Je regrette cependant que, bien que ce débat ait duré si longtemps, de nombreuses décisions – taxe carbone, grand emprunt, suppression de la taxe professionnelle et toutes les modalités d’application – soient prises par ailleurs, alors qu’elles auront inévitablement un impact sur les engagements du Grenelle de l’environnement.
J’insisterai plus particulièrement sur les chapitres qui concernent l’agriculture.
L’un des premiers engagements du Grenelle I était la réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques et l’évolution des pratiques culturales. Certes, tout ce qui a été voté est intéressant, mais cela reste à notre avis trop limité. Aucun de nos amendements de fond n’a été adopté : qu’ils aient visé à détailler les types de connaissances nécessaires pour manipuler ces produits dangereux, à imposer aux distributeurs de ces produits un principe de non-rémunération des vendeurs en fonction des volumes vendus, à développer la recherche sur les produits de substitution, à orienter la recherche sur les objectifs des politiques environnementales, à faciliter la mise sur le marché et la vente des produits naturels peu préoccupants, puisque le décret publié au mois de juin dernier ne semble pas résoudre grand-chose. Et je ne parle pas des amendements relatifs aux façades maritimes !
Bien sûr, nous avons obtenu quelques résultats et la majorité du Sénat a reconnu la pertinence de certaines de nos propositions. À ce titre, je tiens à saluer le travail réalisé en commission. Nous avons, par exemple, convaincu le Sénat d’interdire l’usage des produits phytopharmaceutiques dans les zones où le public pourrait y être très sensible, par exemple les écoles ou les hôpitaux.
Nous avons également réussi à imposer une évolution du matériel agricole, afin que celui-ci soit conforme à des exigences sanitaires, environnementales et de sécurité, de manière à éviter les fuites, la diffusion non ciblée et, surtout, pour préserver d’abord la sécurité et la santé des agriculteurs.
Toutefois, les articles et les nouveaux dispositifs qui viennent d’être adoptés par la majorité du Sénat permettront-ils réellement d’atteindre les objectifs qui ont été fixés dans le Grenelle I ? J’en doute et je me demande si certains de nos collègues de la majorité ne partagent pas ce sentiment.
Pourtant, je reste persuadée que ces dispositions auraient pu avoir un effet important, notamment si elles avaient été accompagnées d’efforts plus sérieux quant à la formation des agriculteurs, à la recherche sur la lutte intégrée contre les ravageurs ou sur des pratiques culturales plus économes en intrants.
Or le projet de loi de finances pour 2010 fait apparaître que le Gouvernement a prévu, pour le budget de l’agriculture, le non-remplacement d’une partie des fonctionnaires – environ 730 postes sont concernés – ou encore la quasi-stabilité des crédits pour l’enseignement supérieur et la recherche. Est-ce vraiment ainsi que le Gouvernement entend accompagner le Grenelle de l’environnement ?
Nous sommes aussi obligés de constater avec amertume le manque d’engagement financier du Gouvernement. Cela se traduit par la présentation d’un projet de loi de finances pour 2010 loin d’être « grenello-compatible » ou « grenello-fondateur ». Nous l’avions déjà souligné au mois de juillet dernier : la véritable révolution de nos pratiques au quotidien ne pourra se satisfaire de bonnes intentions et de déclarations, même si certains parmi vous, mes chers collègues, pensent que l’« écologie plaisir » doit être laissée à la libre appréciation des acteurs et des marchés. Telle n’est pas notre conception.
Le credo de la majorité, « mettre l’outil fiscal au service de l’environnement », résonne là encore comme un vœu pieux, qui hypothèque la nécessaire mutation écologique. Le Parlement se trouve ainsi confronté, avec le Grenelle II, à l’adoption de nouveaux engagements que l’État, nous le craignons fort, sera incapable de financer.
Dans ce contexte, encore une fois, les collectivités sont appelées en renfort pour pallier les désengagements ou les non-engagements de l’État. Nous constatons ainsi qu’elles ont une grande responsabilité dans la mise en œuvre des engagements du Grenelle de l’environnement. Certaines ont même déjà très largement entamé ce processus. Or elles seront totalement asphyxiées financièrement, notamment, tout le monde le sait déjà, par la suppression de la taxe professionnelle que propose le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2010.