L'année 2014 fut décevante. Le gouvernement français, tous les observateurs, la Commission européenne elle-même, prévoyaient fin 2013 un taux de croissance de 1 % pour la France en 2014 - elle n'aura été que de 0,4 %. En France, comme dans l'ensemble de la zone euro, la croissance a été inférieure aux anticipations. Si, en Allemagne, la réalité a été en deçà de la prévision, dans la mesure où la croissance prévue était de 2 %, les conséquences sont moins redoutables.
Par ailleurs, les conséquences de la faible inflation sont d'une brutalité considérable. L'inflation a été largement négative en zone euro en 2014. En France, aujourd'hui, l'inflation prévue pour l'année 2015 est nulle : une inflation de 0 %, un phénomène très rare, cela change bien des choses, y compris d'un point de vue budgétaire.
Au milieu de l'année 2014, nous avons réalisé que la croissance ne serait pas de 1 % mais de 0,4 % du PIB - et je l'ai dit, dès le mois de juillet. J'ai également indiqué que le déficit public s'élèverait à 4,4 % du PIB en 2014. Même si nous n'avons pas encore les résultats définitifs, je peux vous assurer que nous respecterons largement cet objectif, c'est-à-dire que le déficit sera inférieur à 4,4 % du PIB.
Le Premier ministre et moi-même avons dit qu'il fallait que l'Europe réoriente sa politique pour que les pays en difficultés - dont la France - retrouvent une croissance plus forte. Une institution européenne - et heureusement qu'elle existe ! - a pris ses responsabilités et adopté les décisions qui convenaient tôt : c'est la Banque centrale européenne (BCE). Grâce à elle, les taux d'intérêt sont extrêmement faibles et, compte tenu de la confiance des investisseurs internationaux, le taux d'intérêt à dix ans s'élève à 0,6 % - ce qui n'est pas arrivé souvent au cours des dernières décennies. De plus, la valeur de l'euro a diminué et est devenue beaucoup plus compatible avec ce qu'elle représente réellement par rapport aux autres monnaies. C'est un élément très favorable pour l'industrie, notamment l'industrie exportatrice.
Au même moment, le Premier ministre et moi-même avons dit - je reprends les termes que j'ai utilisé lors de ma nomination : il n'y a aucune hésitation quant à la nécessaire diminution des déficits, mais son rythme doit être compatible avec le retour d'une croissance suffisamment forte.
Il faut que ce rythme de diminution du déficit public soit adapté à notre situation, et qu'il soutienne une croissance légèrement renaissante.
Il y a des signes positifs qui permettent de penser que l'objectif d'un taux de croissance de 1 % en 2015 est réaliste et que s'il devait y avoir des surprises, elles seraient plutôt positives que négatives. Il faut donc faire attention à ne pas briser cette croissance, tout en continuant à diminuer le déficit public.
Dans la loi de finances pour 2015 et dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019, nous avons proposé au Parlement une trajectoire prévoyant un déficit public de 4,1 % en 2015, de 3,6 % en 2016 et de 2,7 % en 2017. La Commission européenne recommande pour sa part un déficit de 4 % en 2015, de 3,4 % en 2016 et de 2,8 % en 2017. On voit donc que ces deux trajectoires sont cohérentes et l'on pourrait aller jusqu'à dire - si l'on souhaitait forcer le trait - qu'en 2017 la commission est moins exigeante que nous.
À côté de ce débat sur la trajectoire, il y a un débat légitime sur la façon de la respecter et donc sur l'atteinte de l'objectif que nous nous sommes fixés nous-mêmes de 50 milliards d'euros d'économies d'ici 2017. Je sais que certains disent qu'il faudrait faire encore plus, ce qui est assez facile à dire quand on n'est pas aux responsabilités, mais je constate qu'un effort de cette ampleur n'a jamais été réalisé.
Depuis l'examen du projet de loi de finances pour 2015, un élément significatif a changé : la prévision d'inflation était de 0,9 % quand l'inflation que nous devrions constater serait de 0 %, d'après la Banque centrale européenne.
Cette atonie des prix emporte des conséquences positives : la seule baisse du cours du pétrole représente une économie de 20 milliards d'euros, dont 10 milliards pour les ménages et 10 milliards pour les entreprises. De même, ce niveau d'inflation pousse la Banque centrale européenne à injecter des liquidités et permet à la France de s'endetter à un taux encore plus faible.
En revanche, l'effet sur certaines recettes sera négatif. Je pense notamment à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont le produit dépend mécaniquement du niveau des prix. Il faudra donc prendre en compte cette moindre recette. De même, les économies votées ont été calculées, comme c'est l'usage, par rapport à un tendanciel ; par conséquent, la baisse de l'inflation diminue leur montant. Je pense, par exemple, au gel d'une prestation indexée sur l'inflation, qui est coûteux politiquement, mais dont l'effet est nul dès lors qu'il n'y a plus d'inflation.
Pour respecter le quantum d'économies prévu en 2015, il sera donc nécessaire de trouver des économies supplémentaires. Il est clair qu'il faudra respecter l'objectif de 50 milliards d'euros d'ici 2017, mais il ne faut pas prendre de décisions qui viendraient casser la croissance. Un taux de croissance supérieur à 1 % voire autour de 1,8 % est possible pour 2016 ou 2017, ce qui permettrait de faire diminuer le chômage : ne prenons donc pas le risque de briser cette dynamique, d'autant plus si c'est pour des raisons purement dogmatiques.