Intervention de Gabrielle Déramaux

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 19 mars 2015 à 9h00
Audition de Mme Gabrielle Déramaux professeure de lettres modernes auteure de collège inique ta mère !

Gabrielle Déramaux, professeure de lettres modernes :

Je ne suis pas favorable à remettre en cause le collège unique qui réunit tous les élèves, de tous les milieux, au moins jusqu'au lycée. Je regrette toutefois que l'enseignement professionnel soit encore vu comme une voie de garage, alors que dans ce domaine des établissements de haute qualité offrent un avenir plus brillant que celui qui attend les étudiants sortant sans diplôme de l'université. Les choses commencent à bouger, mais lentement. Il faut continuer à travailler dans ce sens, donner envie aux élèves d'acquérir un métier, un savoir-faire, une place dans la société. Le collège unique, oui ! Toutefois, avec 32 élèves par classe, il est très difficile d'assurer un suivi personnalisé et ce sont les mêmes élèves qui en font les frais.

On parle de valeurs républicaines. Les deux piliers que l'école doit transmettre sont la laïcité, que j'ai évoquée, et la méritocratie. Ma génération a pu en profiter, avec l'espoir de pouvoir s'élever grâce à l'école, quelle que soit son origine, sa couleur de peau. Aujourd'hui, cela n'est plus possible, l'ascenseur social est en panne. L'école n'est pas l'endroit qui permet de faire carrière et les élèves en ont parfaitement conscience. Dans certains quartiers, le seul espoir de nos élèves réside soit dans une radicalisation religieuse qui leur assigne une place dans la société, soit dans le trafic de drogues qui n'est qu'un moyen de gagner sa vie. Il faut vivre cette situation avant de critiquer le travail des enseignants ! Lorsque l'on est abandonné, on n'a pas le choix d'une voie plus noble.

La méritocratie aussi est en panne à l'école car, quels que soient leurs résultats, les élèves savent qu'ils passeront en classe supérieure. Certains posent d'ailleurs tellement de problèmes que personne n'a envie de les garder au collège, et eux-mêmes ne le souhaitent pas. On voit dans toutes les classes, même dans les établissements de centre-ville, des élèves fantômes, qui assistent à des cours auxquels ils ne comprennent pas un traître mot. Ils sont gentils et calmes les deux premières années, beaucoup plus agités et moins calmes les deux dernières années. Il faut se mettre à leur place... Quelles perspectives leur offre-t-on ? 150 000 élèves sortent du système scolaire sans qualification. La plupart sortent moins savants du collège qu'ils n'y sont entrés, ces années d'abêtissement leur causent un dommage terrible.

Le soutien hiérarchique dépend des établissements. Je n'ai pas de poste fixe et j'exerce dans trois établissements. Ce dont nous manquons le plus, c'est de surveillants. Il est certes possible d'imposer sa loi dans une classe de trente élèves avec de l'expérience et de l'autorité, mais il est illusoire de croire que cette autorité s'étend dans les couloirs, la cour de récréation ou les toilettes, où presqu'aucun adulte ne surveille les jeunes. Il s'y passe des choses terribles, même dans les établissements considérés comme tranquilles, sans que nous puissions y mettre de l'ordre...

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