Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, je me réjouis de l’aboutissement d’une proposition de loi qui, en première lecture, avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et qui a fait l’objet d’un large consensus lors de la réunion de la CMP.
Le texte que nous sommes invités à adopter répond à une injonction communautaire et concrétise l’annonce, faite en 2013 par le Président de la République, de libérer la bande 700 mégahertz, occupée actuellement par les chaînes de la TNT, pour permettre aux opérateurs de téléphonie mobile d’en disposer à partir de décembre 2015, pour une utilisation en 2017.
Cette mutation technologique répond à la nécessité, d’une part, pour les opérateurs de télécommunications, de faire face à l’augmentation du trafic sur internet et à l’accroissement des pratiques numérique et, d’autre part, d’améliorer le développement des services mobiles à très haut débit.
Les « fréquences en or » dont nous discutons de la future réaffectation présentent le double avantage d’offrir une meilleure pénétration du réseau mobile dans les immeubles – les ondes de la bande 700 traversent le béton – et d’assurer une très bonne couverture avec un nombre limité d’antennes, dans les zones de faible densité.
Les fréquences de la bande 700 mégahertz seront attribuées aux opérateurs de télécommunications selon un système d’enchères, pour un montant pré-évalué, au minimum, à quelque 2, 5 milliards d’euros pour l’ensemble de la bande. Nous disposons désormais de précisions sur le déroulement des enchères et la mise à prix des lots. L’ARCEP a ainsi prévu de diviser en six blocs de 5 mégahertz les fréquences mises en vente et d’organiser plusieurs tours d’enchères ascendantes. Le prix de départ est fixé à 416 millions d’euros par lot, et il augmentera de 5 millions d’euros à chaque nouveau tour d’enchères.
L’ARCEP a limité la quantité de fréquences pouvant être obtenue par chaque opérateur. Ainsi, aucun opérateur ne pourra détenir plus de 15 mégahertz. Et, en prenant en compte les appels d’offres passés préalablement sur les bandes de fréquences 800 et 900, aucun opérateur ne sera, à l’issue de ces nouvelles enchères, autorisé à cumuler plus de 30 mégahertz de fréquences. Les trois opérateurs possédant déjà 20 mégahertz en fréquences devront donc se contenter de deux lots de 5 mégahertz chacun, au maximum.
Cette solution semble équitable ; elle est de nature à maintenir la diversité des opérateurs et à limiter la concentration dans le secteur, même si l’un des opérateurs, Free, la conteste et aurait souhaité que l’ARCEP lui réserve un lot. Je rappelle que cet opérateur, faute d’avoir assez enchéri lors de la précédente attribution de la bande 800, n’avait pas obtenu de fréquence.
L’ARCEP a donc annoncé que quatre opérateurs – Orange, Free, Numericable-SFR et Bouygues Telecom – avaient envoyé des dossiers pour concourir à ces enchères, ce qui permet d’espérer un enchérissement à la hauteur des attentes... Cette instance va examiner ces quatre candidatures pour voir si elles respectent les critères de recevabilité de candidature fixés. Puis, les enchères débuteront en novembre.
Les craintes concernant le lancement de la procédure en temps utile, qui avaient été nombreuses sur nos travées en juillet dernier, semblent être désormais sans fondement.
J’en viens maintenant à l’objet premier de la proposition de loi, à savoir la continuité des services de TNT qui utilisent jusqu’à présent la bande 700.
Cette continuité d’émission sera garantie grâce au recours à une nouvelle norme de codage, le MPEG–4, norme plus performante que celle qui est actuellement utilisée, le MPEG–2, et qui permettra la diffusion de toutes les chaînes actuelles sur un nombre de fréquences réduit.
Plus de 80 millions d’euros sont prévus par l’État, plus particulièrement pour aider les particuliers n’acquittant pas la contribution à l’audiovisuel public à acquérir l’équipement nécessaire au changement de norme, mais également pour aider les foyers qui connaîtraient des difficultés de réception, et, dans ce dernier cas, sans condition de ressources.
Selon Médiamétrie, 6 % des foyers, soit 1, 7 million d’entre eux, ne disposeraient encore que de décodeurs MPEG–2. Ce sont ces foyers qui vont devoir acheter rapidement un nouvel équipement.
Le Gouvernement s’est engagé verbalement à prendre en charge l’ensemble des coûts afférents aux deux catégories de publics précités, ainsi que ceux qui seront subis par les éditeurs de chaînes, obligés de s’équiper, et les opérateurs de multiplex qui subiront, de fait, des ruptures de contrat au travers de leur réorganisation.
En effet, dès le 5 avril prochain – la date est très proche –, le recours au MPEG–4 sera obligatoire pour recevoir les chaînes de la TNT, à l’exception des déclinaisons de France 3, qui vont disposer d’un calendrier moins serré. L’Agence nationale des fréquences a donné son aval au calendrier, mais réunit périodiquement un comité de suivi regroupant toutes les parties concernées.
Madame la secrétaire d’État, afin de rassurer nos collègues siégeant sur toutes les travées, vous avez également accepté le principe d’une nouvelle réunion, en novembre prochain, de la Commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, la CMDA, dont est membre, notamment, notre collègue David Assouline.
Le rapport de l’Inspection générale des finances, tant attendu lors de nos débats en juillet dernier, dont les conclusions n’ont pas été publiées, semble néanmoins, si j’en crois les termes du rapport de la commission mixte paritaire, avoir mis en lumière que les éditeurs de services de télévision ne devraient pas trop pâtir de la réorganisation des fréquences, ni du basculement vers la norme de codage MPEG–4, puisque la réforme devrait engendrer des économies en termes de coût.
Quant aux opérateurs de multiplex, seul Itas Tim, devrait subir un contrecoup de la réforme ; Towercast et TDF ne devraient pas supporter de préjudice trop important.
Nos deux rapporteurs du texte, M. Patrick Bloche pour l’Assemblée nationale et Mme Catherine Morin-Desailly pour le Sénat, semblent avoir été rassurés par les conclusions de ce rapport dont, pour l’heure, ils sont les seuls parlementaires à avoir eu connaissance.
À ce titre, je me félicite de l’accord trouvé à l’issue des travaux de la CMP, qui ont permis de conserver les apports majeurs de chacune des deux assemblées.
Le souhait du Sénat de maintenir l’objectif de couverture de 95 % de TNT, sous réserve de la disposition de la ressource et compte tenu des contraintes du multiplex « multivilles », a ainsi été entériné par la CMP.
De même, le texte du Sénat renforçant la taxe à acquitter en cas de cession d’une fréquence TNT a été amendé, mais conforté par la CMP. Ces préoccupations rejoignent celles – déjà anciennes – des sénateurs socialistes, qui sont à l’origine de cette taxation !
Je salue la sagesse de notre rapporteur qui, compte tenu des conclusions du rapport de l’IGF et des engagements du Gouvernement, a accepté de supprimer les articles 5 bis et 8 bis A, introduits par le Sénat, qui prévoyaient des indemnisations à la charge des opérateurs de télécommunications, des préjudices subis, respectivement, par les éditeurs de services audiovisuels et par les opérateurs de multiplex.
De la même façon, je me réjouis que Mme la rapporteur ait accepté, compte tenu des engagements gouvernementaux, de supprimer la disposition figurant à l’article 2, qui contraignait par la loi la CMDA à rendre un nouvel avis.
La suppression par la CMP, reprenant le souhait exprimé en première lecture par l’Assemblée nationale, de la référence – article 29-1 de la loi de 1986 – au réaménagement des fréquences attribuées à la radio numérique de terre, la RNT, non concernées par la réaffectation de la bande 700, est également positive.
Les conditions législatives me semblent donc réunies pour que le réaménagement de la bande 700 et la réaffectation des fréquences se déroulent dans les meilleures conditions et dans les délais impartis.
Les sénateurs du groupe socialiste et républicain seront néanmoins très attentifs à ce que l’ensemble des foyers français continuent de recevoir la TNT dans des conditions optimales et, le cas échéant, moyennant les aides nécessaires que le Gouvernement s’est engagé à verser.
Nous serons également vigilants sur le maintien de l’équilibre actuel au sein du paysage audiovisuel, et quant aux éventuels problèmes auxquels devront faire face les sociétés éditrices de chaînes et les prestataires techniques de multiplex.
Enfin, je souhaite que les enchères permettent à tous les opérateurs de téléphonie d’obtenir une part de la bande 700, afin qu’ils puissent tous développer leurs services de téléphonie mobile, ce qui garantira le maintien du pluralisme dans ce secteur. Il y va de l’intérêt des consommateurs.
Les conditions d’enchères prévues par l’ARCEP garantissent à l’État d’effectuer une opération financière correspondant a minima à l’objectif de 2, 5 milliards initialement prévu. Il est important que l’État ne brade pas une partie importante d’un bien rare, le spectre hertzien, jusqu’à présent « prêté » gratuitement à des opérateurs de télévision !
La France pourra s’enorgueillir d’avoir respecté les injonctions européennes tout en modernisant les conditions de diffusion des services audiovisuels et les conditions de réception des services de téléphonie.