Intervention de Jean-Claude Magendie

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 septembre 2015 à 16h07
Nomination du gouverneur de la banque de france — Audition de Mme Jézabel Couppey-soubeyran et de Mm Jean-Claude Magendie jean maïa et jean-claude trichet

Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, ancien membre de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique :

Les analyses et conclusions de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique ont fait l'objet d'un rapport à l'origine de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Si la tradition française de service public et l'attachement aux valeurs sous-jacentes constituent un rempart contre le risque de conflits d'intérêts, les acquis ne suffisent plus. Les attentes des citoyens sont plus élevées. Par ailleurs, les passages du secteur privé au secteur public sont plus fréquents, d'où un risque de conflits d'intérêts plus important. La législation française en matière de conflit d'intérêts, ancienne, est surtout répressive, avec le délit de prise illégale d'intérêts. Le volet préventif est insuffisant.

Une définition opérationnelle, raisonnable et effective du conflit d'intérêts est nécessaire à l'articulation cohérente de dispositifs de prévention. La notion n'a guère fait l'objet de tentatives de définition, sauf très récemment, par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Conseil de l'Europe ou le Canada, pays souvent précurseur. Aucune définition n'est universelle, mais dépend des attentes collectives. Toutefois, celle de l'OCDE offre un socle commun de réflexion : « Un conflit d'intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d'un agent public, dans lequel l'agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s'acquitte de ses obligations et de ses responsabilités. » On y retrouve les notions de présent et de passé, de conflit potentiel, à la suite d'une nomination notamment, et d'apparence. Cette définition se place en partie sur le terrain extra-juridique, celui des comportements individuels et des pratiques organisationnelles.

Les différentes définitions du conflit d'intérêts présentent des caractéristiques communes fondamentales, dont l'importance des apparences : la personne investie de fonctions publiques possède des intérêts personnels susceptibles d'influer ou de paraître influer sur l'exercice de ces fonctions. Il s'agit de s'assurer de l'impartialité tant subjective qu'objective. Autre caractéristique, l'existence d'un conflit, opposition ou convergence de nature à susciter un doute objectivement justifié. L'OCDE a invité les États à identifier les situations de conflits d'intérêts inacceptables en posant la question suivante : « Une personne raisonnable ayant connaissance de l'ensemble des faits pertinents risque-t-elle de penser que l'intégrité de l'administration est menacée par des conflits d'intérêts non résolus ? » Afin d'éviter la paralysie de l'action des décideurs publics, tout est question de degré.

Les intérêts personnels, outre moraux, sont aussi matériels : patrimoniaux, financiers et professionnels - contrats de travail en cours ou passés, commerciaux ou civils. La temporalité, multiple, porte sur les intérêts détenus avant, pendant et après l'exercice des fonctions. Les risques de conflit d'intérêts sont moins élevés quand les intérêts sont antérieurs ou postérieurs plutôt que simultanés à la période, mais les frontières sont poreuses. L'avantage personnel n'est pas nécessairement immédiat ni direct. Il s'agit d'apprécier la péremption des intérêts concernés, au-delà d'une durée raisonnable et pertinente.

La définition de la Commission de réflexion a été reprise dans la loi. Dans l'esprit de ses membres, la relation professionnelle susceptible d'être regardée comme problématique doit s'entendre de relations ayant donné lieu à un contrat de travail, une rémunération ou un mandat éventuellement social quelconque.

Ces considérations objectives tirées du rapport de la Commission de réflexion excluent toute interprétation personnelle qui m'exposerait au risque de partialité et d'immixtion dans votre mission constitutionnelle.

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