Intervention de Antoine Durrleman

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 septembre 2015 à 11h30
Rapport annuel de la cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Antoine Durrleman :

S'agissant du pilotage de la réorganisation de l'offre de soins, la direction générale de l'offre de soins, que nous avons auditée de manière scrupuleuse, est restée fondamentalement l'héritière de la direction des hôpitaux ; c'est une direction hospitalière. Malgré son titre générique, qui englobe l'organisation des soins de ville, elle est en fait centrée sur les problématiques hospitalières.

Ce décalage est évidemment un obstacle à une vision chaînée de l'offre de soins jusque dans la mise en place de parcours de soins et d'une organisation différente des soins de premier recours, qui est en fait déléguée d'une part à la direction de la sécurité sociale, d'autre part à la Cnam.

Ce n'est pas une question de moyens, la DGIS comptant 220 agents ; certes, elle considère que ce n'est pas assez, mais c'est déjà beaucoup. Toute la question repose sur la manière dont on envisage la mission qui lui a été confiée.

Nous avons été, de ce point de vue, étonnés de constater que l'expérimentation des parcours de soins pour les personnes âgées, qui nous paraissent très intéressants et prometteurs, est pilotée par la direction de la sécurité sociale, et non par la direction générale de l'offre de soins, dont c'est en principe le coeur de métier.

Au fond, l'administration centrale du ministre de la santé est restée relativement figée, alors que les problématiques ont changé et que l'institution des agences régionales de santé a créé sur le terrain une transversalité que l'on ne retrouve pas dans l'administration centrale.

Quant au FSV, pour paraphraser Ésope, c'est la pire et la meilleure des choses. Il a été créé en 1993, pour répondre à un besoin de salubrité. Il s'agissait de mettre fin à un vieux débat qui, en matière de charges indues, brouillait les choses et constituait un obstacle à toute action en pesant sur les régimes de sécurité sociale, ces charges indues étant en particulier constituées d'avantages non contributifs.

On a créé en 1993 un petit établissement public pour supporter celles-ci et y associer des recettes. Le dispositif fonctionne mal et s'est à son tour brouillé. La nature des dépenses prises en charge par le FSV n'est pas toujours très claire. Ce sont souvent des dépenses forfaitaires. D'autre part, il reste dans les régimes un certain nombre des dépenses non contributives.

Le principal point noir provient du déficit persistant du FSV. Nous-mêmes, lorsque nous vous présentons les comptes de la sécurité sociale, agrégeons les comptes du régime général et les comptes du FSV afin d'en avoir une vision complète. Si les comptes de la branche retraite du régime général sont en amélioration, les comptes du FSV sont en déficit croissant !

Les nouveaux médicaments, ainsi que le soulignaient M. Daudigny, constituent un sujet qui est devant nous. On a commencé à le traiter avec l'hépatite C. La réponse n'est pas simple. Il nous semble que les éléments de réponse sont triples.

La première réponse demeure l'évaluation médico-économique et le fait d'admettre à remboursement ces médicaments nouveaux en fonction d'une évaluation à propos de laquelle nous avons appelé la Haute Autorité de santé, il y a deux ans, à être beaucoup plus active. Il n'existe toujours pas aujourd'hui d'institution capable de réaliser ces évaluations comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne.

Le second progrès possible, que l'on a commencé à voir s'esquisser avec l'hépatite C, réside dans une négociation européenne, afin d'adopter une approche commune vis-à-vis du fabricant.

Le troisième élément de réponse consiste à dégager des marges d'efficience, le système bénéficiant de nombreux effets de rente. Il ne s'agit pas simplement de permettre le retour à l'équilibrer de l'assurance maladie, mais de dégager les moyens de financer le progrès médical. L'effort de réorganisation et de recherche permanente d'efficience est le garant du progrès.

Nous avons également noté avec intérêt un grand nombre de dispositions dans la loi de modernisation de la santé. Le rapport de la Cour des comptes, dans son exposé des motifs, a amené un certain nombre de propositions avec, en matière de politique conventionnelle, la possibilité de disposer de volets régionaux sur des problématiques de santé publique en matière de conventions avec les professions de santé.

Un autre exemple, tiré de notre rapport de l'an dernier, réside dans l'allégement de la procédure très lourde de projets régionaux de santé, afin d'en faire un outil plus opérationnel que les projets régionaux de santé, qui représentent mille pages.

Quant à la transformation du CICE, trois choix sont selon nous possibles. Ils sont à effectuer en fonction des objectifs que poursuivent les pouvoirs publics.

La concentration du Smic sursature les cotisations patronales de sécurité sociale. Concentrer cet allégement sur cette tranche suppose de faire prendre en charge des cotisations des régimes de retraite complémentaire obligatoire et des cotisations d'assurance d'accident du travail et de maladie professionnelle par la puissance publique. C'est un choix, mais il est très délicat, les régimes complémentaires n'étant financés ni par les pouvoirs publics ni par la dette. C'est sans doute une de leurs forces.

Le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles est, depuis 1898, un système d'assurance. La cotisation que versent les entreprises doit être suffisamment élevée pour que celles-ci soient attentives à la prévention des risques professionnels. Si l'État allège la pression, les entreprises risquent de ne plus y consacrer autant d'attention.

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