Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre, je ne puis qu’exprimer la satisfaction des sénateurs du groupe UDI-UC. En effet, la commission mixte paritaire a permis de confirmer toutes les avancées obtenues par la Haute Assemblée sur cette proposition de loi – des avancées notables, compte tenu des incertitudes que soulevait le texte initial.
Cette proposition de loi, nul, bien sûr, ne songerait à en remettre en cause les objectifs : qui pourrait s’opposer à la modernisation de la TNT et au développement du très haut débit mobile qui en est le corollaire ?
Du côté de la télévision, cette réaffectation conduit les chaînes de la TNT à se concentrer sur une seule norme de compression, la norme MPEG–4, afin d’occuper un champ hertzien plus restreint. Moyennant quoi l’on fait d’une pierre deux coups, puisque cette nouvelle norme est le format de la haute définition, qui sera ainsi généralisée.
Du côté de la téléphonie mobile, la libération de la bande 700 par la télévision permettra aux opérateurs d’acquérir l’exploitation des fréquences dont ils auront besoin pour accompagner la croissance exponentielle du trafic et des services mobiles.
Toutefois, la proposition de loi soulevait un problème économique et stratégique, donc éminemment politique, un problème qui tenait dans cette simple question : pourquoi vendre la bande des 700 mégahertz maintenant ? La question se pose parce que la France est le premier pays à procéder à cette opération, et que, en réalité, les opérateurs de téléphonie mobile n’ont pas encore besoin des nouvelles fréquences. D’ailleurs, tous nos partenaires européens envisagent de procéder à la réaffectation au plus tôt en 2018, conformément aux recommandations de la Commission européenne. Pourquoi donc la France agit-elle maintenant ?
La réponse, simple, est à la fois financière et politique. Sur le plan financier, il fallait de toute urgence trouver de quoi boucler le budget de la défense, de sorte que le deuxième dividende numérique tombait à point nommé. Sur le plan politique, la motivation du Gouvernement est évidente, et encore moins reluisante : il s’agit de réaliser une recette tout de suite pour éviter que la droite et le centre n’en profitent quand ils reviendront au pouvoir.
Seulement voilà : ce choix n’est pas neutre, et il pourrait coûter cher aux Français. De fait, si les fréquences sont vendues trop tôt, le montant des enchères risque d’être très inférieur à ce qu’il serait au moment où les opérateurs de téléphonie mobile en auront vraiment besoin. À l’heure où l’état des finances publiques est plus que jamais critique, le contribuable appréciera !
En dépit de son désaccord de fond avec ce choix, la Haute Assemblée a pris la décision responsable de le respecter tout en s’efforçant de garantir que la réaffectation des fréquences se déroulerait malgré tout dans les meilleures conditions.
Il s’agissait tout d’abord de résoudre deux difficultés immédiates et très concrètes.
La première de ces difficultés, ainsi qu’il a déjà été rappelé, tenait au choix de la date du 5 avril 2016 pour l’arrêt de la norme MPEG–2 : une date qui a suscité de nombreuses interrogations tant chez les éditeurs de programmes que chez les diffuseurs, qui estiment que les délais nécessaires à l’adoption des dispositions législatives permettant, en particulier, de procéder à la réorganisation des multiplex réduiront d’autant le temps dont disposeront les acteurs pour s’organiser.
Selon eux, dans la perspective d’une « nuit bleue » en avril prochain, la campagne d’information à destination des foyers concernés par cet arrêt aurait dû commencer au plus tard en septembre 2015, ce qui n’a pas été le cas, compte tenu des délais nécessaires pour le choix d’une agence de communication par l’Agence nationale des fréquences.
C’est pourquoi la commission de la culture de la Haute Assemblée avait adopté un amendement aux termes duquel la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, la CMDA, devait donner son avis, dans un délai d’un mois, sur la date retenue pour procéder à tout changement de standard de diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
Toutefois, Mme la ministre de la culture ayant accepté de réunir la CMDA le 4 novembre, ces dispositions sont devenues sans objet. C’est donc à bon droit que la commission mixte paritaire les a supprimées.
La seconde difficulté avait trait à la prise en compte du préjudice subi par les opérateurs techniques de diffusion.
C’est pourquoi la commission de la culture avait adopté un amendement visant à faire supporter le coût de cette indemnisation aux opérateurs de communications électroniques qui bénéficient de l’usage des fréquences de la bande des 700 mégahertz.
Une fois encore, les choses ont évolué entre la première lecture de ce texte et la réunion de la commission mixte paritaire, puisqu’un rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, sur le fondement duquel le Gouvernement a pris des engagements, a clarifié la situation. La CMP pouvait donc, sans préjudice, supprimer les dispositions introduites dans le texte par le Sénat.
L’examen de cette proposition de loi était également l’occasion de moderniser le cadre légal des mutations de fréquences. Le Sénat l’a fait en adoptant trois dispositions très importantes, qui ont toutes été conservées dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
La première disposition consiste à donner la possibilité au Conseil supérieur de l’audiovisuel de refuser son agrément lors du rachat d’une chaîne de la TNT lorsque l’éditeur n’a pas respecté ses obligations conventionnelles de programmation dans les deux années précédentes.
Cette mesure fait suite à l’épisode de la vente de la chaîne Numéro 23. Cette vente a révélé une faiblesse dans le droit applicable, puisque le régulateur est, aujourd’hui, dans l’impossibilité d’exercer l’une de ses missions, à savoir de veiller à ce qu’une chaîne qui ne remplit pas ses obligations ne fasse pas l’objet d’une vente spéculative.
De manière parfaitement cohérente, la commission mixte paritaire a complété le texte en restaurant le dispositif de l’article 264 de la loi Macron, qui prévoyait la taxation des plus-values réalisées lors de la cession d’une chaîne de la TNT, mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour vice de forme.
Parmi les autres apports du Sénat conservés par la CMP figure ensuite le maintien à l’article 7 du principe d’une couverture obligatoire d’au moins 95 % du territoire par la TNT. La rédaction en vigueur, qui concernait la télévision analogique, était certes devenue obsolète, mais il était essentiel pour nous – comme l’a très bien dit Mme Catherine Morin-Desailly – de maintenir ce principe de couverture du territoire.
Enfin, il faut mentionner un troisième apport du Sénat, également entériné par la CMP : l’introduction de l’article 7 quater A qui prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi, « un rapport sur l’éligibilité à l’aide à l’équipement des foyers » qui ne reçoivent la TNT « que par la voie satellitaire ».
Il s’agit là de mesures qui garantissent de manière substantielle l’équité du système.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera pour toutes ces raisons en faveur des conclusions de la présente commission mixte paritaire.