Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 47 est un article extrêmement important, dont les enjeux échappent sans doute aujourd’hui au grand public, qui n’en voit pas nécessairement la portée ni les perspectives.
Or ces enjeux sont tout à fait décisifs pour notre pays au regard, à la fois, de la compétition internationale et de la garantie, qu’il nous reviendra d’apporter à nos concitoyens, que l’ouverture des données se fera dans le strict respect de la confidentialité.
L’enjeu tient à la capacité à utiliser une base de données, celle de notre pays, qui est parmi les plus importantes au monde. Pour dire les choses très simplement, les données dont nous parlons sont notamment – pas exclusivement ! – celles qui figurent dans le PMSI, mais, surtout, dans les bases de la sécurité sociale. Et comme la France dispose de l’un des plus vastes systèmes de données agrégées, elle possède par là même, j’y insiste, l’une des plus grandes bases dans ce domaine.
Les bases de données sont moins importantes dans d’autres pays, dans la mesure où les financeurs sont multiples. Aux États-Unis, par exemple, où il y a différents financeurs, publics ou privés, il n’existe pas de base unique de données agrégées.
Il importe donc de pouvoir utiliser ces données pour mener des études et des recherches complémentaires sur les effets secondaires d’un médicament ou encore, par exemple, sur la manière de faire le lien entre des données issues d’objets connectés et certains protocoles thérapeutiques. Ce dispositif est très utile, y compris pour des acteurs de recherche qui ne relèveraient pas du secteur public, dans la mesure où il s’agit d’améliorer le développement de nos protocoles.
L’ouverture des données doit se faire, bien sûr, dans le cadre de la garantie de l’anonymat de nos concitoyens et de tous les patients. Nous avons donc cherché à établir un équilibre entre les acteurs publics et les acteurs privés, entre les procédures de contrôle et la nécessité de favoriser l’accès rapide aux données, entre une plus grande ouverture et la garantie de l’anonymisation.
Plusieurs sénateurs ont fait des propositions visant à faire évoluer le texte.
La commission des affaires sociales du Sénat a, de son côté, conforté l’équilibre global du texte, tout en apportant des modifications qui viennent changer sensiblement l’équilibre entre la protection des personnes et les besoins en matière d’accès aux données de santé.
Ces modifications auront, me semble-t-il, pour conséquence de complexifier l’accès aux données des acteurs privés à but lucratif, alors que ceux-ci sont déjà contraints – comme tous les autres acteurs d’ailleurs ! – de respecter des procédures très sécurisantes.
Le Gouvernement considère que, dans le cas général, le contrôle de la CNIL sur l’intérêt public du traitement et sur le besoin d’accéder aux données, assorti d’un strict encadrement des modalités techniques d’accès aux données, est suffisant. Seul un risque manifeste de conflit d’intérêts, dès lors qu’il peut entraîner de sérieux préjudices, justifie des restrictions supplémentaires.
L’adoption d’une seconde série de dispositions retenues par la commission alourdirait sensiblement les procédures d’autorisation délivrées par la CNIL pour accéder aux données.
Ainsi, la commission a supprimé une mesure permettant de faciliter l’accès à des données agrégées ou à des échantillons pour lesquels le risque de ré-identification est largement réduit par rapport aux données individuelles.
Le Gouvernement, quant à lui, avait proposé qu’une telle procédure soit homologuée préalablement par la CNIL. J’ajoute que cette pratique est courante à l’étranger, dans les institutions similaires. Il est prévu, dans le texte adopté par la commission, de réserver cette procédure à des données parfaitement anonymes, dont on voit mal alors pourquoi la CNIL devrait réguler leur accès.
Enfin, la commission entend conserver le système d’autorisation préalable pour l’accès aux données en cas d’urgence sanitaire, alors que la procédure de déclaration préalable, qui préserve la possibilité de contrôle de la CNIL, est à l’évidence la seule solution dans certaines situations où aucun délai n’est envisageable. Ces mesures seraient contraires à l’ouverture des données et à l’allégement des procédures que la CNIL a, elle-même, souvent appelé de ses vœux.
Je souhaitais, d’emblée, présenter le cadre du dialogue entre la commission et le Gouvernement. Il y a convergence pour considérer que l’ouverture des données constitue un enjeu majeur. Mais les conditions dans lesquelles cette ouverture doit être réalisée nous conduiront, peut-être, à avoir des avis différents sur un certain nombre d’éléments tout à fait importants.