Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 5 octobre 2015 à 16h00
Deuxième dividende numérique et modernisation de la télévision numérique terrestre — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous aurions pu économiser quelques minutes de temps parlementaire – un temps déjà si riche en paroles inutiles… –, tant est complet notre accord avec Mme la rapporteur, sur ce sujet comme sur de nombreux autres ; à la vérité, nous sommes totalement en phase avec elle, de même qu’avec le président de notre groupe, Bruno Retailleau.

Au sein de la commission mixte paritaire, nous avons manifesté une volonté commune de régler des questions qui n’avaient été résolues ni par l’Assemblée nationale ni par le Gouvernement en première lecture. Nous sommes convenus que nous avions besoin d’engagements du Gouvernement, s’agissant d’un dossier qui met en jeu à la fois les acteurs économiques de la télévision numérique, les finances de l’État et l’équipement audiovisuel de nos concitoyens. À cet égard, notre présidente et rapporteur Catherine Morin-Desailly, dans un esprit constructif, avait très tôt demandé des garanties au Gouvernement sur les conséquences du transfert de la bande 700, par courrier puis lors de l’examen de la proposition de loi.

Les amendements adoptés en commission mixte paritaire démontrent toute l’utilité de la navette et la réelle valeur ajoutée apportée par le Sénat ; je pense qu’il n’est pas inutile de le souligner, ainsi que plusieurs orateurs l’ont déjà fait.

Compte tenu des améliorations apportées à la proposition de loi, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront les conclusions de la commission mixte paritaire, bien qu’ils restent réservés sur la méthode employée par le Gouvernement en ce qui concerne la question importante de la réaffectation de la bande 700. Nous regrettons, en effet, que celui-ci ait fait le choix d’anticiper le mouvement européen de réaffectation de cette bande, en prévoyant l’arrêt de la norme MPEG–2 dès l’année prochaine, alors que la date cible fixée par la Commission européenne est 2020.

Il est certain que les opérateurs de télécommunications auront un jour besoin de fréquences nouvelles pour répondre à l’accroissement du trafic sur internet, et que cette évolution ne pourra passer que par le regroupement des chaînes de télévision numérique terrestre sur une partie plus restreinte du spectre. Nous sommes bien évidemment favorables à la modernisation de la TNT et au développement du très haut débit mobile qui en est le corollaire. Cependant, les opérateurs eux-mêmes ont reconnu qu’ils n’auraient pas besoin des fréquences visées avant au moins quatre ou cinq ans.

Alors que la réforme accompagnant ce passage demande de la réflexion, c’est de précipitation qu’a été entourée la discussion de cette proposition de loi, examinée en procédure accélérée pour des raisons d’ordre surtout budgétaire. De fait, la rapidité inhabituelle du Gouvernement tient certainement à la perspective de tirer profit des quelque 2 milliards d’euros que devrait lui rapporter la vente des fréquences. Au demeurant, l’idée d’affecter les sommes issues de la vente de la bande 700 au secteur de la défense s’est perdue en cours de route…

Opposés à cette précipitation, mais hors d’état d’agir sur le calendrier retenu, de nature réglementaire, nous avons obtenu l’assurance que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, la CMDA, tiendrait une nouvelle réunion ; cette réunion, dont vous venez de confirmer, madame la secrétaire d’État, qu’elle aurait lieu le 4 novembre prochain, permettra un examen des questions plus attentif et associant les parlementaires.

En tant que représentants des territoires, nous sommes également intervenus pour maintenir l’exigence d’une couverture maximale pour la réception de la TNT, qui est un sujet de préoccupation majeur pour nombre de nos concitoyens et d’élus locaux. Plus précisément, nous avons rétabli le principe d’une couverture à 95 %, qui avait été mis à mal par dans la version initiale de la proposition de loi.

Par ailleurs, notre commission a défendu les intérêts des téléspectateurs en demandant un rapport au Gouvernement dans un délai de trois mois sur la question de l’aide à l’équipement des foyers qui reçoivent la TNT par satellite. N’oubliez pas, madame la secrétaire d’État, que ces foyers n’ont souvent pas eu d’autre choix d’équipement lorsque, voilà quelques années, la télévision analogique a été abandonnée au profit de la télévision numérique. Ne pas tenir compte des nouveaux frais qu’ils vont devoir subir entraînerait une rupture d’égalité entre les territoires. C’est pourquoi nous serons très attentifs aux conclusions de ce rapport et aux suites qui lui seront données.

Notre rapporteur vous a également alertée, madame la secrétaire d’État, sur les inquiétudes suscitées par la réorganisation des multiplex, dont deux doivent cesser de fonctionner à la suite de la libération de la bande de fréquences des 700 mégahertz. Depuis la discussion de la proposition de loi en première lecture au Sénat, le rapport très attendu de l’Inspection générale des finances vous a été remis ; il confirme l’existence d’un préjudice causé aux opérateurs techniques de diffusion. Vous avez donc fait connaître à Mme Morin-Desailly votre intention de rechercher une solution transactionnelle avec les sociétés dans les semaines à venir et de prévoir une indemnisation dans le cadre de la loi de finances pour 2016.

Il nous semblait essentiel de rassurer sur ce point les diffuseurs, mais également les opérateurs de téléphonie mobile, que nous avions dû impliquer dans le processus d’indemnisation lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, faute de pouvoir, aux termes de l’article 40 de la Constitution, aggraver une charge publique.

Il est important de ne laisser subsister aucune incertitude sur les responsabilités de l’État dans ce domaine.

Enfin, je tiens à souligner l’intervention efficace de la Haute Assemblée sur la question des cessions spéculatives de chaînes de télévision numérique. Il est désormais acquis que le Conseil supérieur de l’audiovisuel pourra refuser son agrément au rachat d’une chaîne qui n’aurait pas respecté ses obligations conventionnelles. Cette mesure potentiellement dissuasive s’accompagne d’un mécanisme de taxation déjà prévu par la loi Macron, mais que le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution. Il ne me semble pas choquant d’inciter ainsi les investisseurs à adopter une démarche vertueuse : les fréquences hertziennes étant un bien rare du patrimoine de l’État, il est normal que celui-ci se montre exigeant vis-à-vis de ceux qui en disposent.

En définitive, nous pouvons nous réjouir que le Sénat se soit refusé en première lecture à un vote conforme qui n’aurait permis aucun des développements que je viens d’énumérer.

Soyez assurés, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que notre groupe sera particulièrement vigilant dans les mois à venir, afin que la réaffectation effective de la bande 700 s’opère dans les meilleures conditions, pour davantage de télévision haute définition et une plus grande couverture internet mobile dans notre pays !

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