Intervention de Christian Eckert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 septembre 2015 à 12h44
Projet de loi de finances pour 2016- Audition de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics et de M. Christian Eckert secrétaire d'état chargé du budget

Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget :

Une bonne nouvelle est passée inaperçue : l'Insee a récemment revu le déficit public de 2014 à la baisse, à 3,9 % du PIB. Je regrette que personne n'en parle.

Michel Sapin l'a dit, ce budget maintient le cap : le déficit public se réduit comme prévu, et même plus vite que prévu. Les baisses de prélèvements annoncées pour 2016 sont mises en oeuvre, et pour financer tout cela, nous vous proposons un nouvel ensemble d'économies - comme prévu par le plan d'économies de 50 milliards d'euros qui concerne l'ensemble de la dépense publique.

Les bons résultats obtenus depuis un an confortent notre politique et contribuent à sa crédibilité : en 2014, le déficit public a été moins élevé que prévu, à 3,9 % et la dépense publique a progressé à un rythme extraordinairement bas de 0,9 % en valeur. D'ailleurs, le HCFP indique lui-même dans son avis que « ces dernières années, les efforts de maîtrise de la dépense publique ont été sensibles ».

Pour 2015, la prévision de déficit public était de 4,1 % en loi de finances initiale. Depuis avril, nous avons revu cette prévision à 3,8 % et toutes les informations disponibles confortent cette prévision, y compris l'avis que le HCFP vient de rendre. J'ai lu qu'il manquerait quelques milliards d'euros de TVA, quelques milliards d'euros d'impôt sur le revenu. Tout cela ne tient pas debout. Les prévisions de recettes seront en ligne avec nos prévisions de la loi de finances initiale et celles du programme de stabilité.

Le déficit de l'État pour 2015 est réduit de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Je vous l'avais annoncé au moment du débat d'orientation des finances publiques : les recettes fiscales sont en légère plus-value de 100 millions d'euros par rapport au programme de stabilité et les dépenses sont nettement moins élevées que prévu. C'est la première fois depuis 2011, que le déficit de l'État est inférieur en exécution à la prévision de la loi de finances initiale - il atteignait à l'époque 90,7 milliards d'euros.

Notre politique budgétaire est stable, prévisible et crédible. Cette crédibilité passe par le respect d'un principe : pas de dépense nouvelle sans une économie pour la financer. C'est un principe que nous avons respecté dans la construction du budget et nous le respecterons lors de la discussion parlementaire. Bien qu'exigeant, il n'entrave pas notre action, bien au contraire : au cours des derniers mois, le Gouvernement a dû faire face à des événements imprévus et parfois tragiques, qui appelaient une réponse immédiate de la puissance publique et la mobilisation de ressources nouvelles. À chaque fois, nous avons engagé les dépenses nécessaires et, dans le même temps, nous avons dégagé les économies permettant de les financer. Les événements de janvier nous ont conduits à renforcer les moyens pour la sécurité des Français. Ce sont des dépenses nouvelles qui ont un impact tant sur l'année 2015 que sur l'année 2016. Pour 2015, nous les avons financées par les annulations de crédits du décret d'avance du 9 avril dernier et par des mises en réserve complémentaires de crédits. Pour 2016, ces dépenses, en particulier la hausse de 600 millions d'euros du budget de la défense, suite à la révision de la loi de programmation militaire (LPM), ont été intégrées à la construction du budget et elles sont prises en compte dans la baisse de 1,3 milliard d'euros des dépenses de l'État par rapport à la loi de programmation. Plus récemment, nous avons réagi face à deux crises d'importance : la crise agricole et l'accueil des migrants. Je reviendrai au cours des débats sur la façon dont nous financerons ces deux items. Ces exemples démontrent que la discipline budgétaire n'est pas une entrave à l'action.

Les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs baisseront en valeur par rapport à 2015, d'un milliard d'euros à périmètre constant. Il faut souligner cet effort considérable, parce que la répartition de l'effort est, à juste titre, un sujet de débat. Cet effort est plus marqué que celui des autres collectivités publiques : les dépenses de personnel de l'État resteront maîtrisées, même si notre effort de sécurité conduit à revoir à la hausse la trajectoire des effectifs de la défense et du ministère de l'intérieur. La révision de la LPM conduit, en particulier, à une augmentation nette des effectifs de l'État en 2016 ; mais hors révision de la LPM, l'effort est réel, avec une baisse de 1 495 équivalents temps plein (ETP).

Nous poursuivrons l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement des ministères mais aussi des opérateurs, avec une nouvelle baisse des ressources affectées et une extension de 50 % du champ de leur plafonnement, ce qui correspond à une quasi-généralisation de cet excellent principe de gouvernance, auquel le Sénat était particulièrement attaché.

Le projet de loi de finances comporte aussi des réformes structurelles qui soit permettent des économies directes, soit assurent la soutenabilité de l'intervention publique. Sur la politique du logement, nous prévoyons des évolutions des modalités d'attribution et de calcul des aides personnelles au logement, inspirées du rapport de l'Assemblée nationale fait par votre collègue François Pupponi et qui iront dans le sens d'une plus grande équité entre bénéficiaires. Nous réformons également le financement et le volume des aides à la pierre, avec la création d'un fonds autonome, dont la gouvernance et le financement seront partagés entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.

Nous engageons aussi une réforme des modalités d'indexation des prestations sociales, qui font l'objet de deux dispositions en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces dispositions permettront d'harmoniser les dates et les méthodes de revalorisation des prestations, toutes revalorisées à partir de l'an prochain au 1er avril sur la base de l'inflation des douze derniers mois constatée, à l'exception des retraites qui resteront revalorisées le 1er octobre. Nous réformons également le financement de l'aide juridictionnelle et nous affectons une nouvelle ressource fiscale pour garantir le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.

La baisse des dotations aux collectivités territoriales sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s'y était engagé, par la création d'un fonds d'aide à l'investissement local, doté d'une capacité d'engagement d'un milliard d'euros. C'est l'objet d'un article du projet de loi de finances. Ainsi, le Gouvernement souhaite assurer que les économies réalisées par les collectivités locales, indispensables dans le cadre de l'effort de l'ensemble des administrations publiques, ne remettent pas en cause l'investissement local.

Ces évolutions seront accompagnées d'une réforme en profondeur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal, inspirée par le rapport de votre collègue Jean Germain, dans une première étape, et de la députée Christine Pirès-Beaune, et qui sera un moment important du débat parlementaire : une réforme pour une DGF plus juste et plus transparente, qui résorbera progressivement les écarts excessifs et souvent injustifiés entre collectivités, y compris à l'intérieur d'une même strate. Parallèlement, nous développerons la péréquation horizontale dans des proportions que nous évoquerons ensemble.

Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, l'objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) sera fixé à 1,2 % en 2016 et à 1,6 % pour les dépenses de fonctionnement. Nous anticipons ainsi un ralentissement de la hausse de ces dépenses, en lien avec l'adaptation progressive des collectivités à l'évolution de leurs dotations.

Au total, non seulement les économies proposées financent les dépenses nouvelles mais elles réalisent aussi un effort complémentaire de 1,3 milliard d'euros par rapport à la loi de programmation de décembre 2014, qui constitue notre référence. Elles financent aussi les baisses d'impôts en faveur des ménages.

Nous réformons la décote, ce qui adoucit la pente d'entrée dans l'impôt sur le revenu. Cette réduction ne sera pas la seule baisse d'impôts en 2016 : le projet de loi de financement de la sécurité sociale met en oeuvre la deuxième étape du volet « entreprises » ; de même, la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés disparaît.

Même si certaines mesures ont une incidence sur le budget de la sécurité sociale en recettes, l'État les compense intégralement. Ce sont 11 milliards d'euros de baisses d'impôts qui sont pris en charge par le budget de l'État, sous forme de reversement de part de TVA mais aussi sous forme de reprise de dépenses : l'État reprendra ce qui restait de dépenses d'allocation logement dans le budget de la sécurité sociale. Il ne faut donc pas vous étonner de voir une hausse des dépenses de l'État, puisque nous compensons les exonérations de cotisation du budget de la sécurité sociale. Je sais que beaucoup d'entre vous sont attachés à la bonne compensation des dépenses entre l'État et la sécurité sociale.

Ce projet de loi de finances prend en compte la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais à 72 milliards d'euros, le déficit du budget sera à son niveau le plus bas depuis 2008 : voilà bien la preuve que les économies financent les baisses d'impôts mais réduisent aussi le déficit.

La retenue à la source constitue la plus grande modernisation de l'impôt sur le revenu depuis des décennies. Elle représentera un vrai gain pour les contribuables, en particulier pour ceux qui voient leur revenu baisser. Elle ne remettra en cause ni la progressivité, ni la conjugalisation, ni la familialisation de l'impôt sur le revenu. Comme nous l'avons annoncé, elle sera effective à compter du 1er janvier 2018. Cela paraît éloigné, mais étant donnée l'ampleur du chantier, le calendrier est très serré. Nous nous engageons à donner un an à l'ensemble des acteurs pour s'adapter aux nouvelles démarches et obligations, qui doivent encore être précisées, car il ne faut prendre personne par surprise. C'est pourquoi nous présenterons au Parlement avant le 1er octobre 2016 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, ce qui permettra d'avoir un large débat public tout au long de l'année 2016. Une première étape est amorcée dès aujourd'hui avec la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement.

Notre politique budgétaire est à la fois stable et réactive. Elle est stable parce que les engagements de baisse du déficit et de baisse des impôts sont tenus. Elle est réactive parce nous pouvons mobiliser rapidement nos ressources pour faire face à l'urgence. Et ces deux qualités, elle les doit aux économies que ce budget vous propose.

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