Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je tiens, comme vous, madame Troendlé, à féliciter le rapporteur du texte, M. Jean-Jacques Hyest, qui sera bientôt appelé à de nouvelles hautes fonctions au sein du Conseil constitutionnel. Sa grande expérience et sa parfaite connaissance de la fabrique de la loi constitueront une compétence précieuse pour cette institution. Je sais aussi que M. Hyest a toujours suivi de manière assidue l’ensemble des sujets ultramarins et j’espère qu’il continuera à avoir un œil attentif sur nos territoires dans ses nouvelles activités.
Je trouve toutefois quelque peu sévère l’appréciation qu’il porte sur ce texte, car, en réalité, le Gouvernement n’a pas manqué d’ambition.
Le cheminement du projet de loi montre surtout que, à partir des points que nous avions soulevés pour l’actualisation du droit des outre-mer, les parlementaires se sont saisis de l’occasion pour intégrer à la discussion un certain nombre de sujets qui leur étaient chers. Et, si des amendements ont effectivement été déposés tardivement par le Gouvernement, c’est bien parce que ce dernier a tenu, à la suite des positions exprimées par les parlementaires, à trouver des solutions de compromis, acceptables par les uns et les autres.
Par conséquent, je trouve pour ma part que la manière dont nous avons travaillé sur ce texte, qui est une véritable coproduction entre le Gouvernement et les parlementaires, correspond plutôt à une manière positive d’envisager les relations entre le Parlement et le Gouvernement.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire répond à de multiples préoccupations des territoires ultramarins.
Il accompagne les mutations opérées ces dernières années en complétant le droit et en mettant en œuvre des outils d’action publique nouveaux, forts et efficaces, par exemple en matière de gestion foncière à Mayotte et en Guyane, pour répondre concrètement aux défis démographiques propres à ces territoires. En ce sens, il complète le « plan logement » que j’ai présenté cette année et qui fixe, pour la première fois pour les outre-mer, l’objectif ambitieux de produire 10 000 logements sociaux neufs ou réhabilités par an.
Le projet de loi règle aussi une situation vieille de près de trente ans dans les Antilles, en programmant de manière réaliste et organisée la fin des agences des cinquante pas géométriques. Nous avons trouvé, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, un scénario de sortie et une stratégie pérenne pour le règlement de cette situation. Loin de la simple actualisation du droit, nous avons donc su résoudre une difficulté épineuse qui concerne au quotidien nombre de nos concitoyens.
Ce texte opère également des changements significatifs dans le domaine économique, tout particulièrement en matière de lutte contre la vie chère.
Je tiens à rappeler que les outils tels que les observatoires des prix, des marges et des revenus ou les boucliers qualité-prix, qui seront étendus à de nouveaux territoires, entrent dorénavant dans leur troisième année d’existence ; ils ont donc atteint l’âge de la maturité. Ils assurent la maîtrise des prix des produits de consommation courante – les chiffres dont nous disposons le démontrent – ainsi que le renforcement de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires et de la part de la production locale dans la composition des boucliers qualité-prix. Ces outils contribuent donc à notre objectif de maîtrise du coût de la vie.
Pour ce qui concerne ce sujet du coût de la vie et plus précisément le lien avec l’Hexagone, les députés ont souhaité anticiper l’entrée en vigueur du règlement européen en matière d’itinérance. J’ai bien compris que cette disposition ne faisait pas l’unanimité, notamment chez les opérateurs, qui la considèrent évidemment comme un manque à gagner pour eux. Cependant, pour les populations, c’est un gain, ainsi qu’une avancée extrêmement concrète.
Cette mesure, prévue de longue date, était très attendue. Il s’agit d’un engagement qu’a pris le Président de la République en annonçant « un alignement progressif du prix des télécommunications entre les outre-mer et l’Hexagone ». Par cette disposition, le Parlement a simplement décidé d’anticiper la mise en œuvre de cette mesure ; nous sommes tout de même loin d’une révolution absolue.
Au regard du nombre de textes à modifier par voie réglementaire que représente cette anticipation, la date initialement prévue était sans doute un peu juste. Le report au 1er mai me semble plus raisonnable en ce qu’il nous permettra, dès l’adoption du texte, de lancer les travaux nécessaires pour que la partie réglementaire soit prête au jour prévu pour la suppression des surcoûts en matière d’échanges téléphoniques et de minimessages.
Par ailleurs, en matière de protection des consommateurs, je me réjouis des mesures, introduites par un amendement parlementaire, permettant aux associations ultramarines de consommateurs d’engager des actions de groupe. C’est un progrès qu’il faut saluer.
D’autres mesures méritent également d’être soulignées. Ainsi, s’agissant par exemple de la fonction publique et de l’évolution du droit du travail applicable à Mayotte, des dispositions importantes et attendues entreront en vigueur rapidement. Pour ce territoire, des mesures s’appliqueront de manière immédiate. Ce sera le cas notamment de la législation relative aux titres-restaurant.
Je sais que le recours aux ordonnances n’est pas bien vu des parlementaires ; mais vous n’ignorez rien du grand nombre de textes que nous devons modifier pour mettre à niveau le régime applicable à Mayotte et dans d’autres départements. C'est la raison pour laquelle le recours aux ordonnances peut se révéler utile et nécessaire, sans pour autant empêcher la concertation.
Nous continuons d’avancer : mercredi dernier, nous avons examiné, en conseil des ministres, un projet de loi de ratification d’ordonnance relative à l’alignement du régime d’assurance vieillesse applicable à Mayotte sur celui de la métropole. Nous poursuivons la modernisation de la situation mahoraise, conformément aux engagements pris dans le cadre du document stratégique « Mayotte 2025 ».
Dans ce projet de loi, nous nous sommes attachés à régler un certain nombre de questions encore en suspens avant la mise en place des collectivités uniques de Guyane et de Martinique. Reconnaissons qu’il y avait urgence, ce basculement historique devant s’opérer dans peu de temps.
Depuis l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, au mois de juillet dernier, les élus des collectivités régionales et des collectivités départementales, les parlementaires et les organisations syndicales ont exprimé un certain nombre de craintes.
Soyons très clairs : le Gouvernement a souhaité préciser les choses en ce qui concerne l’organisation des emplois fonctionnels de la nouvelle collectivité tout en respectant la libre administration des collectivités locales, garantie par la Constitution. Toute la difficulté était d’éviter que les emplois fonctionnels ne disparaissent au lendemain des élections, au risque de mettre en péril la continuité des services au public.
Nous avons donc choisi de respecter l’ordre protocolaire républicain institué par le décret du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires. Ce texte classant, selon l’ordre de préséance, le président de région avant le président du conseil général, le parallélisme des formes fait que le directeur général des services de la région est classé avant celui du département.
Bien évidemment, cette disposition est purement transitoire. Il appartiendra au nouvel exécutif de remanier l’organigramme comme il le souhaite et de statuer d’une manière définitive sur les emplois fonctionnels dans la nouvelle collectivité. Je crois important d’éviter toute rupture du fonctionnement du service public. À l’exécutif régional de s’organiser comme il l’entend par la suite.
Cette disposition sur les emplois fonctionnels au plus haut niveau de l’administration n’instaure aucune hiérarchie entre fonctionnaires du conseil général et fonctionnaires du conseil régional. L’objectif, que nous recherchons tous, je crois, est qu’aucun fonctionnaire en poste aujourd’hui au conseil général ou au conseil régional ne se retrouve laissé pour compte et que, demain, tous puissent trouver leur place au sein de la nouvelle collectivité.
La commission mixte paritaire nous a permis d’aboutir à des compromis tout à fait raisonnables. Le maquis juridique et la diversité qui caractérisent nos outre-mer rendent ce projet de loi indispensable. Nous devons régulièrement adapter les textes existants à nos situations particulières. La nature interministérielle des décisions intéressant les outre-mer rend également nécessaire cet exercice d’harmonisation avec mes collègues du Gouvernement. Cela signifie non pas que le ministère des outre-mer est incompétent ou qu’il travaille mal, mais simplement qu’il faut adapter nos dispositifs aux réalités ultramarines.
Encore une fois, je retiendrai de ce texte la manière tout à fait constructive et positive dont les services du ministère des outre-mer, le Gouvernement et les assemblées parlementaires ont travaillé ensemble ; je m’en félicite. Puissions-nous faire de même lorsque nous devrons de nouveau toiletter les textes applicables aux outre-mer.