Intervention de Victor Haïm

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 18 février 2015 à 10h00
Audition de M. Victor Haïm président de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires acnusa

Victor Haïm, président de l'Acnusa :

Tout ceci pour dire que l'indépendance de l'Autorité est assurée.

Je précise à l'intention de M. Nègre que le Grenelle II ne nous a pas conféré des pouvoirs supplémentaires, mais une charge supplémentaire, en nous attribuant une compétence nouvelle. Il ne me paraît pas envisageable d'augmenter dans l'immédiat le plafond des sanctions, alors que la loi qui a fixé le dernier plafond ne remonte qu'à 2012. Nous espérons, en revanche, que la DGAC fera ce qu'il faut pour nous éviter d'avoir à en prononcer.

Nos relations avec la DGAC sont bonnes. Je juge ses directeurs très compétents mais ce qui me gêne, c'est l'absence d'une vision globalisante. Les objectifs de la direction doivent aller au-delà de la seule sécurité aérienne, pour prendre également en compte la protection des riverains. Or, elle n'entend pas prendre d'initiative et préfère attendre les remontées des aéroports. Mais il est clair que jamais un aéroport ne dénoncera une gêne si cela est susceptible de lui faire perdre de l'argent.

Nous n'avons en effet compétence, madame Herviaux, que sur les aéroports civils. Cependant, notre dernier rapport comporte des considérations sur l'aviation militaire. Il est inadmissible que des avions militaires viennent se poser sur des aéroports civils, comme cela s'est passé à Nantes, en bafouant toutes les règles destinées à contenir le bruit. Nous avons écrit aux autorités militaires en ce sens. Il arrive également que des maires nous saisissent officieusement pour nous demander conseil. S'il est envisagé, par exemple, comme cela est arrivé, de construire une école dans une future zone classée A, nous le déconseillons, en expliquant les conséquences.

Nous avons une compétence particulière, en revanche sur les aéroports soumis à la TNSA, c'est à dire ceux où le nombre annuel des mouvements d'aéronefs de masse maximale au décollage supérieure ou égale à 20 tonnes est supérieur à 20 000. Cela concerne douze aéroports, ainsi que celui du Bourget, en vertu de ses caractéristiques particulières. Pour les autres, nous intervenons s'il y a une demande en ce sens. L'Acnusa, qui avait ainsi élaboré une charte pour Cannes-Mandelieu, se rend régulièrement sur place pour voir comment se passent les choses. Nous avons également été contactés par l'aéroport de Lyon-Bron, préoccupé par les nuisances liées à son développement, et nous tentons de voir si une charte pourrait améliorer les choses.

L'aéroport de Beauvais est passé du jour au lendemain, avec l'arrivée de Ryanair, à un rythme trépidant. Les résidents peinent à s'habituer à cette évolution soudaine, d'où des tensions qui ne s'éteindront pas de sitôt. La proximité de Roissy, qui représente un demi-million de mouvements chaque année - 63 millions de passagers, soit autant que de Français - et quelque 170 vols chaque nuit, a aussi un impact direct : les aéroports alentour doivent agir en phase, pour des raisons de sécurité. Lorsqu'il y a un changement de vent sur Roissy, cela modifie aussi les mouvements sur Orly, Le Bourget et Beauvais. Les avions ne peuvent pas procéder par descente continue, pour éviter les interférences avec ceux qui atterrissent ou décollent de Roissy ; ils doivent arriver sur un plan assez bas, d'où davantage de nuisances. J'ajoute que coexistent, à Beauvais, gros porteurs et petits avions de tourisme ou d'affaires, qui ne font pas bon ménage, car cela exige des règles de sécurité spécifiques. L'aéroport de Genève, à la limite de la saturation, envisage ainsi de mettre fin aux petits vols d'affaires. À Beauvais, il faudra trouver des solutions. L'accoutumance joue aussi beaucoup. Une étude a été menée, à Londres, en vue de la création d'une piste supplémentaire à Heathrow : 43 % des personnes interrogées s'y sont déclarées favorables, et plus de 50 % se déclarent satisfaites de l'aéroport. Une étude de l'Ifop fait également apparaître un niveau de satisfaction très élevé pour l'aéroport de Nice. Quand l'accoutumance s'est faite, le rejet est moindre. Lorsque l'on a relevé l'INS - c'est à dire le système qui indique au pilote la bonne altitude face à la piste - de 300 mètres à Roissy, on a eu 15 000 réclamations la première année, 5 000 seulement l'année suivante : les gens se sont habitués.

Sur Notre-Dame-des-Landes, je suis gêné pour vous répondre. L'Acnusa contrôle les nuisances aéroportuaires. Or, cet aéroport n'est qu'à l'état de projet : il n'entre pas dans notre champ. Nous avons été saisis, en revanche, des deux études que vous mentionnez. Celle de la DGAC nous a semblé trop optimiste - ce qui a été confirmé par Le Canard enchaîné, qui a fait clairement apparaître que l'étude ne table pas sur une augmentation du nombre des passagers. Nous avons estimé qu'il serait bon de mener une étude complémentaire. Il nous a semblé que l'idée d'une piste modifiée de 15°, évitant le survol de Nantes, pourrait être une solution pour Nantes-Atlantique. J'estime, à titre personnel, que déplacer un aéroport enclavé n'est pas la bonne solution. Un million de passagers, cela représente 1 000 emplois directs, et 2 000 emplois indirects. Autour d'un aéroport, il faut des infrastructures, des services ; on crée ainsi une autre ville, et les mêmes problèmes se reposent, à terme. Quant au coût, on sait qu'il se chiffre en milliards, quand le contrat passé pour Notre-Dame-des-Landes portait sur 500 millions. Sans parler des problèmes humains qui accompagnent un tel transfert, des familles qui doivent se déplacer. Et, surtout, des problèmes d'environnement et de santé. C'est sa métropole de rattachement qui justifie la fréquentation d'un aéroport : il faut construire des routes, des autoroutes, des voies ferrées pour l'y relier. Les terres agricoles en pâtissent. Or, on sait que l'équivalent d'un département disparaît déjà tous les dix ans et que plus de la moitié du territoire français est en danger.

S'agissant des problèmes de santé, on ne trouve rien, dans le rapport du ministère de l'environnement pour 2014, sur la question des aéroports. L'Acnusa ne se penche pas sur la question des gaz à effet de serre comme le CO2, qui ne portent pas atteinte, comme les particules fines, à la santé. N'entre par ailleurs dans le champ de sa mission que l'environnement des aéroports, ce qui veut dire, pour les avions, l'envol, l'atterrissage, mais pas les avions en route. Le vrai problème, au reste, en matière de qualité de l'air, ne tient pas tant à la pollution dont les avions sont la source, qu'à tout ce qui est autour, les véhicules, le système de chauffage de l'aéroport, etc. Les cartes de pollution en témoignent : elle est plus forte sur les axes qui mènent aux aéroports que sur les implantations aéroportuaires proprement dites. A l'aéroport de Genève, on trouve des fleurs que l'on ne rencontre pas ailleurs, et du miel, parce que c'est un environnement protégé. On ferait bien de s'en inspirer. La suie sur les bâtiments ? Rien n'a permis de démontrer que cela venait des avions. Il faut savoir que sur les petits porteurs, on ne fait pas de lâcher de kérosène, cela reviendrait trop cher. Seuls les gros porteurs, que l'on cherche à alléger à l'atterrissage pour prévenir l'éclatement des pneus, peuvent le faire, en tournant à très haute altitude. Les autres ne le peuvent pas, ils n'ont pas même de trappe pour cela. Il n'y a eu qu'un seul cas l'an dernier. Et il s'agissait d'un appareil du Golfe, qui a fait un lâcher sur la France, et savez-vous pourquoi ? Pour aller chercher un passager de marque à Genève... Nous travaillons avec la DGAC pour parer à ce genre de lâchers sans rapport avec des impératifs de sécurité.

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