraient exclus. La personne qui dépasse de peu le plafond de la CMU-C, mais qui est éligible à l'ACS pourra bénéficier de l'ACS. Quantifier le risque de dissimulation des ressources est de bonne politique, de sorte que nous puissions faire entrer dans ces dispositifs tous ceux qui y ont droit, mais uniquement ceux-là.
Nous avons une politique de lutte contre la fraude à large spectre, qui porte aussi bien sur les professionnels de santé que sur les assurés. Nous avons engagé des actions, dont nous avons récemment informé la Cour des comptes, pour vérifier que les facturations d'un certain nombre de professions de santé sont conformes à la prescription qui les justifient. Nous devons agir sur l'ensemble du champ de la dépense et sur l'ensemble des acteurs, professionnels et assurés.