Intervention de Guy-Dominique Kennel

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 1er octobre 2015 à 11h00
Droit des étrangers en france — Examen du rapport pour avis

Photo de Guy-Dominique KennelGuy-Dominique Kennel, rapporteur pour avis :

Droit des étrangers, maîtrise de l'immigration ..., dans un contexte marqué par la crise migratoire, ces questions nous interpellent et font débat. Et pourtant, ne nous y trompons pas, de larges consensus peuvent aussi émerger entre nous. J'espère réussir à vous le prouver ce matin.

Notre commission a souhaité se saisir pour avis de ce texte car trois thématiques présentes au sein de ce projet de loi ont retenu notre attention au regard des compétences qui sont les nôtres : l'apprentissage de la langue française par les étrangers, car la langue est le véhicule de notre culture ; l'attractivité de la France et notamment de son système d'enseignement supérieur ; le droit d'accès des journalistes dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente.

Avant d'entrer dans le détail, permettez-moi de vous rappeler que le projet de loi initial, au travers de ses 36 articles, poursuivait trois objectifs principaux : rénover le parcours d'intégration des étrangers en France avec la personnalisation de l'actuel contrat d'accueil et d'intégration ; contribuer à l'attractivité de la France notamment en créant une carte de séjour propre aux « talents internationaux » et en simplifiant le parcours des étudiants et renforcer l'efficacité des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

J'ai donc laissé de côté une grande partie du projet de loi qui ne nous semblait pas relever des compétences de notre commission pour concentrer mon examen sur 6 des 57 articles que compte désormais ce projet de loi.

Sur les problématiques qui intéressent notre commission, les objectifs initialement poursuivis par le projet de loi étaient bons : renforcer les exigences en termes d'apprentissage de la langue française ; favoriser l'attractivité de la France, en direction des étudiants étrangers et des talents internationaux.

Il est malheureusement ressorti passablement « abîmé » de son examen par l'Assemblée nationale, mais la commission des lois du Sénat, dont nous examinons le texte adopté hier matin, l'a rendu plus lisible et plus efficace. Je salue ici le travail d'orfèvre réalisé par notre collègue François-Noël Buffet. Je ne vous cacherai pas que nombre des amendements que j'avais envisagé de soumettre à notre commission ont déjà été adoptés par la commission des lois. Je ne vous proposerai donc ce matin qu'une ou deux modifications à la marge.

Un peu plus de 200 000 nouveaux étrangers sont accueillis (régulièrement) chaque année dans notre pays, dont 45 % pour des motifs « familiaux », 30 % pour des motifs « d'études », 10 % pour des motifs « humanitaires » et 10 % également pour des motifs « économiques ». Depuis 2007, le contrat d'accueil et d'intégration constitue l'outil phare de notre dispositif d'accueil des étrangers en France : plus de 100 000 contrats sont ainsi signés chaque année. Un rapport d'inspection IGA-IGAS de 2013 avait formulé quelques critiques sur le fonctionnement de ce contrat. L'article 1er tente d'en tirer les conséquences en affirmant que désormais ce contrat sera plus « personnalisé ». Ce contrat rénové conservera bienheureusement, ses fondamentaux : la formation civique obligatoire ainsi que la formation linguistique, obligatoire elle aussi dès lors que le niveau de français de l'étranger qui arrive sur notre territoire est jugé insuffisant.

Mais les exigences posées aujourd'hui aux étrangers en matière de connaissance de la langue française sont dérisoires. Le niveau attendu à l'issue du contrat est ridiculement bas : il s'agit d'un niveau dit A1.1, qui n'existe même pas dans le cadre européen commun de référence pour les langues, dont le niveau le plus bas est le A1. Le niveau A1.1 équivaut à la maîtrise de la langue en fin de maternelle. La France est le seul pays européen dont l'objectif de maîtrise de sa langue par les migrants est aussi faible.

Cette situation n'est pas compatible, loin s'en faut, avec une intégration dans la société française, sans même parler d'insertion professionnelle ! Cette situation est même, de mon point de vue, indigne d'un pays qui prétend intégrer les étrangers qui arrivent sur son territoire. La méconnaissance de la langue du pays d'accueil favorise le repli sur soi, le communautarisme et, bien souvent, contribue à faire régresser la condition des femmes.

Le gouvernement envisage, par voie réglementaire, de rehausser le niveau que l'étranger devra avoir atteint à l'issue de son contrat : il devrait s'agir désormais du niveau A1. À cet égard je souhaite saluer l'initiative de la commission des lois qui, à l'article 11, a adopté une disposition qui prévoit désormais de lier l'atteinte de ce niveau de langue à la délivrance de la première carte de séjour pluriannuelle afin de rendre plus effectif cet apprentissage.

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