La réunion est ouverte à 16h30
Nous entendons Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2016.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de venir vous présenter ce projet de loi de finances. Quelle est la situation de nos finances publiques ? Pour la première fois depuis longtemps, l'hypothèse de croissance retenue en loi de finances initiale sera respectée. Il existe en effet un consensus pour dire que la prévision de croissance de 1 % prévue sera atteinte et sans doute dépassée. Cette situation vient après trois années de croissance extrêmement faible en France comme dans la zone euro, ce dont l'activité économique, l'emploi et les comptes publics ont été affectés.
Cette année, notre objectif de déficit de 3,8 %, dont vous aviez débattu l'an dernier à défaut de le voter, sera atteint. Le rythme des recettes et des dépenses est parfaitement en ligne avec nos prévisions. Depuis de très nombreuses années, c'est la première fois que l'objectif fixé par le Parlement sera respecté.
Cette situation nourrit une relation de confiance avec les autorités européennes, alors que l'an passé, ces relations étaient beaucoup plus complexes. En raison des traités, la Commission européenne examine en effet les budgets de chaque pays, émet des recommandations et peut recourir à des incitations punitives si l'un d'entre eux ne respecte pas ses engagements. Désormais, notre dialogue est serein, nous n'avons pas un glaive au-dessus de notre tête. Au demeurant, la réduction des déficits est d'abord de l'intérêt de la France.
Vous connaissez l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) : dans la langue qui est la sienne, les termes qu'il emploie sont différents de ceux des années passées. Il reconnaît que l'hypothèse de croissance du Gouvernement est « réaliste » et que le chiffre de 1,5 % reste « atteignable », alors qu'il qualifiait d'optimiste celle pour 2015. Or, vous savez qu'optimiste signifie inatteignable ; à l'inverse, atteignable signifie que l'objectif sera atteint, et réaliste qu'il sera dépassé ! Avec cette hypothèse prudente, je crois que nous échapperons au débat classique mettant en cause la sincérité des hypothèses qui fondent le budget.
L'hypothèse de l'inflation a été plus compliquée à fixer. En 2014 et 2015, l'inflation a été particulièrement faible : ni la France, ni l'Europe n'avaient vu venir ce choc, qui a eu des conséquences sur l'exécution de nos budgets en recettes et en dépenses. En outre, nous avions prévu des économies en tablant sur la différence entre l'inflation et l'évolution de la dépense, en particulier dans le domaine social.
Pour l'an prochain, nous prévoyons une inflation de 1 %. Le HCFP se demande si elle ne sera pas plus faible. Son interrogation est compréhensible, mais nous avons essayé d'être cohérents avec la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE). Pourquoi être pessimiste alors que la BCE mène depuis l'été dernier une politique particulièrement bien adaptée, ce qui nous permet aujourd'hui de bénéficier d'un euro qui n'est pas surévalué et de taux d'intérêt qui restent faibles ?
Les taux d'intérêt, qui ont des conséquences sur le coût de la dette mais aussi sur le financement de l'économie, devraient rester bas en 2016 : à la fin de l'année, ils s'élèveraient à 1,4 % à dix ans, contre moins de 1 % aujourd'hui. Fin 2016, nous prévoyons 2,4 %, chiffre qui pourrait ne pas être atteint. Nous gardons ainsi une marge de sécurité. À ceux qui nous disent que ces économies sont volatiles, je réponds qu'il n'en est rien car il s'agit d'économies pérennes : en 2016, l'Agence France Trésor (AFT) empruntera 187 milliards d'euros, dont 127 milliards d'euros pour refinancer des dettes anciennes au taux beaucoup plus élevé que ceux d'aujourd'hui. Or, nous empruntons sur 6 à 10 ans, ce qui permet d'envisager une diminution annuelle du niveau des intérêts payés par la France.
Pour le reste, et comme je le disais ce matin, la surprise de ce budget, c'est qu'il n'y a pas de surprises. Ce budget met en oeuvre des orientations déjà fixées, respecte des engagements déjà pris. Ainsi en est-il pour l'évolution des prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages. Nous diminuerons de 9 milliards d'euros les cotisations et les impôts des entreprises, conformément à ce qui avait été annoncé dans le cadre du Pacte de responsabilité. Ainsi en sera-t-il de la fin de la surcotisation de l'impôt sur les sociétés prélevée sur les grandes entreprises, soit 2,5 milliards d'euros ; de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en faisant en sorte que 80 000 nouvelles entreprises de taille intermédiaire (ETI) bénéficient de cette mesure ; de la baisse de cotisations des entreprises non plus seulement du SMIC jusqu'à 1,6 SMIC, ce que nous avons fait en 2015, mais de 1,6 à 3,5 SMIC l'année prochaine.
Nous tenons également nos engagements en faveur des ménages avec une réduction de 2 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu des plus modestes. La France compte près de 18 millions de foyers fiscaux qui payent l'impôt sur le revenu. Or, plus de 12 millions de foyers auront bénéficié entre 2015 et 2016 d'une baisse ou même d'une suppression de leur impôt sur le revenu. Certains disent que les hauts salaires ont vu leur impôt sur le revenu augmenter. C'est exact, mais il nous paraît légitime que les impôts de ceux qui ont les revenus les plus importants augmentent, et il nous semble injuste que l'appel à l'effort s'étende à des foyers extrêmement modestes. On nous reproche de concentrer l'impôt sur le revenu sur un nombre limité de ménages, mais l'an prochain 46 % des foyers français payeront l'impôt sur le revenu, comme en 2007 : nous revenons à la situation d'avant la crise. En outre, tout le monde paye la contribution sociale généralisée (CSG) qui pèse sur tous les revenus, y compris les plus modestes.
Nous proposons une réforme des modalités de perception de l'impôt : nous lançons la première étape de l'élaboration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui deviendra effectif le 1er janvier 2018. Il faut que tous les acteurs connaissent au cours de 2017 l'intégralité des mesures. Nous vous proposerons dans la loi de finances pour 2017 les modalités précises de ce prélèvement à la source. En 2016, nous aurons déjà des débats et des choix à opérer.
Deuxième élément de simplification : la dématérialisation la plus large possible des déclarations et du paiement de l'impôt sur le revenu. Quand 40 % des ménages français déclarent leur l'impôt sur le revenu par Internet, en Italie et dans d'autres pays, on est proche des 100 %. L'an prochain, les ménages dont les revenus sont supérieurs à 40 000 euros devront établir leur déclaration par Internet. Il n'y aura pas de pénalisation avant deux exercices et toute personne qui ne pourra pas le faire le signalera et continuera à déclarer sur papier. Les pénalités se monteront à 15 euros pour les récalcitrants, mais il ne s'agit nullement d'un mécanisme coercitif. Nous avons intérêt à aller vers cette dématérialisation, plus simple pour les contribuables et qui dégage des économies structurelles : nos personnels pourront travailler dans de meilleures conditions.
Puisque nous réduisons à la fois les impôts et les déficits, nous maîtrisons les dépenses. Pour 2015, certains s'étaient interrogés mais nous respecterons intégralement le niveau des dépenses que nous avons fixé. De même que nous avons respecté les dépenses en 2014 et en 2015, nous respecterons nos objectifs pour 2016. Si vous voulez que nous en parlions, j'ai ici le détail des gouvernements qui ont le plus augmenté, mais aussi le plus diminué, les impôts sur les entreprises. Évitons les procès d'intention. Ce disant, je réagis aux déclarations de ce matin de celui que l'on peut considérer comme le chef potentiel de l'opposition - il a siégé peu de temps à la commission des finances à l'Assemblée nationale et a été quelques mois ministre des finances, ce qui explique sans doute des approximations...
Nous devons absolument maîtriser les dépenses de l'État et de la sécurité sociale et nous incitons les collectivités territoriales à faire de même, tout particulièrement pour leurs dépenses de fonctionnement, sachant que nous avons mis en place un fonds d'incitation à l'investissement en faveur des collectivités territoriales doté d'un milliard d'euros. En 2014 et 2015, période post-électorale, l'investissement des communes a marqué le pas. L'alternance a été importante, d'où la suspension d'un certain nombre de projets, mais l'année 2016 devrait être marquée par la reprise des investissements locaux.
Tels sont les grands principes qui fondent ce projet de loi de finances pour 2016.
Une bonne nouvelle est passée inaperçue : l'Insee a récemment revu le déficit public de 2014 à la baisse, à 3,9 % du PIB. Je regrette que personne n'en parle.
Michel Sapin l'a dit, ce budget maintient le cap : le déficit public se réduit comme prévu, et même plus vite que prévu. Les baisses de prélèvements annoncées pour 2016 sont mises en oeuvre, et pour financer tout cela, nous vous proposons un nouvel ensemble d'économies - comme prévu par le plan d'économies de 50 milliards d'euros qui concerne l'ensemble de la dépense publique.
Les bons résultats obtenus depuis un an confortent notre politique et contribuent à sa crédibilité : en 2014, le déficit public a été moins élevé que prévu, à 3,9 % et la dépense publique a progressé à un rythme extraordinairement bas de 0,9 % en valeur. D'ailleurs, le HCFP indique lui-même dans son avis que « ces dernières années, les efforts de maîtrise de la dépense publique ont été sensibles ».
Pour 2015, la prévision de déficit public était de 4,1 % en loi de finances initiale. Depuis avril, nous avons revu cette prévision à 3,8 % et toutes les informations disponibles confortent cette prévision, y compris l'avis que le HCFP vient de rendre. J'ai lu qu'il manquerait quelques milliards d'euros de TVA, quelques milliards d'euros d'impôt sur le revenu. Tout cela ne tient pas debout. Les prévisions de recettes seront en ligne avec nos prévisions de la loi de finances initiale et celles du programme de stabilité.
Le déficit de l'État pour 2015 est réduit de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Je vous l'avais annoncé au moment du débat d'orientation des finances publiques : les recettes fiscales sont en légère plus-value de 100 millions d'euros par rapport au programme de stabilité et les dépenses sont nettement moins élevées que prévu. C'est la première fois depuis 2011, que le déficit de l'État est inférieur en exécution à la prévision de la loi de finances initiale - il atteignait à l'époque 90,7 milliards d'euros.
Notre politique budgétaire est stable, prévisible et crédible. Cette crédibilité passe par le respect d'un principe : pas de dépense nouvelle sans une économie pour la financer. C'est un principe que nous avons respecté dans la construction du budget et nous le respecterons lors de la discussion parlementaire. Bien qu'exigeant, il n'entrave pas notre action, bien au contraire : au cours des derniers mois, le Gouvernement a dû faire face à des événements imprévus et parfois tragiques, qui appelaient une réponse immédiate de la puissance publique et la mobilisation de ressources nouvelles. À chaque fois, nous avons engagé les dépenses nécessaires et, dans le même temps, nous avons dégagé les économies permettant de les financer. Les événements de janvier nous ont conduits à renforcer les moyens pour la sécurité des Français. Ce sont des dépenses nouvelles qui ont un impact tant sur l'année 2015 que sur l'année 2016. Pour 2015, nous les avons financées par les annulations de crédits du décret d'avance du 9 avril dernier et par des mises en réserve complémentaires de crédits. Pour 2016, ces dépenses, en particulier la hausse de 600 millions d'euros du budget de la défense, suite à la révision de la loi de programmation militaire (LPM), ont été intégrées à la construction du budget et elles sont prises en compte dans la baisse de 1,3 milliard d'euros des dépenses de l'État par rapport à la loi de programmation. Plus récemment, nous avons réagi face à deux crises d'importance : la crise agricole et l'accueil des migrants. Je reviendrai au cours des débats sur la façon dont nous financerons ces deux items. Ces exemples démontrent que la discipline budgétaire n'est pas une entrave à l'action.
Les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs baisseront en valeur par rapport à 2015, d'un milliard d'euros à périmètre constant. Il faut souligner cet effort considérable, parce que la répartition de l'effort est, à juste titre, un sujet de débat. Cet effort est plus marqué que celui des autres collectivités publiques : les dépenses de personnel de l'État resteront maîtrisées, même si notre effort de sécurité conduit à revoir à la hausse la trajectoire des effectifs de la défense et du ministère de l'intérieur. La révision de la LPM conduit, en particulier, à une augmentation nette des effectifs de l'État en 2016 ; mais hors révision de la LPM, l'effort est réel, avec une baisse de 1 495 équivalents temps plein (ETP).
Nous poursuivrons l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement des ministères mais aussi des opérateurs, avec une nouvelle baisse des ressources affectées et une extension de 50 % du champ de leur plafonnement, ce qui correspond à une quasi-généralisation de cet excellent principe de gouvernance, auquel le Sénat était particulièrement attaché.
Le projet de loi de finances comporte aussi des réformes structurelles qui soit permettent des économies directes, soit assurent la soutenabilité de l'intervention publique. Sur la politique du logement, nous prévoyons des évolutions des modalités d'attribution et de calcul des aides personnelles au logement, inspirées du rapport de l'Assemblée nationale fait par votre collègue François Pupponi et qui iront dans le sens d'une plus grande équité entre bénéficiaires. Nous réformons également le financement et le volume des aides à la pierre, avec la création d'un fonds autonome, dont la gouvernance et le financement seront partagés entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.
Nous engageons aussi une réforme des modalités d'indexation des prestations sociales, qui font l'objet de deux dispositions en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces dispositions permettront d'harmoniser les dates et les méthodes de revalorisation des prestations, toutes revalorisées à partir de l'an prochain au 1er avril sur la base de l'inflation des douze derniers mois constatée, à l'exception des retraites qui resteront revalorisées le 1er octobre. Nous réformons également le financement de l'aide juridictionnelle et nous affectons une nouvelle ressource fiscale pour garantir le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.
La baisse des dotations aux collectivités territoriales sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s'y était engagé, par la création d'un fonds d'aide à l'investissement local, doté d'une capacité d'engagement d'un milliard d'euros. C'est l'objet d'un article du projet de loi de finances. Ainsi, le Gouvernement souhaite assurer que les économies réalisées par les collectivités locales, indispensables dans le cadre de l'effort de l'ensemble des administrations publiques, ne remettent pas en cause l'investissement local.
Ces évolutions seront accompagnées d'une réforme en profondeur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal, inspirée par le rapport de votre collègue Jean Germain, dans une première étape, et de la députée Christine Pirès-Beaune, et qui sera un moment important du débat parlementaire : une réforme pour une DGF plus juste et plus transparente, qui résorbera progressivement les écarts excessifs et souvent injustifiés entre collectivités, y compris à l'intérieur d'une même strate. Parallèlement, nous développerons la péréquation horizontale dans des proportions que nous évoquerons ensemble.
Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, l'objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) sera fixé à 1,2 % en 2016 et à 1,6 % pour les dépenses de fonctionnement. Nous anticipons ainsi un ralentissement de la hausse de ces dépenses, en lien avec l'adaptation progressive des collectivités à l'évolution de leurs dotations.
Au total, non seulement les économies proposées financent les dépenses nouvelles mais elles réalisent aussi un effort complémentaire de 1,3 milliard d'euros par rapport à la loi de programmation de décembre 2014, qui constitue notre référence. Elles financent aussi les baisses d'impôts en faveur des ménages.
Nous réformons la décote, ce qui adoucit la pente d'entrée dans l'impôt sur le revenu. Cette réduction ne sera pas la seule baisse d'impôts en 2016 : le projet de loi de financement de la sécurité sociale met en oeuvre la deuxième étape du volet « entreprises » ; de même, la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés disparaît.
Même si certaines mesures ont une incidence sur le budget de la sécurité sociale en recettes, l'État les compense intégralement. Ce sont 11 milliards d'euros de baisses d'impôts qui sont pris en charge par le budget de l'État, sous forme de reversement de part de TVA mais aussi sous forme de reprise de dépenses : l'État reprendra ce qui restait de dépenses d'allocation logement dans le budget de la sécurité sociale. Il ne faut donc pas vous étonner de voir une hausse des dépenses de l'État, puisque nous compensons les exonérations de cotisation du budget de la sécurité sociale. Je sais que beaucoup d'entre vous sont attachés à la bonne compensation des dépenses entre l'État et la sécurité sociale.
Ce projet de loi de finances prend en compte la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais à 72 milliards d'euros, le déficit du budget sera à son niveau le plus bas depuis 2008 : voilà bien la preuve que les économies financent les baisses d'impôts mais réduisent aussi le déficit.
La retenue à la source constitue la plus grande modernisation de l'impôt sur le revenu depuis des décennies. Elle représentera un vrai gain pour les contribuables, en particulier pour ceux qui voient leur revenu baisser. Elle ne remettra en cause ni la progressivité, ni la conjugalisation, ni la familialisation de l'impôt sur le revenu. Comme nous l'avons annoncé, elle sera effective à compter du 1er janvier 2018. Cela paraît éloigné, mais étant donnée l'ampleur du chantier, le calendrier est très serré. Nous nous engageons à donner un an à l'ensemble des acteurs pour s'adapter aux nouvelles démarches et obligations, qui doivent encore être précisées, car il ne faut prendre personne par surprise. C'est pourquoi nous présenterons au Parlement avant le 1er octobre 2016 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, ce qui permettra d'avoir un large débat public tout au long de l'année 2016. Une première étape est amorcée dès aujourd'hui avec la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement.
Notre politique budgétaire est à la fois stable et réactive. Elle est stable parce que les engagements de baisse du déficit et de baisse des impôts sont tenus. Elle est réactive parce nous pouvons mobiliser rapidement nos ressources pour faire face à l'urgence. Et ces deux qualités, elle les doit aux économies que ce budget vous propose.
Je vous remercie de cette présentation, dès après le conseil des ministres. Je commencerai par un motif de satisfaction...
ce qui est assez rare. Notre commission a parfois le tort - ou le mérite - d'avoir raison trop tôt. L'an passé, nous avions voté à la quasi-unanimité l'amortissement exceptionnel des PME. On nous avait dit à l'époque que cette mesure ne pouvait être financée ; nous l'avons toutefois retrouvée dans la loi dite « Macron ». Le groupe de travail sur la fiscalité du numérique, et avant lui Philippe Dallier et moi lors de précédents travaux, n'a eu de cesse de répéter qu'il fallait abaisser le seuil de la déclaration à la TVA sur les achats Internet de 100 000 euros à 35 000 euros, voici la mesure intégrée dans le projet de loi de finances... d'où notre satisfaction.
Comme les ministres, nous estimons que ce projet de loi de finances offre peu de surprises. L'an passé, le projet de loi de finances comportait peu de mesures fiscales, ce qui ne fut pas le cas du projet de loi de finances rectificative avec diverses majorations et créations de taxes (taxe d'habitation, taxe sur les terrains constructibles, taxe sur le risque systémique non déductible, non déductibilité des provisions des entreprises d'assurance, taxe sur les surface commerciales, taxe sur les parkings, taxe spéciale d'équipement en Île-de-France, etc.) pour un total de prélèvements supplémentaires de 1,2 milliard d'euros. Vous engagez-vous à ne pas créer de taxes nouvelles lors de la présentation de cette « voiture-balai » que constitue le projet de loi de finances rectificative ?
Certes, l'impôt sur le revenu diminuera l'an prochain. Cependant en 2011, son produit se montait à 51 milliards d'euros. En 2012, il atteignait 59 milliards d'euros. Il s'élève aujourd'hui à 72 milliards d'euros. La hausse a été tellement élevée que l'on pouvait s'attendre à la modération actuelle. Vous allez renforcer la concentration de l'impôt sur le revenu, puisque le nombre de foyers payant l'impôt sur le revenu va baisser. Il faut s'interroger sur le caractère même de l'impôt sur le revenu, dont le produit est de plus en plus concentré. Une étude d'impact a-t-elle été menée quant à l'effet de la baisse annoncée sur la concentration de l'impôt ?
Vous avez annoncé un total de 5,1 milliards d'euros d'économies dans le périmètre de l'État, mais nous avons du mal à distinguer ce qui relève d'économies de pure constatation, comme la charge de la dette et les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, des économies dues à des réformes structurelles. Pouvez-vous nous éclairer ? J'entends parler de réformes structurelles qui se monteraient à 2,7 milliards d'euros. Je reste un peu sur ma faim à la lecture des documents budgétaires : pourriez-vous préciser le détail de la répartition de ces économies ?
D'après le projet de loi de finances, plus de 8 000 postes seront créés l'année prochaine. Certaines de ces créations ne sont guère contestées sur les rangs de cette assemblée, notamment celles réalisées au profit du ministère de la défense. Cette hausse constitue d'ailleurs une nouveauté : jusqu'à présent, les effectifs de la défense étaient une sorte de variable d'ajustement pour financer des créations de postes, notamment au profit de l'éducation nationale. Sommes-nous toujours dans l'objectif de stabiliser les effectifs de l'État et des opérateurs sur la période 2012-2017 ? Si c'est le cas, combien faudra-t-il supprimer d'emplois en 2017 ?
Un certain nombre de contentieux fiscaux sont en cours, ainsi de ceux concernant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou la contribution sociale généralisée (CSG) des non-résidents. Disposez-vous d'une estimation des coûts des principaux contentieux fiscaux de masse ? À combien s'élèvent les provisions constituées dans ce cadre ?
Mes collègues parleront certainement de la réforme majeure de la DGF. Au Comité des finances locales (CFL), Marylise Lebranchu nous a indiqué le nombre exact de collectivités perdantes et gagnantes, à l'unité près. Pourquoi ne disposons-nous pas de ces simulations ? Enfin, envisagez-vous d'accompagner les baisses des dotations par une simplification des normes qui pèsent sur les collectivités territoriales ?
Une question fiscale sera traitée lors du projet de loi de finances rectificative, celle de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui se monte à 5 milliards d'euros mais qui n'est pas conforme au droit européen. Nous devrons prendre des décisions, mais si nous touchons à la CSPE, il nous faudra également regarder la contribution climat-énergie (CCE), dont l'évolution devra être fixée pour 2016. Enfin, certains poseront certainement des questions sur la fiscalité pesant sur les carburants. Nous travaillons sur la CSPE afin de ne pas perdre de recettes ; peut-être faudra-t-il envisager sa répartition sur d'autres sources d'énergie que l'électricité. Nous vous ferons des propositions lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative. En revanche, il n'y aura pas d'alourdissement de la fiscalité.
La rapporteure générale du budget de l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, nous demande tous les jours de lui fournir de multiples données et nous les lui transmettons lorsque nous en disposons. Nous ferons de même pour vous.
Vous m'interrogez sur les 5,1 milliards d'euros d'économies : nous ferons 800 millions d'euros d'économies sur la masse salariale, du fait du gel du point d'indice mais aussi de la réduction drastique des mesures catégorielles ; 2,7 milliards d'euros d'économies sur les aides au logement, l'aide juridictionnelle, l'unification des règles de revalorisation. Nous réaliserons également 600 millions d'euros d'économies sur le fonctionnement (gestion des achats et du patrimoine) et 1 milliard d'euros sur les opérateurs.
Le nombre de postes dans l'armée n'a jamais été la variable d'ajustement : la loi de programmation militaire (LPM) fixait une trajectoire à la baisse de 7 500 personnels par an. Nous sommes passés à une hausse : en 2017, 7 500 postes seront créés. Si l'on prend en compte la LPM, la création nette d'emplois s'élève à 8 202 ETP ; sans la LPM, le solde est négatif de - 1 795 ETP. Au ministère de l'économie, il y aura ainsi une diminution de 2 594 ETP.
Oui, les contentieux fiscaux ont été pris en compte à hauteur de 1,75 milliard d'euros pour les OPCVM, 400 millions d'euros pour l'affaire « De Ruyter » et 400 millions d'euros sur le précompte mobilier.
Il existe des simulations pour les collectivités locales qui ne sont pas secrètes : vous pouvez à tout moment venir consulter celles qui sont disponibles. Le 16 juillet, le Comité des finances locales a d'ailleurs reçu une présentation sur laquelle figuraient 43 simulations pour les villes et une trentaine pour les communautés de communes. Elles montrent que les dotations nettes de huit villes étaient positives, et il ne s'agissait pas toutes de communes rurales, puisqu'y figuraient Orléans et Denain. Pourquoi ne distribuons-nous pas de simulations plus nombreuses ? Parce que nous n'avons pas encore calculé les dotations des métropoles de Paris et d'Aix-Marseille-Provence, qui auront forcément une influence sur les autres. Nous ne voudrions pas donner des documents qui seront corrigés dans quelques semaines. Nous avons indiqué hier avec Marylise Lebranchu que chacun pourra venir consulter les documents disponibles, sans prendre de notes ou de photos.
Nous avons le temps d'y travailler. Le Gouvernement comprend que des critères puissent poser question. Certains ont évoqué la densité : est-ce un vrai critère de ruralité ? D'autres, l'effort fiscal et son mode de calcul. Si vous voulez participer à ce travail, nous sommes disposés à vous accueillir.
C'est le « grand bleu » ! Bravo pour ce bel exercice de communication, mais ce qui est annoncé est-il vraiment exceptionnel ? Compte tenu de l'environnement favorable (argent bon marché, coût de l'énergie en baisse, faiblesse du taux de change de l'euro), et du fait que la BCE, présidée par Mario Draghi, rachète tous les mois 60 milliards d'euros d'actifs, il est encore heureux de prévoir 1 % de croissance !
Première contradiction : à mon arrivée au Sénat, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault estimait que la justice, c'était la progressivité, partant l'impôt sur le revenu ; l'injustice, pour lui, c'était la TVA. Aujourd'hui, vous présentez exactement le contraire : vous diminuez l'impôt sur le revenu et vous avez augmenté la TVA. À quoi ce changement de doctrine est-il dû ?
En outre, avec les niveaux de déficit actuels, la dette continue à augmenter significativement. Certes, l'argent n'est pas cher, mais pour vous, quel est la barre d'endettement que notre pays ne doit pas franchir ? Je vais être un peu désagréable...
J'ai entendu il y a quelques jours que nous avions 20 000 chômeurs supplémentaires : quel en sera le coût, en sus des cinq millions existants ? Quel sera l'impact sur l'économie du pays ?
Les produits fiscaux seraient satisfaisants ; l'impôt sur les sociétés atteint-il le niveau où vous l'aviez inscrit dans les budgets précédents ?
Vous nous avez « tendu la perche », en disant que le budget social devait être examiné avec autant de soin que celui de l'État. Vous avez une ingénierie très habile pour équilibrer certains dispositifs : vous parlez de quelques milliards d'euros, mais vous faites « sauter » le plafond de 10 milliards d'euros de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), en l'élevant à 23,6 milliards d'euros, soit un accroissement de 13,6 milliards d'euros dès 2016. N'étiez-vous donc pas au courant, monsieur le ministre ?
Je n'ai jamais dit ne pas être courant !
N'avez-vous pas l'intention de faire sauter ce seuil de 10 milliards ? Le déficit de l'Acoss sera-t-il pris en charge par la Cades ?
Je regrette de vous interrompre mais vous m'avez prêté une attitude qui n'était pas la mienne.
Vous attendez 72,3 milliards d'euros de recettes contre 68,9 milliards d'euros l'année dernière sur l'impôt sur le revenu. Le rapporteur général indiquait que depuis 2011 on était passé de 51 à 72 milliards d'euros, qui pèsent sur 46 % de Français. De nombreux Français verront leur impôt sur le revenu s'alourdir. Quelle va être leur charge supplémentaire si les recettes sont censées croître ?
J'aimerais disposer de davantage de détails sur les économies prévues en 2016 et celles réalisées en 2015. Vous compariez les engagements de cette année à la loi de programmation et au programme de stabilité du printemps dernier. Tenir ses engagements depuis cinq mois n'est pas exceptionnel ! Je suis surpris de voir que les crédits ministériels ont augmenté de 203 milliards à 212 milliards d'euros, tandis que les dépenses de l'État ont crû de 372 à 383 milliards d'euros, soit plus de 10 milliards d'euros. Tout augmente, sauf les transferts aux collectivités locales qui baissent de 3,5 milliards d'euros. Vous voyez d'où vient la baisse du déficit de 2 milliards d'euros ! Les allègements fiscaux sont payés par les collectivités locales : ce n'est pas juste. L'augmentation des impôts pèsera sur les élus locaux.
Dans quelle mesure le budget prend-il en compte l'impact des nouvelles mesures annoncées en faveur des fonctionnaires ? Quel est leur coût ? Il se rajoutera aux 3,5 milliards d'euros ponctionnés... J'aimerais enfin disposer d'éléments détaillés sur les contentieux en cours et les choix budgétaires faits pour les prendre en compte.
Nous sommes satisfaits des engagements tenus du Gouvernement sur le déficit de 2014, de l'amélioration de la situation budgétaire en 2015 et des perspectives très encourageantes pour 2016. Merci d'avoir tenu compte des observations du Sénat sur la réduction des charges sur les coûts de production des entreprises ; la diminution de la C3S et d'autres charges pour les entreprises va dans le bon sens. Nous la réclamions depuis quelque temps, vous avez raison d'accélérer, de même que pour les baisses d'impôt pour les ménages.
Deux éléments nouveaux et positifs apparaissent sur les réformes structurelles et sur la réforme de la DGF - demandée par notre commission depuis plusieurs années : trop d'injustices dans le financement des collectivités sont constatées.
Le déficit public comprend une composante structurelle et une composante conjoncturelle. Les courbes qui nous sont présentées révèlent une trajectoire de - 1,7 % pour 2015, de - 1,2 % pour 2016 et on tend vers un déficit structurel « zéro » pour 2017. Sur la partie conjoncturelle, il y a un peu moins de vingt ans, l'Assemblée nationale avait été dissoute parce que le Gouvernement ne se sentait pas en mesure d'équilibrer le budget et qu'il fallait repartir sur d'autres bases. Le gouvernement dirigé par Lionel Jospin avait alors connu un déficit conjoncturel très nettement amélioré. Disposez-vous d'éléments pouvant attester d'une résorption plus rapide que prévu du déficit conjoncturel ?
La réforme des aides personnalisées au logement (APL) a été annoncée comme devant produire des effets très importants en matière budgétaire. On prévoit 200 millions d'euros pour 2016. On va dans la bonne direction, même si on n'a pas voulu toucher aux APL étudiantes, trop sensibles, et qu'on aurait pu aller plus loin dans le plafonnement des APL : au-delà de deux fois le plafond de loyer, cela ne concernera plus grand monde. L'important est de savoir si les chiffres annoncés se rapprocheront de la réalité. En 2013, en 2014 et probablement en 2015, ce qui avait été inscrit en loi de finances était insincère puisqu'à la fin de l'année dernière, on comptait 170 millions d'euros de dette envers le Fonds national d'aide au logement (FNAL). Vos services nous ont annoncé avant l'été qu'on atteindrait 350 millions d'euros avant la fin de l'année. Sur la mission budgétaire, on passerait à périmètre constant de 17,9 milliards à 17,7 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros d'économie - c'est-à-dire ce que vous nous donnez, grosso modo, pour la réforme des APL. Comment résorber les 350 millions d'euros de dette envers le FNAL ? Il faudrait repartir du bon pied avec un rebasage : je doute que vos chiffres le permettent.
Je regrette que vous ayez le même discours sur les collectivités locales qu'en 2014, lorsque la diminution des dotations avait été annoncée. Vous prétendiez que cela n'aurait pas d'impact sur l'investissement des collectivités, que celui-ci serait soutenable, que les collectivités n'avaient qu'à limiter leurs dépenses à l'inflation, et cela irait. Toutes les études montrent que la chute de l'investissement, déjà importante l'année dernière, va s'accélérer : on parle d'une réduction de 30 % de l'investissement, ce qui est colossal. Le fonds d'un milliard d'euros annoncé est un élément positif ; je crains pourtant que même avec 30 % de subvention, les collectivités soient incapables de trouver les 70 % restants. Seules les plus aisées pourraient disposer de ce fonds. Ce n'est pas une très bonne solution.
Nous souhaitions presque tous réformer la DGF. Mais pourquoi ne pas réformer, en parallèle, les dotations de péréquation ? De l'avis de tous, le système était incompréhensible avec des effets contradictoires comme contribuer au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), être éligible à la dotation de solidarité urbaine (DSU), neutre au fonds de solidarité de la région Ile-de-France... Or vous ne touchez qu'à la DGF ! J'attends les simulations avec impatience. La réforme améliorera-t-elle les choses si on prend en compte l'ensemble des dispositifs ? J'en doute...
Pourriez-vous nous donner des informations sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Immobilier de l'État » au titre des recettes attendues en 2016 ? Quelle est la nature de la contribution sur les oeuvres universitaires et scolaires de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » ? Un prélèvement sur le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) est-il prévu, et si oui, de quel ordre ?
Attendons la proposition détaillée sur la DGF. Je m'inquiète particulièrement que vous n'évoquiez jamais la situation des communes touristiques. Si l'unique critère est la population, vous coupez leurs capacités d'investissement alors que le ministre des affaires étrangères vient de fixer un objectif de 100 millions de touristes en France, ce qui nécessite d'être compétitif.
Pouvez-vous nous expliquer la répartition de la CVAE entre les départements et les régions ? Plus de la moitié du produit de la CVAE est prise aux départements au prétexte des nouvelles compétences régionales. Mais cela n'est pas justifié dans de nombreux départements. On retirerait 30 millions d'euros au mien alors que seuls les transports scolaires et les aides aux entreprises seront transférés à la région, ce qui est loin du compte. Le reste sera prélevé sur les engagements que nous avons pris dans la durée ; comment pourrons-nous entretenir les routes ou signer les volets départementaux des contrats de plan État-région (CPER) ? La loi NOTRe prévoit une compensation des transferts à l'euro près : même si cela ne devrait intervenir qu'en 2017 et que nous aurons donc le temps d'en discuter, il me semblerait utile de disposer de davantage d'éléments et de savoir comment les choses vont se passer.
Je complète les propos de Michel Bouvard. Même s'il y a compensation à l'euro près, la CVAE est une recette plus dynamique que les dépenses des transports scolaires, ce qui nous aidait à financer les dépenses sociales. Vous nous donnerez au mieux des dotations fixes alors que la région s'enrichira, sans cause. Les départements seront incapables de régler la dépense sociale. Il faudra donc trouver des solutions.
Tout en élargissant le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), vous souhaitez interdire la récupération sur les investissements pour la montée en haut débit, alors que tout le monde veut s'équiper en numérique. Dans les villes, cela se fait gratuitement, sans participation financière du milieu urbain, tandis que les départements sont obligés de le réaliser pour la partie rurale sans pouvoir récupérer la TVA. Comment y remédier ? Cela risque d'arrêter les équipements de la montée en débit.
Pourquoi le fonds pour investissement pour les collectivités locales d'un milliard d'euros toucherait les communes et les intercommunalités et non pas les départements ? Leurs bâtiments seraient-ils frappés d'une quelconque fatwa ?
Je suis satisfait que vos préoccupations des années précédentes - la remise en cause des bases de construction du projet de loi de finances - ne soient plus de mise. C'est un bon signe pour la démocratie que de discuter des mesures au lieu de la sincérité du budget. Notre budget est sincère, nos documents le montrent. La seule question sur ce sujet serait de savoir si la croissance pourrait être plus élevée qu'envisagé... J'aimerais avoir plus de questions comme celles de François Marc ! Mesdames et messieurs les sénateurs de droite, que feriez-vous si vous aviez plus que ce que vous aviez prévu ?
Pour moi, 1,5 % est une limite basse de la croissance. Il y a de réels aléas, dont certains sont positifs : le prix des matières premières devrait demeurer relativement bas, notamment les prix du pétrole. La politique monétaire de la BCE, que ce soit la valeur de l'euro ou les taux d'intérêts, aura probablement des conséquences bénéfiques pour les entreprises comme pour l'investissement des entreprises. Nous avions une inquiétude, la Grèce. C'est fou comme les sujets passent vite. Il y a trois mois, le monde entier craignait une explosion de la zone euro et ses conséquences. Nous avons pris les mesures qui s'imposaient, le gouvernement grec a aujourd'hui la stabilité nécessaire pour mettre en oeuvre les engagements qui sont les siens et la situation est redevenue calme.
Un aléa nouveau concerne les pays émergents, et notamment la Chine, le Brésil et la Russie, la première touchée par un ralentissement de son PIB, les suivants par des risques de récession qui pourraient avoir des effets mondiaux. Sans être d'un optimisme béat, l'on peut considérer qu'il s'agit davantage d'un rééquilibrage en profondeur de l'économie chinoise - ce qui répond à nos voeux - qui passerait d'un « Made in China » à un « Made for China », ce qui est à moyen terme une bonne chose pour l'équilibre de nos échanges commerciaux : les énormes excédents commerciaux chinois ne peuvent plus durer. Cet aléa apparaît plutôt positif, même si nous devons le regarder avec attention. Le taux de 1 % cette année est un plancher et nous ferons mieux, de même que pour les 1,5 % l'année prochaine. La réduction du déficit fera évoluer la dette dans le bon sens.
Francis Delattre s'interroge sur le niveau maximal d'endettement. Entre 2007 et 2012, la dette a explosé, elle a ensuite été confortée puis stabilisée : elle était de 95,6 % du PIB en 2014, elle sera de 96,3 % en 2015 ; 96,5 % en 2016 et en 2017. L'objectif n'est pas d'éviter le chiffre symbolique de 100 %, mais d'inverser les choses. Les marchés nous font confiance et nous prêtent de l'argent à faible taux. Dans la zone euro, en cas d'inquiétude, les investisseurs viennent vers l'Allemagne et la France, une confiance qui se mérite. C'est pourquoi nous prônons la maîtrise du déficit.
Reprenez la courbe de la dépense publique sur les dix dernières années. Dans la première période, les dépenses publiques s'accroissaient de 3,2 % par an ; le rythme n'atteint plus que 1 % par an actuellement. La différence entre les deux tient à un effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique. Pour l'année prochaine, nous vous proposons un déficit de 3,3 % ; nous réduisons les impôts des entreprises et des ménages, sans créer d'impôt nouveau, et fixons des priorités - dont la sécurité extérieure et intérieure, ce qui fait consensus. Comment faisons-nous ? Uniquement par la maîtrise des dépenses. Nos propositions ont été respectées en 2014 et sont en passe de l'être en 2015. En 2016, ce sera la même chose. Les dépenses publiques nouvelles - et il y en aura au cours de la discussion budgétaire (des dépenses sur les HLM, les réfugiés, les universités, l'aide au développement ont déjà été annoncées) - seront toutes compensées par de nouvelles économies, seules variables d'ajustement.
Le prix de l'argent n'est pas complètement lié au hasard comme Francis Delattre semble le penser : même si les taux d'intérêts sont favorables, un banquier ne prête pas à un mauvais créancier, sinon à un taux proche de l'usure. C'est donc une question de confiance. Pour la fin de l'année 2015, nous avions prévu un taux d'intérêt de 1,4 %, et de 2,4 % pour 2016. Actuellement, le taux d'intérêt demeure inférieur à 1 %. Au coeur de la crise grecque, il dépassait à peine 1,2 %. On peut toujours jouer à se faire peur, mais nos prévisions sont jugées prudentes.
Il manquera au maximum 300 millions d'euros de recettes pour l'impôt sur les sociétés, car le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) coûte plus cher que prévu : il « marche » bien. Mais le cinquième acompte, qui anticipe sur les résultats de l'année suivante, est payé à la fin de l'année, et l'an dernier, une entreprise nous a versé un cinquième acompte de 700 millions d'euros que nous n'avions pas prévu ! Cela peut arriver dans les deux sens, mais nous sommes dans l'épure.
Je ne sais pas ce que vous voulez dire sur la Cades : depuis la loi de 2011, votée sous votre majorité, est prévu le transfert d'une somme plafonnée de l'Acoss sur la Cades, sans que les choses soient précisées. Nous transférons 23,6 milliards d'euros, solde de ce que nous pouvons transférer de l'Acoss à la Cades. En quoi serait-ce une opération de Gribouille par rapport à l'Europe ou à vous-même ?
L'Acoss emprunte, de même que la Cades, et dans des conditions proches. Nous anticipons cette consolidation et la durée d'amortissement de la Cades est raccourcie d'un an, en raison de meilleures conditions d'emprunt. Ce transfert ne crée aucune dette supplémentaire : la dette publique est de la dette publique, qu'elle soit à l'Acoss ou à la Cades.
Vincent Delahaye, vous nous interrogez sur le devenir de l'impôt sur le revenu (IR). La prime pour l'emploi (PPE) réduisait l'impôt ; la suppression de la PPE et la création de la prime d'activité augmentent l'IR de 2 milliards d'euros. La progression inattendue de 0,7 % de la masse salariale au premier trimestre a un effet sur l'impôt sur le revenu.
Vous avez raison, 9,7 milliards d'euros sont des mesures de périmètre : 4,7 milliards d'euros pour le Pacte de responsabilité transférant des crédits de l'État à la sécurité sociale, PPE devenue prime d'activité et abondant les Caisses d'allocations familiales... En outre, 1,6 milliard d'euros de crédits de la défense ont été rebudgétés pour pallier la suppression du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » ; avec 2,1 milliards d'euros d'économies sur le budget de l'État au sens large, on atteint 9,7 milliards d'euros de mesures de périmètre qui donnent in fine 7,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Vous pouvez voir l'impact des mesures précédentes dans le tableau détaillé pour 2015, 2016 et 2017.
J'ai évoqué trois contentieux. Vous seriez cruellement surpris du coût des contentieux communautaires lorsque vous connaitrez leur point de départ - notamment pour les OPCVM et le précompte mobilier.
Les mesures pour les fonctionnaires ont été intégrées dans ce budget en appliquant la réforme, malgré l'absence d'accord syndical. Je vous en donnerai le détail.
Philippe Dallier, la situation des APL et du FNAL dépendra beaucoup de la fin de gestion. Je ne peux répondre de façon complète à ce stade.
On entend beaucoup de chiffres - 30 %, 11 %, 14 %, etc. - sur la chute des investissements dans les collectivités locales. Elle est d'abord due au cycle électoral, avec le dernier renouvellement. Les investissements sont moindres en début de cycle, et la baisse est un peu plus marquée cette fois-ci. Nous disposerons d'un chiffrage précis en fin d'année. De plus, les collectivités ont parfois eu des incertitudes sur l'adoption assez lente de la loi NOTRe ou l'élaboration des cartes de coopération intercommunale - si les principes sont établis, les préfets commencent juste à réunir les commissions départementales, pour voir qui se marie avec qui. Cela peut laisser certains élus dans une phase interrogative peu propice à un investissement. Enfin, et c'est la seule et unique cause selon certains, la diminution des dotations de l'État. Selon l'Observatoire des finances locales, dont le président, je crois, est l'un de mes amis, André Laignel, les dotations aux collectivités locales représentent en moyenne 17 % de leurs recettes ; 62 % des autres recettes sont constituées de recettes fiscales, dynamiques, en raison de plusieurs facteurs : les bases sont révisées forfaitairement par le Parlement chaque année, les assiettes s'élargissent compte tenu du développement de certaines communes, et les élus peuvent augmenter leur taux d'imposition. Les recettes fiscales des collectivités locales ont crû de 2,5 % en 2012, 2,1 % en 2013 et 2,4 % en 2014. Si l'on fait la somme de la baisse des dotations et de la hausse des recettes fiscales, les recettes globales des collectivités locales ont en moyenne augmenté de 1,9 % en 2013, alors que les dotations étaient déjà gelées, et de 0,4 % en 2014, alors que les dotations étaient réduites de 1,5 milliard d'euros. Les chiffres partiels qui nous remontent sont de même nature : les recettes globales de fonctionnement sont plutôt stables, voire en augmentation. Nous y reviendrons lors de l'examen des comptes définitifs des collectivités territoriales. Nous avons pris des mesures : oui, les départements bénéficient des mêmes mesures du FCTVA pour l'entretien des bâtiments ; non, il n'y a pas eu de changement de règles récent sur la TVA sur le haut débit. Si la valeur du patrimoine augmente, la prise en compte au titre du FCTVA n'est plus un sujet ; s'il y a des opérations avec des opérateurs privés ou des délégations de service public, il peut y en avoir un.
Les dépenses sociales des départements augmentent de façon souvent difficile à supporter. Le Premier ministre réunit tous les quinze jours un groupe de travail sur le sujet, et il s'exprimera sur une éventuelle recentralisation de l'allocation individuelle de solidarité ou d'autres points.
Nous avons prévu de supprimer la dotation nationale de péréquation pour l'intégrer dans la DGF, et avons revu la question de la DSU et de la DSR en évitant l'effet de seuil entre la DSU et la DSU cible. Nous avons réglé le cas des communes pauvres dans les intercommunalités riches, et donc cette question du prélèvement du FPIC - il est prévu une même marche que l'année dernière. La loi que vous avez instiguée, Michel Bouvard....
était un bon passage. Si nous ne touchons pas à la loi, le FPIC devrait passer à 1,15 milliard d'euros, soit 2 % des recettes fiscales des collectivités territoriales. Nous prévoyons de le laisser à 1 milliard d'euros. Les avis sont partagés, certains voudraient augmenter le FPIC, d'autres non - on voit de qui il s'agit... Nous choisissons l'option médiane.
Il sera produit prochainement, il est dans les radars, n'ayez pas peur. La DGF par habitant réserve quelques surprises ; voyez l'infographie du Monde, regardez Megève, Paris, Guéret, c'est très instructif ! Cela donne un peu plus d'humilité.
L'annonce sur la CVAE, qui sera respectée dans son principe, nécessite des ajustements sur ce qui disparaîtra et ce qui sera transféré avec les compétences évoquées. Vous aurez toute précision dans un dispositif permettant une compensation à l'euro près. Les taux ne se déclineront pas collectivité par collectivité mais nationalement. Votre question est légitime, le dispositif rassurera tout le monde, et vous pourrez si besoin l'amender.
- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -
Comment financerez-vous les suppressions d'impôts prévues pour les revenus faibles - soit quelques milliards d'euros de perte de recettes - et les emplois d'avenir qui coûteront au moins 10 milliards d'euros ?
Selon vous, il est légitime que l'impôt augmente pour ceux qui gagnent plus. Peut-être, mais ce n'est pas efficace ni favorable à la croissance, car les plus riches, qui créent des emplois ou investissent, partent en Grande-Bretagne ou à Bruxelles. Justice et économie ne vont pas forcément de pair. Vous oubliez que pour accroître les recettes fiscales, augmenter les impôts des plus riches ne sert à rien : il faut augmenter les impôts de tous à un faible niveau, c'est-à-dire avoir une flat tax. Le meilleur exemple est la CSG qui rapporte 82 milliards d'euros à un taux unique de 7,5 %, alors que l'impôt sur le revenu, payé par 20 % des plus fortunés, produit 69 milliards d'euros en 2015. Une flat tax n'est peut-être pas légitime mais efficace, car au lieu de 69 milliards d'euros vous pourriez avoir au moins 100 milliards d'euros, ce qui serait significatif pour l'équilibre budgétaire.
Vous annoncez une augmentation de dépenses pour les migrants, vous augmentez l'aide médicale d'État (AME) et le RSA. Qui paiera tout cela, les départements ? En faillite à cause de la réduction des subventions de l'État, ils finiront en cessation de paiement.
Vous ferez, selon vous, des économies réelles de 5 milliards d'euros... en vous payant sur le dos des contribuables locaux. Où sont les 17 milliards d'euros que l'on doit aux Grecs ? Quand les paierons-nous ? Comment financerez-vous cette prime d'activité nouvelle ? La PPE ne sert à rien, chacun le sait. Vous l'intégrez pourtant tout en augmentant le RSA. Ce n'est pas normal. Enfin, pourrions-nous avoir une copie de tous les tableaux présentés ?
Si j'ai bien compris le tableau du document de synthèse, l'impôt sur le revenu est toujours en augmentation de 2,7 milliards d'euros. Comme vous le baissez de 2 milliards d'euros pour huit millions de personnes, il augmentera en moyenne de 7 à 8 % pour les autres. Ce que vous avez dit sur la prime pour l'emploi n'explique qu'une petite partie du chemin, et l'augmentation de revenu de 0,7 % ne représente qu'un dixième de l'augmentation de l'impôt sur le revenu. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cela ?
Je regrette l'absence totale d'atténuation de la baisse des dotations des collectivités : 3,6 milliards d'euros comme prévu depuis deux ans. Malgré la baisse des investissements constatés, vous y trouvez d'autres explications. Nous le voyons sur le terrain, au-delà des effets cycliques, il n'y a plus de projets d'investissement pour maintenant ni pour plus tard. Attention à l'effet boomerang ! Cette diminution de l'investissement se traduira, pour l'État, par un moindre produit de l'impôt sur les sociétés, moins de cotisations sociales et de TVA. Cette baisse, d'environ 50 % de celle des aides à l'investissement, affectera durablement plusieurs comptes de l'État.
Vous ne respectez pas tout à fait vos engagements de réduction des cotisations sociales pour les entreprises : les chefs d'entreprise se sont émus du report au 1er avril de certaines exonérations. Ces bricolages de dates, très commodes pour le budget - de l'ordre de 900 millions d'euros sont ainsi « économisés » - sont déstabilisants pour les entreprises. Ainsi une étude montre que les installations de l'autre côté de notre frontière avec le Luxembourg sont motivées pour moitié par le niveau de l'impôt en France, pour moitié par son instabilité. En procédant ainsi, vous faites exploser le tableau de prévision des entreprises et vous favorisez les effets d'aubaine, au lieu de dispositifs structurants et encourageant l'investissement.
J'ai un sentiment mitigé sur la notion de compensation de l'augmentation du seuil du versement transport : je préfèrerais le mot remboursement. Toucher au versement transport à la veille de la COP 21 est paradoxal ; en 2008, lors du Grenelle de l'environnement, j'avais fait reculer la majorité de l'époque sur ce sujet.
Seul l'avenir tranchera sur les diminutions d'investissement. Il y a un an, on nous disait que c'était la conjoncture électorale. Cela va au-delà du cycle électoral : de 6 %, on est passé à 14 %, soit un doublement. Quelques-uns d'entre nous cumulent encore un mandat exécutif - il n'y aura bientôt plus de témoins ! Nous prévoyons tous une diminution des investissements en 2016 parce que la marge d'autofinancement s'est dégradée et que nous sommes condamnés à équilibrer notre budget.
On nous a dit que la réduction des dotations finance le Pacte de responsabilité - je cite la déclaration des ministres du 14 avril 2014. Le transfert des collectivités locales vers un allègement de charges sociales a-t-il réellement un impact sur l'emploi ? Le CICE et le Pacte de responsabilité n'ont pas eu de grands effets. Jusqu'à aujourd'hui, un euro resté dans les collectivités locales sert mieux l'emploi qu'un euro prélevé pour financer l'allègement de cotisations sociales.
Hier, au Comité des finances locales, nous avons demandé de tenir compte, dans la réforme de la DGF, du ratio de fiscalité locale - la somme des impôts locaux sur le revenu moyen. Dans certains territoires, ce ratio atteint 6 %, dans d'autres 3 %. Il faudra tenir compte de cette diversité dans la réforme, notamment pour les territoires n'ayant pas consenti un minimum d'effort fiscal. Ce sujet fait l'unanimité. Les tableaux département par département sont très éclairants pour le débat sur l'évolution des dotations.
Pourriez-vous évoquer la lutte des services contre la fraude ? La dématérialisation n'est pas toujours chose aisée, et je regrette la restructuration de petites trésoreries. Restructurer et mutualiser, certes. Il n'en reste pas moins que des communes de moins de 200 habitants ont peu de personnel. Tout est lié aux dessertes de haut débit. Certaines communes ont du mal à se connecter. Or le directeur des finances publiques des Ardennes a annoncé récemment qu'il n'y aurait plus de papier, même pour les factures. La dématérialisation totale est-elle vraiment une source de modernisation viable pour les toutes petites communes ?
Merci, messieurs les ministres, de votre optimisme communicatif. J'espère que vous resterez longtemps à ce poste pour gérer le budget de la France car nous avons constaté combien la situation qui s'était dégradée de 2007 à 2012, sans aucune raison bien sûr, s'est considérablement améliorée depuis 2012-2013... Bravo !
Vous parliez de 40 000 euros pour la dématérialisation, les médias disaient 50 000 euros, pourriez-vous confirmer le chiffre ?
La CVAE concerne principalement le transport scolaire. La loi a transféré les transports scolaires aux régions. Or les départements n'avaient qu'obligation d'organiser des transports scolaires et non de financer le transport des élèves. Ainsi, les régions pouvaient financer la part des lycéens, comme le faisait la région Nord-Pas-de-Calais. Le financement du transport n'est qu'une obligation facultative. Rien n'oblige à transférer les dépenses des départements pour les transports scolaires. Nous assisterons à une bataille. La règle des 50 % est un peu surprenante.
Vous assurez que le cycle électoral explique la diminution des investissements, tout en reconnaissant qu'elle est, cette fois-ci, plus importante que les fois précédentes. Si le cycle électoral a fait changer la majorité dans la région Nord-Pas-de-Calais, celle-ci n'investira plus 700 millions d'euros par an mais plutôt 100 millions d'euros, parce qu'il ne payait que onze mois de RSA sur douze, la Caisse d'allocations familiales (CAF) consentant des avances pour qu'il boucle son budget. Vous aurez, je pense, des surprises assez sévères sur l'investissement. Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre les augmentations d'impôt qui se préparent dans les collectivités et les baisses de dotation ? Les réductions d'impôt vont-elles compenser les baisses d'investissement ?
Je partage largement les propos de Jean-Claude Boulard. Lorsque vous avez décidé de réduire les dotations aux collectivités et annoncé un plan d'ensemble de 50 milliards d'euros, on a parlé des obligations européennes et, bien que vous prétendiez qu'elles ne fondent pas la construction du budget et que celui-ci répond à un équilibre français, elles sont à la base de vos orientations.
J'aimerais qu'on soit plus rigoureux sur l'analyse du CICE. Hormis des engagements oraux, rien ne nous prouve, sur le terrain, que cette mesure crée des emplois. Le nombre de chômeurs augmente, et le CICE n'a apporté aucune amélioration. Il a peut-être servi pour certaines trésoreries, et j'ai quelques exemples... Ce choix contreproductif ne favorise pas le redressement des finances publiques. En revanche, les réductions des dotations ont un impact très lourd sur l'activité économique et sur l'emploi.
Nous avons besoin de réformer la DGF, de manière à apporter à chacun un minimum vital. J'ai défendu ce point avec Jean Germain lorsque nous avons été élus au Sénat. La loi de finances initiale ne donne pas les moyens de revisiter les outils de péréquation et le FPIC. Il faudrait fondre la DGF et le FPIC, afin d'apporter une réponse de solidarité pertinente sur tout le territoire. Je regrette votre choix d'accélérer la réforme.
Sur le fonds d'aide à la pierre, vous envisagez une ponction de 150 millions d'euros sur les bailleurs sociaux, une association des collectivités et des bailleurs sociaux, et un abondement par l'État, que je n'ai pas retrouvé. Les ressources des bailleurs sociaux viennent pour l'essentiel des loyers. Ils ont du mal à apporter leur soutien par l'intervention de personnel de proximité dans les zones urbaines sensibles (ZUS), alors que nous sommes impactés par l'allègement du foncier bâti. Plus on ponctionne, moins on a de répondant pour travailler sur les ZUS.
Personnellement, je ne trouve pas anormal que les collectivités locales apportent leur contribution au redressement des finances publiques, mais je constate aussi l'effet contrasté des baisses de dotation. Les conséquences sont limitées pour certaines collectivités par l'augmentation de la DSR, par les effets de la péréquation et une augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Dans les Côtes-d'Armor, Lannion, qui a une gestion budgétaire exemplaire, subit une réduction de sa DGF de 35 %, passant de 3,35 millions d'euros en 2013 à 2,3 millions d'euros en 2015. Si l'on poursuit ainsi, la DGF ne s'élèverait plus qu'à 1,8 million d'euros l'année prochaine, soit une réduction de 50 % sur les dernières années. De même, la capacité d'autofinancement de Plérin se réduit très substantiellement. Ne faudrait-il pas mener un examen approfondi de ces situations ? Des raisons techniques expliquant ces évolutions nous échappent peut-être, de même que les différences très importantes du montant de la DGF d'une commune à l'autre nous sont parfois obscures.
Comment articulez-vous le fonds d'aide à l'investissement local d'euros avec une DETR qui a été substantiellement augmentée (20 % dans les Côtes- d'Armor) ?
J'ai cru entendre ce matin que la culture était une nouvelle priorité budgétaire. Je m'en réjouis en tant que co-rapporteur de cette mission ; en tant qu'écologiste, j'aurais néanmoins pensé qu'à la veille de la COP 21, priorité serait donnée à l'écologie. Or son budget baisse pour la quatrième année consécutive et l'on passe d'une réduction de 500 emplois à une réduction de 617 emplois en 2016. Si l'on continuait de la sorte, il n'y aurait plus aucun employé au ministère de l'écologie dans cinquante ans.
Le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) diminue alors qu'elle a publié cette année plusieurs rapports intéressants. Ce matin, le secrétaire d'État assurait dans une dépêche que la fiscalité écologique serait examinée dans le projet de loi de finances rectificative. Il vient pourtant de nous expliquer qu'il rencontrait de gros problèmes avec la CSPE et qu'elle allait subir un coup de frein et non pas recevoir un coup de pouce. Certes, le commissaire à la concurrence, Joaquin Almunia, a considéré en avril 2014 qu'il fallait mettre fin au régime dérogatoire des énergies renouvelables en supprimant les aides d'État. Pour lui, 14 % d'énergies renouvelables en Europe c'était déjà beaucoup... Il faudrait faire savoir à Margrethe Vestager, son successeur, que l'Europe s'est engagée à atteindre un ratio de 27 % d'énergies renouvelables en 2030. Si l'on interdit les aides d'État aux énergies renouvelables, il sera impossible d'atteindre les objectifs politiques que nous nous sommes donnés à l'unanimité. La France a demandé une période d'adaptation jusqu'en 2018 : pourquoi ne pas attendre jusque-là ?
Serge Dassault a dit une nouvelle fois que toute augmentation d'impôt était une catastrophe. L'argent pour les Grecs provient du Mécanisme européen de stabilité (MES) auquel la France cotise. Le catastrophisme n'est vraiment pas de mise.
Fabienne Keller s'étonne que l'impôt sur le revenu passe de 69,6 milliards en 2015 à 72,3 milliards d'euros en 2016 soit, d'après elle, une augmentation de 10 % pour les contribuables qui paient l'impôt. J'ai dit tout à l'heure que la suppression de la PPE, qui était une réduction de l'impôt, représentait à 2 milliards d'euros. L'augmentation nette de l'impôt sur le revenu est donc de 700 millions d'euros, sur un total de 70 milliards d'euros, soit 1 %, comme l'inflation prévue.
Nous ne manquerons pas d'occasions de reparler de l'investissement, et des multiples causes de son évolution.
Nous nous étions engagés à réduire les impôts des entreprises à hauteur de 9 milliards d'euros en 2016. Courant 2015, nous avons pris en leur faveur plusieurs mesures qui n'étaient pas prévues, dont le suramortissement des investissements industriels, que votre rapporteur général appelait de ses voeux, et qui a un coût annuel de 500 millions d'euros. De même, nous avons instauré la prime à la première embauche de 4 000 euros. Nous avons également pris des mesures en faveur de l'apprentissage et nous avons aménagé le seuil du versement transport. Le total est évalué à un milliard d'euros et j'ai le sentiment qu'il pourrait être supérieur à ce chiffre. Nous avons estimé que ce milliard d'euros devait être intégré dans les 9 milliards d'euros de réductions d'impôts sur les entreprises. Nous aurions pu le faire à travers une mesure pérenne, par exemple en ne supprimant que la moitié de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, mais nous avons préféré prendre une mesure ponctuelle, « one shot », et décaler d'un trimestre l'entrée en vigueur de ce dispositif. L'effet sera sensible en 2016, mais il disparaîtra en 2017. Nous assumons donc ce décalage d'un trimestre.
Nous avons décidé d'aligner les seuils pour le versement transport. Le dispositif de compensation proposé est à calculé à l'euro près et il sera recalculé tous les ans avant et après les modifications de seuil. Il s'agira donc d'une recette aussi dynamique que le versement transport.
Tout à fait. Marc Laménie m'a interrogé sur les fraudes : une mesure traite des logiciels de caisse frauduleux à la TVA, qui effacent les opérations a posteriori. Nous donnons un délai de deux ans pour que les commerçants aient le temps de se mettre en conformité. Il faut éviter cette fuite importante de TVA dans un certain nombre de commerces.
Nous tenons à la dématérialisation : il est inimaginable que des fonctionnaires dans les trésoreries de province passent leur journée à saisir des données transmises sur des supports papier alors que ces saisies peuvent se faire par télétransmission. Les entreprises et les particuliers économiseront du temps : la télédéclaration fonctionne désormais très bien et n'est en elle-même à l'origine d'aucune réclamation. Le contribuable est guidé, la déclaration est pré-remplie et il dispose d'une simulation immédiate qui lui permet d'adapter immédiatement ses mensualités en cas de mensualisation. Il s'agit d'un réel service. Lorsque j'étais maire, nous accueillions tous les matins des contribuables pour les aider à remplir leur déclaration d'impôt... Nous ne reviendrons pas sur cette mesure.
Éric Doligé m'a interrogé sur la corrélation entre les augmentations d'impôts locaux et les baisses des dotations de l'État. Je suis très dubitatif sur cette question. J'ai eu l'occasion de voir, sur le site de l'Association des maires de France (AMF), un montage vidéo ahurissant expliquant qu'avec la baisse des dotations, on n'aurait plus d'eau dans les douches. Plus d'eau, plus d'écoles, plus de crèches, plus de transports dans les communes... Certains maires anxieux ont pu augmenter les impôts locaux face à ce discours exagéré, mais il faut raison garder.
Marie-France Beaufils m'a demandé si les économies étaient liées à l'Europe. Michel Sapin l'a dit tout à l'heure : notre politique est vertueuse et nos relations avec la Commission européenne sont apaisées, alors qu'il y a un an, les journaux nous annonçaient l'arrivée de la troïka dans notre pays.
Comme toute politique, le CICE mérite bilan. Le comité de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises, présidé par Jean Pisani-Ferry, estime qu'il convient d'attendre encore un peu avant d'être en mesure d'effectuer une évaluation complètement aboutie du dispositif.
La réforme de la DGF s'impose, afin que la baisse des dotations soit moins difficile à absorber pour les communes les plus fragiles. Nous avons commis des erreurs dans la répartition puisque le Comité des finances locales (CFL) a décidé d'une répartition automatique proportionnelle qui touche en particulier les communautés de communes. La règle de trois qui a été retenue a le mérite d'être simple mais elle n'est pas adaptée. Dans la mise en place progressive de la DGF, nous avons prévu un cliquet de variabilité à plus ou moins 5 %, ce qui protège certaines collectivités de variations trop brutales.
André Gattolin, vous avez failli me fâcher. Pourquoi avez-vous déduit de mes propos que nous baisserions le niveau de la CSPE ? Nous serions d'ailleurs bien ennuyés si nous le faisions, car elle correspond à des versements à EDF.
Effectivement, ainsi que les îles interconnectées et les tarifs de rachat. EDF, qui supporte ces charges, perçoit les versements de l'État. Je n'ai pas dit que nous allions baisser la CSPE mais que nous étions en non-conformité avec le droit européen, non pas sur le niveau des aides directes ou indirectes, mais sur des questions réglementaires. Nous règlerons ce problème, mais nous devons revoir l'assiette de la CSPE. La ministre de l'environnement a évoqué une assiette élargie à l'ensemble des énergies fossiles, comme la contribution climat-énergie, dont l'évolution devra être fixée, même si un amendement à la loi de transition énergétique a donné un canevas jusqu'en 2020. Certains envisagent aussi une évolution de la fiscalité sur le diesel. Nous devrons mettre tous ces sujets sur la table, mais les assiettes, les évolutions et les impacts sont différents selon que l'on est une entreprise ou un particulier. Attendons le projet de loi de finances rectificative pour régler ces problèmes. En aucun cas il n'a été question de réduire les montants.
Vous aviez fait référence au contentieux avec l'Union européenne. Comme il y avait eu des propos critiques sur les investissements réalisés en matière d'énergie renouvelable, je m'inquiétais.
Pourquoi mesurer l'action du Gouvernement sur l'environnement uniquement à l'aune du budget du ministère ? N'oubliez pas le fonds de transition énergétique doté d'un milliard et demi d'euros, le crédit d'impôt de transition énergétique (CITE) qui aura coûté 900 millions d'euros au lieu des 800 millions d'euros attendus. L'an prochain, il devrait s'élever à 1,4 milliard d'euros.
Peut-être... Nous pourrons en discuter. La CSPE passera de 7 milliards d'euros en 2015 à 8,2 milliards d'euros en 2016. Il faudra analyser de près cette explosion.
On m'a interrogé sur les 250 millions d'euros annoncés en faveur des aides à la pierre et du logement social : 100 millions d'euros figurent déjà au budget et ce montant sera porté à 250 millions d'euros conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République à Montpellier, lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat. Marie-France Beaufils s'est étonnée de la ponction effectuée sur les organismes HLM. Connaît-elle le montant de leur trésorerie ? Le total se monte à plus de 6 milliards d'euros ! Alors que nous nous battons parfois pour trouver 50 millions d'euros, croyez-vous qu'il est logique de conserver autant d'argent dormant ? La Caisse de garantie du logement locatif social est un organisme financier qui garantit les prêts des organismes HLM : en douze ans, elle a versé... 40 000 euros pour un emprunteur défaillant. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) imposait ce type de gestion. Après avoir travaillé avec cet organisme, nous avons obtenu son accord pour utiliser cette trésorerie disponible : pourquoi laisser dans une caisse de garantie 500 millions d'euros qui ne servent pas à la construction ? Grâce à cet argent, nous pourrons doter le Fonds national d'aide à la pierre. Je ne veux pas que l'on affirme des choses que j'estime fausses.
Merci pour ces réponses complètes, monsieur le ministre.
La réunion est levée à 19h10.