Intervention de Michel Sapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 septembre 2015 à 12h44
Projet de loi de finances pour 2016- Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics et de M. Christian Eckert secrétaire d'état chargé du budget

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Je vous remercie de nous donner l'occasion de venir vous présenter ce projet de loi de finances. Quelle est la situation de nos finances publiques ? Pour la première fois depuis longtemps, l'hypothèse de croissance retenue en loi de finances initiale sera respectée. Il existe en effet un consensus pour dire que la prévision de croissance de 1 % prévue sera atteinte et sans doute dépassée. Cette situation vient après trois années de croissance extrêmement faible en France comme dans la zone euro, ce dont l'activité économique, l'emploi et les comptes publics ont été affectés.

Cette année, notre objectif de déficit de 3,8 %, dont vous aviez débattu l'an dernier à défaut de le voter, sera atteint. Le rythme des recettes et des dépenses est parfaitement en ligne avec nos prévisions. Depuis de très nombreuses années, c'est la première fois que l'objectif fixé par le Parlement sera respecté.

Cette situation nourrit une relation de confiance avec les autorités européennes, alors que l'an passé, ces relations étaient beaucoup plus complexes. En raison des traités, la Commission européenne examine en effet les budgets de chaque pays, émet des recommandations et peut recourir à des incitations punitives si l'un d'entre eux ne respecte pas ses engagements. Désormais, notre dialogue est serein, nous n'avons pas un glaive au-dessus de notre tête. Au demeurant, la réduction des déficits est d'abord de l'intérêt de la France.

Vous connaissez l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) : dans la langue qui est la sienne, les termes qu'il emploie sont différents de ceux des années passées. Il reconnaît que l'hypothèse de croissance du Gouvernement est « réaliste » et que le chiffre de 1,5 % reste « atteignable », alors qu'il qualifiait d'optimiste celle pour 2015. Or, vous savez qu'optimiste signifie inatteignable ; à l'inverse, atteignable signifie que l'objectif sera atteint, et réaliste qu'il sera dépassé ! Avec cette hypothèse prudente, je crois que nous échapperons au débat classique mettant en cause la sincérité des hypothèses qui fondent le budget.

L'hypothèse de l'inflation a été plus compliquée à fixer. En 2014 et 2015, l'inflation a été particulièrement faible : ni la France, ni l'Europe n'avaient vu venir ce choc, qui a eu des conséquences sur l'exécution de nos budgets en recettes et en dépenses. En outre, nous avions prévu des économies en tablant sur la différence entre l'inflation et l'évolution de la dépense, en particulier dans le domaine social.

Pour l'an prochain, nous prévoyons une inflation de 1 %. Le HCFP se demande si elle ne sera pas plus faible. Son interrogation est compréhensible, mais nous avons essayé d'être cohérents avec la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE). Pourquoi être pessimiste alors que la BCE mène depuis l'été dernier une politique particulièrement bien adaptée, ce qui nous permet aujourd'hui de bénéficier d'un euro qui n'est pas surévalué et de taux d'intérêt qui restent faibles ?

Les taux d'intérêt, qui ont des conséquences sur le coût de la dette mais aussi sur le financement de l'économie, devraient rester bas en 2016 : à la fin de l'année, ils s'élèveraient à 1,4 % à dix ans, contre moins de 1 % aujourd'hui. Fin 2016, nous prévoyons 2,4 %, chiffre qui pourrait ne pas être atteint. Nous gardons ainsi une marge de sécurité. À ceux qui nous disent que ces économies sont volatiles, je réponds qu'il n'en est rien car il s'agit d'économies pérennes : en 2016, l'Agence France Trésor (AFT) empruntera 187 milliards d'euros, dont 127 milliards d'euros pour refinancer des dettes anciennes au taux beaucoup plus élevé que ceux d'aujourd'hui. Or, nous empruntons sur 6 à 10 ans, ce qui permet d'envisager une diminution annuelle du niveau des intérêts payés par la France.

Pour le reste, et comme je le disais ce matin, la surprise de ce budget, c'est qu'il n'y a pas de surprises. Ce budget met en oeuvre des orientations déjà fixées, respecte des engagements déjà pris. Ainsi en est-il pour l'évolution des prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages. Nous diminuerons de 9 milliards d'euros les cotisations et les impôts des entreprises, conformément à ce qui avait été annoncé dans le cadre du Pacte de responsabilité. Ainsi en sera-t-il de la fin de la surcotisation de l'impôt sur les sociétés prélevée sur les grandes entreprises, soit 2,5 milliards d'euros ; de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en faisant en sorte que 80 000 nouvelles entreprises de taille intermédiaire (ETI) bénéficient de cette mesure ; de la baisse de cotisations des entreprises non plus seulement du SMIC jusqu'à 1,6 SMIC, ce que nous avons fait en 2015, mais de 1,6 à 3,5 SMIC l'année prochaine.

Nous tenons également nos engagements en faveur des ménages avec une réduction de 2 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu des plus modestes. La France compte près de 18 millions de foyers fiscaux qui payent l'impôt sur le revenu. Or, plus de 12 millions de foyers auront bénéficié entre 2015 et 2016 d'une baisse ou même d'une suppression de leur impôt sur le revenu. Certains disent que les hauts salaires ont vu leur impôt sur le revenu augmenter. C'est exact, mais il nous paraît légitime que les impôts de ceux qui ont les revenus les plus importants augmentent, et il nous semble injuste que l'appel à l'effort s'étende à des foyers extrêmement modestes. On nous reproche de concentrer l'impôt sur le revenu sur un nombre limité de ménages, mais l'an prochain 46 % des foyers français payeront l'impôt sur le revenu, comme en 2007 : nous revenons à la situation d'avant la crise. En outre, tout le monde paye la contribution sociale généralisée (CSG) qui pèse sur tous les revenus, y compris les plus modestes.

Nous proposons une réforme des modalités de perception de l'impôt : nous lançons la première étape de l'élaboration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui deviendra effectif le 1er janvier 2018. Il faut que tous les acteurs connaissent au cours de 2017 l'intégralité des mesures. Nous vous proposerons dans la loi de finances pour 2017 les modalités précises de ce prélèvement à la source. En 2016, nous aurons déjà des débats et des choix à opérer.

Deuxième élément de simplification : la dématérialisation la plus large possible des déclarations et du paiement de l'impôt sur le revenu. Quand 40 % des ménages français déclarent leur l'impôt sur le revenu par Internet, en Italie et dans d'autres pays, on est proche des 100 %. L'an prochain, les ménages dont les revenus sont supérieurs à 40 000 euros devront établir leur déclaration par Internet. Il n'y aura pas de pénalisation avant deux exercices et toute personne qui ne pourra pas le faire le signalera et continuera à déclarer sur papier. Les pénalités se monteront à 15 euros pour les récalcitrants, mais il ne s'agit nullement d'un mécanisme coercitif. Nous avons intérêt à aller vers cette dématérialisation, plus simple pour les contribuables et qui dégage des économies structurelles : nos personnels pourront travailler dans de meilleures conditions.

Puisque nous réduisons à la fois les impôts et les déficits, nous maîtrisons les dépenses. Pour 2015, certains s'étaient interrogés mais nous respecterons intégralement le niveau des dépenses que nous avons fixé. De même que nous avons respecté les dépenses en 2014 et en 2015, nous respecterons nos objectifs pour 2016. Si vous voulez que nous en parlions, j'ai ici le détail des gouvernements qui ont le plus augmenté, mais aussi le plus diminué, les impôts sur les entreprises. Évitons les procès d'intention. Ce disant, je réagis aux déclarations de ce matin de celui que l'on peut considérer comme le chef potentiel de l'opposition - il a siégé peu de temps à la commission des finances à l'Assemblée nationale et a été quelques mois ministre des finances, ce qui explique sans doute des approximations...

Nous devons absolument maîtriser les dépenses de l'État et de la sécurité sociale et nous incitons les collectivités territoriales à faire de même, tout particulièrement pour leurs dépenses de fonctionnement, sachant que nous avons mis en place un fonds d'incitation à l'investissement en faveur des collectivités territoriales doté d'un milliard d'euros. En 2014 et 2015, période post-électorale, l'investissement des communes a marqué le pas. L'alternance a été importante, d'où la suspension d'un certain nombre de projets, mais l'année 2016 devrait être marquée par la reprise des investissements locaux.

Tels sont les grands principes qui fondent ce projet de loi de finances pour 2016.

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