Mes chers collègues, à compter d'aujourd'hui, 1er octobre, l'intégralité des mesures décidées par le Bureau pour la réforme du Sénat entre en vigueur.
En conséquence, vous verrez apparaître dans les convocations de la commission et dans son programme prévisionnel des points d'ordre du jour doublement encadrés : il s'agira de nos réunions législatives du mercredi matin au sens de l'article 23bis du règlement.
Par ailleurs, si vous effectuez dans le cadre de vos missions pour notre commission des déplacements à l'étranger ou outre-mer, ceux-ci seront signalés par les services de la commission. Les déplacements que vous effectuerez au titre d'autres structures sénatoriales seront signalés par les services des structures concernées.
Certaines structures dans lesquelles nous avons été nommés par le Sénat, le Conseil supérieur des programmes en ce qui me concerne, mènent malheureusement leurs travaux sur certaines des plages réservées aux travaux parlementaires.
ou encore du groupe de travail de suivi de la loi de Refondation de l'école.
Je me ferai le porte-parole de vos remarques auprès du Bureau du Sénat. M. le Président du Sénat a écrit à l'ensemble de ces organismes extérieurs afin qu'ils adaptent leur calendrier de travail au rythme des assemblées parlementaires mais il est à craindre malheureusement que cette adaptation ne soit pas, dans tous les cas, d'effet immédiat.
La commission examine le rapport pour avis de M. Guy-Dominique Kennel sur le projet de loi n° 655 (2014-2015) adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France.
Droit des étrangers, maîtrise de l'immigration ..., dans un contexte marqué par la crise migratoire, ces questions nous interpellent et font débat. Et pourtant, ne nous y trompons pas, de larges consensus peuvent aussi émerger entre nous. J'espère réussir à vous le prouver ce matin.
Notre commission a souhaité se saisir pour avis de ce texte car trois thématiques présentes au sein de ce projet de loi ont retenu notre attention au regard des compétences qui sont les nôtres : l'apprentissage de la langue française par les étrangers, car la langue est le véhicule de notre culture ; l'attractivité de la France et notamment de son système d'enseignement supérieur ; le droit d'accès des journalistes dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente.
Avant d'entrer dans le détail, permettez-moi de vous rappeler que le projet de loi initial, au travers de ses 36 articles, poursuivait trois objectifs principaux : rénover le parcours d'intégration des étrangers en France avec la personnalisation de l'actuel contrat d'accueil et d'intégration ; contribuer à l'attractivité de la France notamment en créant une carte de séjour propre aux « talents internationaux » et en simplifiant le parcours des étudiants et renforcer l'efficacité des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
J'ai donc laissé de côté une grande partie du projet de loi qui ne nous semblait pas relever des compétences de notre commission pour concentrer mon examen sur 6 des 57 articles que compte désormais ce projet de loi.
Sur les problématiques qui intéressent notre commission, les objectifs initialement poursuivis par le projet de loi étaient bons : renforcer les exigences en termes d'apprentissage de la langue française ; favoriser l'attractivité de la France, en direction des étudiants étrangers et des talents internationaux.
Il est malheureusement ressorti passablement « abîmé » de son examen par l'Assemblée nationale, mais la commission des lois du Sénat, dont nous examinons le texte adopté hier matin, l'a rendu plus lisible et plus efficace. Je salue ici le travail d'orfèvre réalisé par notre collègue François-Noël Buffet. Je ne vous cacherai pas que nombre des amendements que j'avais envisagé de soumettre à notre commission ont déjà été adoptés par la commission des lois. Je ne vous proposerai donc ce matin qu'une ou deux modifications à la marge.
Un peu plus de 200 000 nouveaux étrangers sont accueillis (régulièrement) chaque année dans notre pays, dont 45 % pour des motifs « familiaux », 30 % pour des motifs « d'études », 10 % pour des motifs « humanitaires » et 10 % également pour des motifs « économiques ». Depuis 2007, le contrat d'accueil et d'intégration constitue l'outil phare de notre dispositif d'accueil des étrangers en France : plus de 100 000 contrats sont ainsi signés chaque année. Un rapport d'inspection IGA-IGAS de 2013 avait formulé quelques critiques sur le fonctionnement de ce contrat. L'article 1er tente d'en tirer les conséquences en affirmant que désormais ce contrat sera plus « personnalisé ». Ce contrat rénové conservera bienheureusement, ses fondamentaux : la formation civique obligatoire ainsi que la formation linguistique, obligatoire elle aussi dès lors que le niveau de français de l'étranger qui arrive sur notre territoire est jugé insuffisant.
Mais les exigences posées aujourd'hui aux étrangers en matière de connaissance de la langue française sont dérisoires. Le niveau attendu à l'issue du contrat est ridiculement bas : il s'agit d'un niveau dit A1.1, qui n'existe même pas dans le cadre européen commun de référence pour les langues, dont le niveau le plus bas est le A1. Le niveau A1.1 équivaut à la maîtrise de la langue en fin de maternelle. La France est le seul pays européen dont l'objectif de maîtrise de sa langue par les migrants est aussi faible.
Cette situation n'est pas compatible, loin s'en faut, avec une intégration dans la société française, sans même parler d'insertion professionnelle ! Cette situation est même, de mon point de vue, indigne d'un pays qui prétend intégrer les étrangers qui arrivent sur son territoire. La méconnaissance de la langue du pays d'accueil favorise le repli sur soi, le communautarisme et, bien souvent, contribue à faire régresser la condition des femmes.
Le gouvernement envisage, par voie réglementaire, de rehausser le niveau que l'étranger devra avoir atteint à l'issue de son contrat : il devrait s'agir désormais du niveau A1. À cet égard je souhaite saluer l'initiative de la commission des lois qui, à l'article 11, a adopté une disposition qui prévoit désormais de lier l'atteinte de ce niveau de langue à la délivrance de la première carte de séjour pluriannuelle afin de rendre plus effectif cet apprentissage.
La commission des lois a aussi supprimé un ajout de l'Assemblée nationale selon lequel la formation civique devait comporter dans les départements et régions d'outre-mer un volet relatif à l'histoire et à la géographie du département et de la région d'outre-mer de résidence de l'étranger. Or, l'objet même de la formation civique est de rappeler ou de faire découvrir au ressortissant étranger les valeurs communes qui fondent la République et la société françaises, quel que soit le territoire de résidence effective de l'étranger concerné : la République est une et indivisible. Je me réjouis de cette suppression opérée par la commission des lois.
L'article 2 du projet de loi prévoit quant à lui qu'un niveau « suffisant » de connaissance de la langue française sera exigé pour obtenir la délivrance d'une première carte de résident : selon la feuille de route du Gouvernement, il devrait s'agir du niveau A2.
Ces dispositions vont dans le bon sens, certes, mais n'aurait-on pas pu être plus ambitieux encore et rehausser encore d'un cran nos exigences ? Exiger le niveau A2 (« conversation simple ») plutôt que le niveau A1 pour accéder à une carte pluriannuelle de séjour ? Le niveau B1 (« qui permet d'exprimer ses idées ») plutôt que le niveau A2 pour accéder à une carte de résident ? Et enfin le niveau B2 (« utilisateur indépendant ») plutôt que le niveau B1 pour une naturalisation ?
J'ai pleinement conscience qu'il s'agit là de mesures qui relèvent du domaine réglementaire et je ne vous proposerai donc pas d'amendement sur les deux premiers articles du projet de loi, conformément à la nouvelle vigilance décidée par la Conférence des Présidents. Toutefois, je prendrai la parole en séance publique pour rappeler l'importance de l'apprentissage de la langue française pour les populations immigrées et notre souci commun que le niveau de langue des étrangers dans notre pays devienne le véritable gage d'une intégration réussie.
Sur l'attractivité de la France à l'égard des étudiants étrangers et des talents internationaux, nous serons tous d'accord, je pense, pour soutenir cet objectif d'attractivité, favorable au rayonnement économique, scientifique, culturel et même moral de notre pays. Les talents étrangers que nous accueillons en France seront ensuite nos meilleurs ambassadeurs à travers le monde. Les débats qui ont eu lieu au Sénat et à l'Assemblée nationale en 2013 sur l'immigration étudiante et professionnelle avaient d'ailleurs fait émerger un large consensus autour de la nécessité de favoriser l'immigration étudiante, y compris à la suite de l'obtention du diplôme, ainsi que l'immigration professionnelle.
Les étudiants étrangers sont environ 60 000 à entrer sur notre territoire chaque année, en provenance principalement de Chine, du Maroc et d'Algérie. Ils représentent un peu plus de 12 % de notre communauté étudiante. Je ne peux pas aborder ce sujet sans rendre un hommage particulier à notre collègue Dominique Gillot qui, dès février 2013, avait déposé une proposition de loi sur l'attractivité universitaire de la France. Bon nombre des propositions qu'elle avait faites sont d'ores et déjà entrées dans le droit et d'autres sont reprises dans le présent projet de loi. Il sera très intéressant pour toute notre commission d'entendre tout à l'heure Dominique Gillot et Jacques Grosperrin sur ce sujet.
Vous savez sans doute que tous les étrangers entrant en France doivent passer une visite médicale auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). L'OFII réalise ainsi, chaque année, plus de 200 000 visites médicales dont 60 000 pour les étudiants étrangers. L'article 4bis propose de dispenser de visite médicale obligatoire les étudiants étrangers qui présenteront un certificat médical. Hier matin, la commission des lois a considéré que cette disposition ne relevait pas du domaine législatif et a supprimé cet article. Je voudrais néanmoins rappeler l'importance de cette visite médicale obligatoire, telle qu'elle est réalisée par l'OFII : elle permet de détecter des cas de tuberculose ou d'hépatite C, qui sont des enjeux de santé individuelle mais aussi publique. Or, l'OFII semble vouloir se défaire de cette mission afin de se concentrer sur d'autres missions, il conviendra peut-être d'interroger le ministre sur ses intentions en la matière : sous quelle forme entend-il maintenir la visite médicale pour les étudiants étrangers ? Quel(s) organisme(s) seront désormais chargés de l'effectuer ? Le cas échéant, avec quels moyens ?
L'article 5 vise à compléter l'actuel dispositif d'autorisation provisoire de séjour accordée aux étudiants au moins titulaires d'un master qui veulent réaliser une première expérience professionnelle en France. Ce dispositif facilite le changement de statut pour les étudiants à haut potentiel vers des emplois qualifiés en France : ces talents étrangers contribuent à notre croissance économique et à notre rayonnement international. C'est un dispositif qui fonctionne : environ 3 000 autorisations provisoires de séjour sont ainsi accordées sur ce fondement chaque année. Grâce à l'action de Dominique Gillot, le dispositif avait été bien assoupli en 2013. Il est proposé aujourd'hui de l'étendre aux étudiants qui justifient d'un projet de création d'entreprise.
L'Assemblée nationale a prévu que le salaire d'embauche minimal (actuellement fixé uniformément en France à 1,5 SMIC) serait désormais fixé en fonction des secteurs professionnels et des régions concernées, ce qui n'aurait pas contribué à la lisibilité de notre droit pour les étudiants étrangers et aurait joué très certainement « contre » notre attractivité. Fort heureusement, la commission des lois a supprimé cet ajout.
Je suis tout de même soucieux que le dispositif soit suffisamment encadré pour éviter tout effet d'aubaine et de détournement aux seules fins d'une prolongation du maintien sur le territoire. Or, l'encadrement de l'autorisation provisoire de séjour « création d'entreprise » est délicat : Comment justifie-t-on d'un projet de création d'entreprise au moment de demander l'autorisation provisoire de séjour ? Comment justifie-t-on du caractère « viable » de l'entreprise au moment de demander le changement de statut à l'issue de l'autorisation provisoire de séjour ? Je vous proposerai d'amender le présent article afin de rétablir le renvoi à un décret en Conseil d'État pour la fixation de ses conditions d'application. Ce décret est prévu dans le droit actuel, le Gouvernement le supprimait, il n'est peut-être pas inutile d'y renvoyer à nouveau.
L'article 11 est l'un des articles centraux du projet de loi. Il crée plusieurs cartes de séjour pluriannuelles parmi lesquelles la carte de séjour pluriannuelle générale qui sera notamment ouverte aux étudiants étrangers pour la durée de leurs études et la carte dite « passeport talent » ouverte à neuf catégories de « talents » étrangers.
La délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle qui serait désormais de droit commun pour les étudiants étrangers en France, d'une durée égale à la durée de leurs études, est une avancée intéressante en termes d'attractivité universitaire de la France. Mais au-delà de la qualité de l'accueil que notre pays se doit de réserver aux étudiants étrangers, je veux plaider pour le développement d'une politique plus volontariste d'accueil des étudiants étrangers sur des filières d'excellence et déficitaires. Car si nous sommes cinquième pays d'accueil en nombre d'étudiants étrangers (à égalité avec l'Allemagne), nous perdons régulièrement du terrain et nous n'attirons peut-être pas systématiquement les meilleurs étudiants mondiaux.
Cette nouvelle ambition que j'appelle de mes voeux passe par une exigence renforcée : exigence au moment de l'admission (exigence sur le niveau académique des étudiants, diversification des zones géographiques de provenance, exigence sur les filières et spécialisations choisies) mais aussi exigence au cours des études (exigence sur le « caractère réel et sérieux » des études - assiduité aux cours, présentation aux examens, contrôle de la progression des études et contrôle des changements de cursus -, attention portée au taux de réussite et d'échec des étudiants étrangers). Et la question du juste niveau des droits d'inscription dans nos établissements d'enseignement supérieur reste posée ...
Le « passeport talent » est un nouveau titre destiné aux étrangers qui apportent une contribution au développement et au rayonnement de notre pays. Il ne s'agit pas là non plus d'une idée neuve puisqu'avait été instaurée depuis 2007 une carte « compétences et talents » mais qui n'a malheureusement pas rencontré le succès escompté. S'agissant du champ de compétence de notre commission, le « passeport talent » concernera les artistes-interprètes et auteurs d'oeuvres artistiques et littéraires, les étrangers « dont les compétences et le talent sont établis dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif », les chercheurs et les professeurs de l'enseignement supérieur. Ces publics bénéficiaient aujourd'hui de titres de séjour divers et variés, le « passeport talent » sera un outil plus lisible et dont nos ambassades et consulats pourront plus facilement faire la promotion. La création de ce titre unique constitue un signal positif à l'attention des étrangers talentueux qui envisagent un séjour dans notre pays et pourrait concerner jusqu'à 10 000 étrangers chaque année.
Là encore, l'Assemblée nationale a adopté des modifications qui ne me semblent pas judicieuses :
elle avait prévu que le caractère « réel et sérieux » des études suivies par les étudiants étrangers serait désormais souverainement attesté par les établissements eux-mêmes ; heureusement la commission des lois a adopté un amendement qui revient à une rédaction plus équilibrée dans laquelle l'appréciation du caractère réel et sérieux (qui resterait de la compétence de l'autorité administrative) s'appuierait sur les éléments fournis par les établissements et l'étudiant lui-même ;
elle a prévu que des circonstances exceptionnelles pouvaient justifier la non-assiduité des étrangers aux formations prescrites dans le contrat personnalisé ; certes, mais il convient de ne pas affaiblir les principes posés par la loi ; je vous proposerai donc un amendement en ce sens ;
elle avait prévu d'étendre le bénéfice du « passeport talent » aux étrangers qui avaient une renommée simplement nationale ; heureusement, la commission des lois a adopté un amendement de réécriture de cette catégorie en faisant référence plus simplement aux « compétences et talents » ;
elle avait prévu de préciser que le redoublement ne remettait pas en cause, par lui-même, le caractère réel et sérieux des études des étudiants étrangers ; il me semblait totalement inopportun de prévoir ainsi dans la loi une sorte de « droit au redoublement », la commission des lois a supprimé cette disposition.
Par ailleurs, la commission des lois a fait plusieurs autres modifications qui recueillent de ma part un avis extrêmement favorable :
elle a étendu le bénéfice du « passeport talent » aux titulaires non seulement d'un master mais aussi de tout autre diplôme prévu sur une liste fixée par décret afin de couvrir notamment les diplômes de certaines écoles de gestion ou de commerce qui proposent des parcours professionnalisant sans octroyer toutefois le grade de master à leurs titulaires ;
elle a aussi lié la délivrance de la première carte pluriannuelle à l'obtention du premier objectif de connaissance de la langue française (A1 selon le souhait du gouvernement, A2 selon mes souhaits).
Sur le droit à l'information, un mot très rapide sur l'article 23 qui a retenu mon attention au titre de notre commission de la culture.
Il y a quelques mois, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi sur la modernisation du secteur de la presse, nous avions autorisé les journalistes à pénétrer dans certains lieux de privation de liberté lorsqu'ils accompagnaient un parlementaire. Il est proposé, à l'article 23, d'autoriser l'accès des journalistes, même sans parlementaire, dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative, moyennant bien entendu quelques restrictions liées à la liberté des personnes, au respect de leur anonymat, etc. La commission des lois a proposé un dispositif totalement refondu qui me paraît très équilibré.
Je regrette que notre commission soit consultée sur ce texte au lendemain de son examen par la commission au fond. Nous devrions pouvoir mieux maîtriser notre calendrier.
Ce projet de loi intervient dans une actualité marquée par la crise migratoire, une situation humanitaire extrêmement délicate et hors du commun. Il propose des avancées intéressantes, mais certaines de ses dispositions me paraissent confuses. A l'instar de certaines associations ainsi que du Défenseur des droits, je m'interroge par exemple sur le niveau de rémunération d'1,5 SMIC exigé des étudiants étrangers qui veulent s'insérer professionnellement dans notre pays, sur le niveau d'étude qu'il est exigé d'eux, sur la nature des « talents » des bénéficiaires du « passeport talent ». D'une manière générale, la commission des lois a durci le texte et a notamment aggravé les conditions d'accès des journalistes aux zones d'attente et aux centres de rétention administrative. Ce texte est perfectible et nous ferons nos remarques en séance publique.
Même si les modalités proposées par la commission des lois devront être étudiées avec attention, c'est une bonne chose que les journalistes puissent ne pas devoir être accompagnés d'un parlementaire pour pénétrer dans certains lieux privatifs de liberté. Il en va du droit à l'information.
Sachons porter un regard altruiste mais également humaniste sur les phénomènes migratoires : une société fermée est une société qui s'aigrit, se rancit et meurt. C'est sur notre « oxygène » que nous légiférons aujourd'hui.
Je me réjouis que la situation des artistes et interprètes étrangers trouve enfin sa place dans la loi mais nous serons attentifs au critère retenu : de « renommée nationale ou internationale » ou de « compétences et talents établis ».
Sur l'apprentissage de la langue française et les objectifs à atteindre, j'entends vos exigences, monsieur le rapporteur, mais il ne faudrait pas qu'elles soient un couperet au départ. Dans ma région, où le taux d'illettrisme de la population générale atteint 12 %, j'ai soutenu, pour qu'il puisse rester en France, un jeune étranger originaire d'Afrique noire qui au baccalauréat a obtenu 16/20 en histoire et 14/20 en français. Ce qui compte, c'est l'arrivée.
Le passeport talent nous rapproche d'une « immigration choisie ». L'un des talents mentionné par la loi est ainsi défini : « procède à un investissement économique direct en France ». J'espère que la fortune n'est pas considérée comme étant un « talent » en soi !
Je ferai plusieurs remarques : le niveau A2 préconisé par notre rapporteur pour obtenir la carte pluriannuelle de séjour me paraît élevé. La carte de séjour pluriannuelle est une belle avancée. Il me semble difficile de porter un jugement sur la création d'entreprise, déjà peu aisée pour les Français dans le contexte économique actuel. Je m'interroge également sur le caractère potentiellement stigmatisant de la visite médicale. Enfin, j'engage tous mes collègues, y compris notre enthousiaste rapporteur, à prendre connaissance de l'avis du Défenseur des droits avant la discussion en séance publique.
Je regrette également que nous ayons été saisis de ce texte important au lendemain de son examen par la commission au fond.
Des dispositions instaurées à partir de 2012 ont permis de mieux accueillir les étudiants étrangers. 280 000 d'entre eux s'inscrivent dans un établissement d'enseignement supérieur français chaque année. C'est une grande richesse, après l'épisode malheureux de la circulaire Guéant qui avait dissuadé les étudiants étrangers de venir en France.
Le niveau d'étude universitaire, licence ou master, auquel la carte pluriannuelle peut être délivrée fera l'objet d'une discussion en séance publique. C'est un enjeu extrêmement important qui ne doit pas être l'objet de polémiques destinées à vider de sa substance cette loi de simplification, d'ouverture et de témoignage de la capacité d'accueil de la France.
L'expérience professionnelle autorisée aux jeunes diplômés étrangers, qui figurait dans la loi sur l'enseignement supérieur de 2013, ne semble pas avoir été suffisamment affirmée. De plus en plus de diplômés français qui ont aujourd'hui des difficultés à trouver un poste pour acquérir une expérience professionnelle unissent leurs compétences disciplinaires pour créer leurs propres entreprises. L'investissement dans l'économie française évoqué dans le projet de loi est un investissement intellectuel, interdisciplinaire et transfrontière, favorisé par la mixité, la mutualisation de l'enseignement supérieur et les outils numériques à la disposition des jeunes. Il faut encourager et faciliter la création d'entreprise.
Sur l'exigence du niveau de langue, je rappelle que la loi de juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a introduit la possibilité d'un enseignement en anglais, afin que la non-connaissance de la langue ne constitue pas un obstacle à l'arrivée d'étudiants étrangers et pour ainsi permettre à des « francophiles » de devenir des « francophones ».
Même si la notion de « talent » est délicate à manier, l'instauration du « passeport talent » est un progrès, en particulier pour soutenir des parcours de réussite.
L'obligation de la visite médicale est une question de santé publique et individuelle. Elle n'est pas stigmatisante, au contraire, elle est une chance pour certains étudiants étrangers qui n'avaient pas bénéficié d'un suivi dans leur pays d'origine.
Enfin, sur l'article 23, nous serons très attentifs à ce que les propositions de la commission des lois ne dénaturent pas l'objectif même du projet de loi.
La France est une terre d'accueil, nous en sommes tous d'accord ; mais il ne faut pas se voiler la face : les étudiants qui choisissent de venir chez nous ne sont pas toujours les meilleurs, certains viennent parce qu'ils n'ont pas eu de place ailleurs ou pour d'autres motifs que les études. N'oublions pas que la circulaire Guéant avait pour objectif de cadrer certaines de ces pratiques. Je suis très attaché à ce que l'exigence de diplôme pour bénéficier d'un certain nombre de dispositifs favorables soit maintenue au niveau du master. La France est une terre d'accueil, mais elle ne doit pas accueillir surtout les étudiants refusés par d'autres pays.
Je soutiens les propositions de notre rapporteur en matière d'apprentissage de la langue française qui est un levier majeur d'intégration. Mais cette exigence s'imposera-t-elle aussi aux sportifs de haut niveau ?
Permettez-moi également de m'interroger sur la condition posée à l'article 11 relative à la « non-manifestation par l'étranger d'un rejet » des valeurs essentielles de la société française et de la République : comment ce critère sera-t-il apprécié ?
Notre calendrier, madame Gonthier-Maurin, a été très contraint : c'est ce qui explique - et je le regrette comme vous - que nous examinions ce texte après la commission des lois. Sur la rémunération, nos collègues députés avaient prévu un paramétrage complexe qui s'apparentait à une véritable usine à gaz : le seuil à 1,5 SMIC est bien plus clair.
Je fais entièrement mienne la dimension humaniste, madame Blandin, mon rapport pour avis en porte témoignage et c'est bien dans cet esprit que j'accepte le texte issu des travaux de la commissions des lois, c'est ce qui motive mon avis favorable sur les articles dont notre commission s'est saisie. L'exigence de maîtrise du français ne sera pas un couperet, le premier niveau exigé le sera après une année passée en France, pour avoir accès à une carte pluriannuelle de séjour (à défaut, la carte annuelle de séjour pourra être renouvelée si toutes ses conditions de délivrance sont réunies). Le niveau A1 dit de « découverte » est très peu élevé et j'aurais préféré, à titre personnel, qu'on demande le niveau A2 pour pouvoir prolonger après un an. C'est un niveau de « communication simple », en-deçà encore du niveau B1 où l'on commence à pouvoir exprimer ses idées... Enfin, pour les investissements, je crois que le temps n'est pas à faire la fine bouche, nous avons besoin que des investisseurs choisissent notre pays pour y développer l'activité et des emplois.
Pour répondre à Mme Laborde, je crois, comme Mme Gillot, qu'il faut regarder l'obligation d'une visite médicale sous l'angle de la santé publique : quand la tuberculose est en recrudescence, il est tout à fait légitime de faire de la prévention et de rendre la visite médicale obligatoire. Qui s'en chargera ? L'OFII indique qu'à moyens constants, il ne peut plus faire face, mais les universités n'ont pas les équipes qui conviennent : c'est pourquoi le Gouvernement devra nous apporter des précisions sur ses intentions en la matière.
Je crois enfin inutile de continuer à polémiquer entre nous sur la circulaire Guéant : elle a entraîné une baisse des effectifs, mais maintenant regardons l'avenir !
Madame Gillot, tout ce que vous aviez proposé dans votre proposition de loi se met en place. A l'instar de M. Grosperrin, le niveau master exigé des diplômés étrangers me semble constituer une exigence académique raisonnable. Et je rappelle que la commission des lois a adopté un amendement permettant de déroger à cette règle pour les personnes ayant bénéficié d'une formation professionnalisante de haut niveau non sanctionnée par un diplôme.
Qui finance les visites médicales des étudiants étrangers ? Existe-t-il des accords bilatéraux prévoyant le remboursement par le pays d'origine d'une partie des dépenses supportées par la Sécurité sociale ?
Par ailleurs, les mesures prévues à l'article 22ter à l'encontre des personnes contrevenant aux règles me paraissent bien peu dissuasives.
Je remercie le rapporteur pour ce rapport au ton très mesuré. J'observe cependant, sous l'effet des amendements qui nous sont proposés, un durcissement général des dispositions de ce projet de loi. J'en suis assez surpris, particulièrement en ce temps où certains tentent de redéfinir l'appartenance à notre pays par l'origine. Pourquoi durcir le niveau d'exigence en matière linguistique pour la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel, au risque de décourager ceux qui viennent donner un nouveau souffle à notre pays ?
Je tiens à féliciter notre collègue rapporteur pour la qualité de son travail, éloigné des postures idéologiques, sur un sujet qui s'y prête pourtant. Vous vous inscrivez dans la tradition d'une certaine droite républicaine du Sénat, qui, il y a quelques années, s'était émue avec la gauche de la circulaire Guéant.
Il est dans l'intérêt de la France d'accueillir les étudiants étrangers et les talents d'ailleurs, comme il est dans l'intérêt des autres pays d'accueillir nos talents. La France est aujourd'hui forte et reconnue dans le monde, en partie du fait de cette ouverture.
Il me semble hasardeux de renvoyer la définition de certaines dispositions au pouvoir réglementaire, comme le propose notre rapporteur. Il me paraît préférable de les définir dans la loi.
S'agissant des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier que l'étranger n'ait pas été assidu aux formations prescrites par son contrat d'intégration, sachons rester souples : de nombreuses circonstances - guerre, maladie, problèmes familiaux - peuvent justifier un retour temporaire au pays et donc une interruption du parcours d'intégration.
Vos amendements ne me semblent donc pas utiles ; ils enlèvent de la souplesse où il n'y a pas besoin de rigueur. Je voterai donc contre vos amendements.
Je félicite notre collègue pour la qualité de son rapport. Je regrette néanmoins qu'un aspect du sujet n'ait pas été abordé. En effet, nulle part n'a été évoquée la situation de ces jeunes sportifs, âgés souvent de moins de seize ans et d'origine africaine, qui viennent en France à l'initiative des clubs sportifs professionnels, en particulier dans le milieu du football. Seul un de ces jeunes sur dix a l'occasion de poursuivre effectivement une formation de haut niveau. Les autres sont abandonnés, et demeurent sur notre territoire en situation irrégulière et de grande précarité.
Je partage le constat du rapporteur sur la nécessité de la maîtrise de la langue française pour l'intégration des étrangers. Mais il convient de ne pas mettre la barre trop haut, le niveau A1 me semble satisfaisant. N'oublions pas que l'apprentissage d'une langue se fait dans la durée : accompagnons plutôt les nouveaux arrivants dans leur apprentissage de la langue française, plutôt que de fixer des barrières infranchissables à l'entrée.
Enfin, il est délicat de vouloir comparer les niveaux de compétence en langue française avec un niveau scolaire, utilisons plutôt le référentiel européen des langues.
Je me félicite que le passeport talent soit ouvert aux investisseurs internationaux : nous avons besoin pour renforcer l'attractivité économique de notre pays, d'investisseurs et de développeurs.
Je suis soucieuse du message que nous adressons à nos jeunes : mieux vaut être un sportif même si on ne parle pas la langue qu'un étudiant qui a envie de s'en sortir professionnellement ?
Concernant les sportifs, je propose à mon collègue Michel Savin avec l'aide de Mme Samia Ghali d'évoquer ces questionnements spécifiques dans la proposition de loi sur les sportifs de haut niveau qu'il rapportera très prochainement.
Après ces échanges fructueux, nous devons examiner les deux amendements.
L'amendement n° 1 porte sur l'article 5. Il renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions d'application du présent article.
Je supprime, dans l'amendement n° 2, qui porte sur l'article 11, la prise en compte, au niveau de la loi, de circonstances exceptionnelles pouvant justifier une non-assiduité aux formations prescrites dans le contrat d'intégration.