Intervention de Gabrielle Déramaux

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 19 mars 2015 à 9h00
Audition de Mme Gabrielle Déramaux professeure de lettres modernes auteure de collège inique ta mère !

Gabrielle Déramaux, professeure de lettres modernes :

Les professeurs de lettres, d'histoire, mais aussi de sport ou de SVT (sciences de la vie et de la terre) sont les plus exposés et peuvent évidemment avoir la tentation d'éviter certains sujets. Partout ils entendent les mêmes récriminations : « Pourquoi n'adopte-t-on pas le calendrier de l'hégire ? Pourquoi les garçons et les filles ne sont-ils pas séparés en sport ? Pourquoi parle-t-on toujours des Juifs ? » etc. Certains professeurs se retrouvent en grande détresse, isolés face à des situations difficiles. Pourtant, il faut affronter ces grandes questions et donner son avis, à la fois en tant que professeur et être humain, pour montrer que la souffrance et la guerre n'ont épargné aucun peuple au cours de l'histoire, qu'il n'y a pas lieu de comparer, d'opposer ou de hiérarchiser les souffrances entre elles. Enseigner l'universalité du mal apporte beaucoup d'apaisement aux élèves. Essayons de tirer les leçons des périodes historiques difficiles pour mieux vivre aujourd'hui, proposer une espérance. Il faut montrer que la France a toujours accueilli la diversité, de grands hommes et de grandes femmes qui ont connu la souffrance et qui sont devenus des citoyens.

Ma génération arrivait au collège avec des bases solides. Nos élèves aujourd'hui ignorent à peu près tout en grammaire et en orthographe. Ce n'est pourtant pas parce que cet enseignement a été négligé en primaire. Au contraire, il est très approfondi ! Mais on ne sait où passe cet enseignement, les acquis disparaissent, sans que je sache pourquoi, et chaque année nous devons réapprendre le complément d'objet direct, le complément d'objet indirect, etc. J'aimerais consacrer plus de temps à la littérature qu'à expliquer inlassablement à des élèves de troisième l'accord du participe passé...

Mes recommandations seront modestes. Nous voudrions plus de considération, et pas seulement de la part de nos élèves qui nous respectent et qui nous aiment : des liens se tissent au cours de l'année et il est touchant d'éprouver cette gratitude lorsque l'on croise d'anciens élèves dans la rue. En revanche, nous avons l'impression d'être maltraités par notre hiérarchie, on nous considère comme des pions, susceptibles d'être déplacés ici ou là. Je passe énormément de temps dans les transports, partagée entre trois établissement, sans espoir d'obtenir prochainement un poste fixe, alors que j'enseigne depuis quinze ans... C'est très décourageant. Le chemin que l'on nous propose est obscur.

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