Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit de l’outre-mer se caractérise par de nombreuses et parfois originales dérogations au droit commun. Il est largement conditionné par l’héritage historique, notamment le passé colonial, et par l’éloignement géographique des collectivités qu’il régit.
Ce projet de loi a pour objet de moderniser le droit de l’outre-mer. Le groupe écologiste s’en félicite, tant cela était devenu nécessaire sur certains plans pour lesquels la législation en vigueur ne répondait plus – ou en tout cas plus totalement – aux enjeux auxquels les collectivités concernées sont confrontées.
Ainsi, avec ce texte, nous avons eu l’occasion d’examiner des mesures spécifiques, portant sur des domaines aussi différents que le développement économique et social, les transports, la lutte contre la vie chère, la sécurité, l’aménagement du territoire, la fonction publique ou encore les jeux de hasard et les collectivités territoriales. Le projet de loi présenté au Sénat voilà quelques mois abordait déjà une multiplicité de thématiques ; il a été encore largement complété lors des débats ici même et à l’Assemblée nationale.
Certains de mes collègues ont regretté le caractère composite de ce texte. Pour ma part, je préfère m’y résoudre, car c’est parfois nécessaire sur un texte de ce type, qui embrasse des sujets aussi variés.
Cependant, cela ne nous exonère pas d’examiner avec attention chacune des dispositions proposées. Beaucoup étaient attendues et sont consensuelles. Pour preuve, les débats en commission mixte paritaire qui ont eu lieu mardi dernier n’ont pas vraiment été le théâtre d’âpres discussions…
L’article 1er vise à créer à Saint-Barthélemy et Saint-Martin certains dispositifs de lutte contre la vie chère, comme l’Observatoire des prix, des marges et des revenus. Cela avait donné l’occasion à M. Hyest de rappeler, lors de nos débats, le bilan positif de cette mesure, que nous avions adoptée en 2012, en précisant qu’ils avaient « favorisé la prise de conscience de certains abus » et « donné aux pouvoirs publics des éléments permettant de mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles ». Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que le dispositif est en place ? Une évaluation régulière sera-t-elle réalisée ?
Je formulerai les mêmes remarques et interrogations sur le bouclier qualité-prix, dispositif issu du même texte, que le Gouvernement a décidé d’appliquer également à Saint-Martin.
Toujours dans cet objectif de lutter contre la vie chère en outre-mer, nous nous réjouissons de l’introduction par l’Assemblée nationale de l’article 4 quater BA visant à supprimer le surcoût de l’itinérance ultramarine, comme cela a été évoqué par plusieurs collègues. La mise en œuvre de cette mesure est fixée au 1er mai 2016, c'est-à-dire avant la date fixée par l’Union européenne, ce qui nous semble une bonne chose.
D’autres dispositions tendent à prendre en compte l’arrivée à échéance de certaines mesures. Ainsi, l’article 8 concerne une nouvelle prorogation des agences de la zone des cinquante pas géométriques, jusqu’au 31 décembre 2018. Cette mesure ne doit cependant pas empêcher, nous semble-t-il, de poursuivre la réflexion sur les questions foncières.
Permettez-moi, enfin, d’évoquer l’article 24 bis, qui a trait à la reconnaissance de l’existence en France de langues régionales et l’éducation des enfants dans ces langues.
À la fin du mois de mai dernier, j’ai été nommée, en compagnie de notre collègue députée Marie-Anne Chapdelaine, parlementaire en mission sur la problématique très grave du taux de suicide particulièrement élevé chez les jeunes des communautés amérindiennes et bushinengue de Guyane.
Au cours de cette mission, dont je reviens tout juste, j’ai pu rencontrer les jeunes, les enfants et leurs familles, afin de discuter avec eux de leurs attentes. Je suis aussi allée voir les élus, ainsi que les équipes dans les écoles et les collèges. J’ai eu un aperçu des conditions d’enseignement des enfants de ces communautés. En effet, la question de l’accès à l’école et de la langue d’enseignement paraît fondamentale.
L’application, comme il est prévu par l’article 24 bis du projet de loi, des dispositions du code de l’éducation relatives à l’enseignement en langue régionale doit être assurée. À cet égard, les intervenants en langue maternelle font un très bon travail, qui doit être considérablement renforcé. Ces langues font partie intégrante de l’identité des enfants, ainsi que du patrimoine de notre pays. L’article 24 bis en est une reconnaissance de plus, mais nous aurons très probablement l’occasion de reparler prochainement de cette question.
Enfin, puisque nous balayons des sujets très variés ce matin, je me permets de relayer une question qui a été soulevée à plusieurs reprises ici même au cours de ces derniers jours, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Pourquoi les délais de publication des décrets d’application de la loi du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer sont-ils aussi longs ? La teneur en sucre des produits distribués en outre-mer est supérieure, parfois très supérieure à celle des mêmes produits distribués en métropole. Cela pose de graves problèmes sanitaires. Les territoires concernés sont confrontés à une épidémie d’obésité et de diabète. Pourquoi les décrets d’application ne sont-ils toujours pas parus plus de deux ans après l’adoption de la loi ?
Cela étant, au-delà de ces remarques et interrogations, le groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.